Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

samedi 31 mars 2012

HAÏKU DE PELLE

Les idées, comme les tombes, se creusent.
À trop le faire des premières on finit, parfois, par le faire des autres !

RETOUR À PORT SAÏD

Barrière d’Orient, octroi d’Occident,
Porte de deux mondes, sur la terre ronde,
Qui n’ont de cesse que de montrer les dents
L’un à l’autre et l’autre à l’un, qui toujours grondent
Armés qui du cimeterre, qui du trident,
Tandis qu’eaux d’ici, eaux de là, vagabondent !
Port que se disputent tant de prétendants,
Coincé ciel et déserts, tu fécondes
La terre et l’eau pour faire naître incidents
Accidents ou différends, entre deux  frondes,
À force de précédents, d’antécédents,…
Mais tu ne rêves qu’aux îles de la Sonde !
Barrière d’Orient, octroi d’Occident,
Et trait d’union évident entre deux ondes,
Port moins riche d’or noir que de chiens grondants
Redeviens, ici-bas, pour une seconde,
Plus qu’une ligne de partage qu’ardents
De tous bords veulent voir sur la mappemonde !

TELLE EST ELLE !

« Que nous a dit la télé, aujourd’hui ?
Qu’a-t-elle montré ?… Je n’aime pas lire
Mais, avec elle, j’ai de la culture :
En films, en jeux,… C’est ce qui me séduit :
Je sais tout car je suis partout conduit !
Elle m’informe, elle me dit qui élire,
Et même quoi choisir comme voiture ;
Grâce aux images, tout est clair, traduit :
On sait de qui médire, quoi maudire,…

Rumeurs, science, arguments, produits,…
Tout y est : le sérieux et le délire,
La musique ou la sauvage nature,…
Sans sortir, je ne me sens pas réduit :
Pour le monde entier, c’est le sauf-conduit !
Et surtout, sans casser ma tirelire,
Elle garde, éduque ma progéniture,
Dit comment on agit, on se conduit
Et, toujours, quoi penser et puis quoi dire ! »

LA SOLITUDE À DEUX

Alourdie par les poussières du passé
Notre vie, stérile de fruit, voit croître
Et multiplier tous ces mots ressassés
Sans cesse, ces maux grandis dans l’obscur cloître
D’un cœur qui se souvient d’un temps dépassé.
J’avais semé des rêves et des espoirs
De ceux que l’on fait toujours au plus bel âge,
Mais n’ont germé que trêves désespoirs
Dans le sillage de notre mariage,
Où nos regards tranchent comme découpoirs.

Les yeux du chat noir, étoiles vertes
D’un ciel de soie, brillent tous ces soirs
Où, ensemble, on ne sait que s’asseoir
Sans plus faire de découverte

Dans les sillons réguliers de notre union
N’ont poussé que des épis d’indifférence ;
De ce que nous voulions une communion
Nous n’avons engrangé que des apparences.
De ces années passées sous le même toit
Ne sont venus que les grains de l’habitude,
Des moisons de silence à peine courtois
Que nous mettons en gerbe sans lassitude,
Il n’en sort et n’en vient rien qui n’apitoie…

Larmes couvertes et plaies rouvertes,
Notre joie ne vient que d’un chat noir
Quand l’Amour laisse l’huis entrouverte,
Une illusion que tue nos bonsoirs…

IL FAUDRA TOUS S'Y METTRE

Sur une musique d’Anne MARCHAND-TOUJAS
Extrait du conte musical : « Faims d’enfances » (créé le mai 2013, Acte I, Scène 04, 05 & 06)
d'après Les enfants de Timpelbach de H. Winterfeld

Marie : Il faudra tous s’y mettre !
Pour, surtout, n’rien omettre,
Que nos préparatifs
Permettent que l’on mange,
Et que l’on dorme ici.
Ne restons pas assis ;
Il faut que chacun range !

Chœur des enfants : Oui, on va tous s’y mettre !
On sera réactifs

 Rose : Et même créatifs,

Chœur des enfants : On peut te le promettre !
On sera attentifs
À fair’ dans cette classe
Not’ petit restaurant…

Les filles sorties rentrent avec des bougies : Où on mang’, comm’ les grands,
Aux chandelles. La classe !

Chœur des enfants : Oui, on va tous s’y mettre !
Ni passifs, ni plaintifs,

Paule : Car pour le nutritif

Chœur des enfants : ‘Faut jamais rien remettre !
On s’ra compétitifs
Pour bien dresser les tables
Dans notre restaurant

Annie : Marrant et différent
Où on crie tous :

 Paule (seule) : À table !

Marie : Oui, je dois bien l’admettre :
Pour c’travail furtif
Vous fût’ expéditifs !
C’est à moi de me mettre,
Aux fourneaux, au rosbif,…
Il faudra bien qu’on mange 
Aut’ chos’ que pain rassis
Ou idées éclaircies…
J’ai besoin de bons anges !

…/…

 Chœur des enfants : Oui, faudra bien t’y mettre !
Pour nourrir l’effectif

 Louise : D’fugitifs et d’craintifs

Chœur des enfants : Qui à toi vient s’en r’mettre
Et ne fut pas rétif
Pour bien dresser les tables
Dignes d’un restaurant

 Rose : Où les petits, les grands
Veul’ tous crier : (Tous sauf Paule) À table !

jeudi 29 mars 2012

HAÏKU LOUMIÉ

Peut-on suggérer sans risque à un petit branleur,
pour le stimuler un peu, de se reprendre en mains ?

AU JEU DU JE

De l’autre côté de l’absence, sur les rives pavées de violence, des jours asymétriques de turbulence s’écoulent de lune en lune, en partance pour un demain aux contours géométriques qui ne vient jamais. Pourtant, il me relance et étrique une vie banale aux ombres envahissantes, canalise à l’envie mes desseins excentriques. L’incertitude glacée d’un avenir aux formes abstraites et pourtant si nettes invite, en dessin d’arabesques macabres, des regrets croque-morts et, en cauchemars tantriques, des remords vinaigrés.
  Jeton jeté sur le damier des souvenirs stéréotypés et des souvenances stériles, entre fond et forme, je tente ici-bas ma chance, sous les traits d’un présent trop présent, au backgammon des espérances fanées où se lézarde l’aplat des espoirs, masses tenaces de rêves fugaces. Voyant dans l’errement une perspective de mouvement et dans l’impression d’une ligne l’illusion d’une courbe, je me hasarde aussi sur l’échiquier de l’utopie sans âge et des mirages impies sous les auspices d’étoiles sans éclat et sans sillage. 
  Mais, ponctuellement, notre monde avili et déstructuré, ordonnancé sans rime ni raison depuis les fenêtres salies de l’enfance jusqu’à un mot fin pâli, en passant par la fusion d’une effusion, les bleus sableux et les cieux soucieux de l’insomnie, compose parfois un coin de paysage à la Vasarely.

PAUSE DÉJEÛNER

J’ai la paresse et le jeu pour emblèmes :
L’Anglais c’est comme du chinois
Et les maths ça me pose des problèmes ;
Quant au Français, pouah, c’est sournois :

La grammaire elle a encore ses règles,
L’orthographe est pas du texto,…
Alors comme je ne suis pas un aigle
Sauf en sport où je suis costaud

Et moi, en dehors des récrés, c’est la cantine
Que j’aime le plus au bahut.
Certes, on n’y mange bien que nos tartines

Mais les profs, en plus du chahut,
Doivent bouffer la même m… que nous
Et ça, ça les met à genoux !

SUR CES VILLES SI VILES

« Tout est sujet ; tout relève de l'art ;
 tout a droit de cité en poésie (...)
le poète est libre. »
V. Hugo (1082-1885), Les Orientales, 1829

Peut-on taire ces ogresses tentaculaires ?!
Babylone aux accents déjà crépusculaires,
Grosses de ces fleuves de foule qui s’y ruent
Comme ces trains fougueux, traits sévères,
Courant de gares gloutonnes en gares ventrues
 Au squelette d’acier ; peau de verre 
Et pieds de pierre en font des titans.
Autre animal, ce bateau partant,
Le nez flairant l’horizon, la coque en costume
D’écume, pour glisser plus loin vers l’évasion ;
Parmi la faune urbaine transhument,
En écrin de goudron, des avions
Dont le vol fait avaler au vent nos rêves…
Ces migrateurs donnent à nos villes leur sève !
Ces géantes, gueule béante, qui s’étalent,
Et se meuvent et s’émeuvent d’ennui,
Au-dessous de lunes électriques
Qui voilent les étoiles et violent la nuit,
La quadrillent d’un maillage géométrique…
Sans cesse agitées par le travail,
Elles sont liées par fils, par rails,
À une planète bleue qu’elles convulsionnent,
Condamnant au secret toute vie qui se crée
De peur, qu’un jour, elle ne les additionne ;
Rien n’est sacré, à jamais ancré
Sur ces pavés qui ne vivent que lorsqu’ils vibrent
Et, révoltés, rêvent qu’ils veulent être libres…
Que dire des envahissantes métropoles
Qui sont condamnées à devenir nécropoles ?!
Vivant suspendues à leurs fumées
D’usines qui gazent les nuages
Sur lesquels gisent des ciels toujours embrumés,
Le silence s’y meurt de bruits anthropophages.
Les sillons infertiles, tracés
Sous milles soleils jamais lassés,
Ont été semés de ces bitumeux reptiles
D’où n’ont germé que des amas de béton gris,
Cités futiles aux tours hostiles,
Donnant des fruits amers ou aigris :
On peut y vendanger la douleur et la peine
Y moissonner parfois et l’horreur et la haine…

FINIE LA TYRANNIE DES PÈRES

Sur une musique de Sophie PEREZ-DELHOM
Extrait du conte musical : « Faims d’enfance » (créé le 28 mai 2013, Acte I, Scène 04, 05 & 06)
D'après Les enfants de Timpelbach de H. Winterfeld


Gaspard : Finies la tyrannie des pères
Et la dictature des mères !
J’ai libéré tous les enfants :
Avant moi, vous n’étiez que faons ;
Vous voici loups, vous voilà louves,
Prenez pour vous tout c’qui se trouve.
Faites selon votre vouloir.
Avec Moi, c’est le défouloir !

Chœur : Finies la tyrannie des pères
Et la dictature des mères !
Nous, les Lascars, on a gagné :
Les parents on a éloigné !
Finies la tyrannie des pères
Et la dictature des mères !

…/…

Gaspard : Finies la tyrannie des pères
Et la dictature des mères !
Vous êt’, ici, partout chez vous
Alors allez-y, servez-vous !
À jamais finies les contraintes,
Le travail, les devoirs, la crainte,…
Pour toujours tout vous est offert ;
Avant moi, vous viviez l’enfer !

Chœur : Finies la tyrannie des pères
Et la dictature des mères !  
Nous, les Lascars, on a gagné :
Rien, ici, ne s’ra épargné !
Finies la tyrannie des pères
Et la dictature des mères !

Gaspard : Finies la tyrannie des pères
Et la dictature des mères !
Plus d’corrections ni de sanctions ;
On parl’ra plus de punitions !
Plus besoin d’être raisonnable,
Ni de trimballer un cartable !
Oui, faites-vous vraiment plaisir :
Cédez à vos moindres désirs !

Chœur des Lascars & des enfants : Finies la tyrannie des pères
Et la dictature des mères !
Nous, Les Lascars, on a gagné :
Les parents on a éloigné !
Finies la tyrannie des pères
Et la dictature des mères !

…/…

Chœur des Lascars & des enfants : Finies la tyrannie des pères
Et la dictature des mères !
Nous, Les Lascars, on a gagné :
Les parents on a éloigné !
Finies la tyrannie des pères
Et la dictature des mères !

…/…

Chœur des Lascars & des enfants : Finies la tyrannie des pères
Et la dictature des mères !
Vive Gaspard, roi désigné
De la ville où il va régner !
Finies la tyrannie des pères
Et la dictature des mères !

…/…

Chœur des Lascars & des enfants : Finies la tyrannie des pères
Et la dictature des mères !
Avec Gaspard tout va baigner :
On va s’soigner et plus s’peigner !
Finies la tyrannie des pères
Et la dictature des mères !

mardi 27 mars 2012

UN HAÏKU POUR RIEN ?

Il y a autant de différence entre l’ironie et la moquerie,
qu’entre l’intelligence et la bêtise !

UNE SEMAINE APRÈS…


À la mémoire de sept innocents
Dont on aura tôt fait d’oublier le sang
Toulouse, horreur en scie et choc en boucle.
On accourt, on commente gravement
Avec des adjectifs en escarboucle ;
Du sordide et du néant, goulûment.
On dénonce, énonce, annonce ardemment.
Il faut rendre le spectacle dramatique
Avec des mines, des mots pathétiques :
L’audience est dictateur sans compassion,
Les douleurs muettes laissent sceptiques,
C’est ça, la tyrannie de l’émotion !

Toulouse est en gavage médiatique
Jusqu’au trop plein, jusqu’à l'écœurement,
À détester la gent journalistique
Qui cause constamment, imprudemment,
Pour ne rien dire, mais à tout moment :
Répétitions, confusions et outrance
De suppositions, d’aveux d’ignorance.
Il faut bien alimenter les passions
Et le débat, stérile, en l’occurrence,
C’est ça, la tyrannie de l’émotion !

Toulouse, à l’antenne. Malheurs. Souffrance.
Partout déformations, information,
Sans respect, décence ni tempérance.
Au-delà du dégoût, de l’obsession,
Que signifie la  tragique agression ?
Car le terrible fait divers tracasse :
« Fait de société » ? Risque ou bien menace ?
Mêmes phrases, semblables émissions,…
Et puis tout passe et tout casse, tout lasse :
C’est ça, la tyrannie de l’émotion !

Bavards et baveux effrayant la masse,
Qui ou quoi servez-vous par votre action,
Hormis des idées folles dans l’impasse,
Avec la tyrannie de l’émotion ?