Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

dimanche 13 janvier 2019

LE PRIMATE SINGEANT LES BIPÉDES

Petite fable affable

Chez ces gorilles, on s’inquiète et s’alarme :
Un des jeunes, petit con mal dégrossi 
Ne cesse, jusqu’à faire poindre larmes
Et de morguer, et de mépriser aussi,
Toutes les femelles de ce groupe :
Il  rabaisse ses sœurs ; il désobéit
À sa mère qu’il snobe ; d’une croupe
Montrée sans fard, ainsi, voire à grand bruit,
Il dédaigne ses tantes, et même il toise
Sa grand-mère en phrases des plus discourtoises.
Il bat froid même celles qui ne sont pas
Ses parentes directes, franc comme un lupa !

Pis, à celles qui ne veulent pas l’entendre,
Il rappelle que la Nature en ses lois
Fit la femelle ployable, douce et tendre,
Inférieure au mâle qui est son roi
Par le cerveau et les muscles ; donc parole
Adressée à elle, sans se déshonorer,
Ne peut-être qu’un ordre et que, donc, son rôle
Est de se soumettre sans tant loghorrer.
« Il en est ainsi c’est le plus intelligent
Et le plus grand de nos cousins, bonnes gens ! »

Cette attitude piqua le chef de meute,
Un dos argenté qui l’interpella par ces mots :
« Alors, Mon Petit, tu cherches à susciter l’émeute ?

- Non pas, Maître : je rappelle que tous nos maux
Vient de ce qu’elles ne savent leur place.
Mâle doit dominer, ses fils seconder ;
Plus bête et faible, toute la populace
Des femelles doit sans causer, ni fronder,
Leur obéir et les servir comme chez les Hommes,
Qui sur toute la terre ont fait leurs royaumes.

- Et pourquoi de telles dispositions ?

- Elles nous sont inférieures en la Création ! »

Il fallait, autant que de telles outrances,
Châtier cette insupportable arrogance :
« Ah, c’est donc pour cela !… Mais mon bon garçon,
Fit l’Ancien, femelle t’a mis au monde,
Si je ne m’abuse ?… Or, si j’entends leçon
Que tu m’as tantôt faite, à quel rang immonde
Devrait-on ravaler l’insigne fruit né
D’un être “inférieur” ?… » Et toute la troupe
De rire à pleine gorge à voir, là, le nez
Que fit l’impertinent à qui ça la coupe…
« Eh ! gorillon à cervelle de grillon
Et aux biceps guère plus gros qu’agrions,
Fuis tout ce qui se prétend valoir modèle
Et les raisons éclairant moins que chandelles  ! »


Illustration : Élisa Satgé, été 2019

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire