Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

dimanche 13 septembre 2020

ÉPILOGUE EMPRUNTÉ

Pour un éventuel dernier recueil de fables…
si d’aventure l'aventure ne s’arrêtait pas de si tôt

            À vue de nez, mettre la dernière touche à un recueil est aussi difficile que d’en poser le premier jalon. Pour l’heure, c’est tout vu : pour cet exercice aussi nécessaire et salutaire même si on a l’impression d’avoir peu, et parfois, hélas, mal écrit tout ce que l’on voudrait dire au vu et au su de tous, on va chercher ses mots chez autrui. Même si c’est mal vu.
     Car la littérature, ce monologue qui se voudrait, paradoxalement, un échange, et pas que de vues, qui nous paraît toujours aussi incomplet que longuet, n’est qu’une longue réécriture, consciente ou non, volontaire ou pas, des œuvres du passé, celles bien en vue comme celles perdues de vue. J’emprunterai donc, e t sciemment cette fois, mes ultimes mots à un de mes prédécesseurs, un de ces Illustres qui, il y a des lustres, ont donné du lustre à cet art que j’essaie de défendre, avec d’autres, ici ou là, d’une façon ou d’une autre à la vue de tous et à l’insu des autres :

« C’est assez, suspendons ma lyre,
Terminons ici mes travaux.
Sur nos vices, sur nos défauts,
J’aurais encore beaucoup à dire ;
Mais un autre le dira mieux.
Malgré ses efforts plus heureux,
l’orgueil, l’intérêt, la folie,
Troubleront toujours l’univers » 
(J.B. Claris de Florian, Fables, 1792 / Épilogue)

     Ainsi petit neveu de Voltaire achevait-il son auguste fablier, lui qui n’a jamais vraiment théorisé sur son art ô combien consommé de l’apologue. D’autres, moins instinctifs et spontanés, le firent ou le font avec plus ou moins de bonheur voire de talent. J’en sais quelque chose.
     Mais revenons à notre postface. Toutefois. cet auteur sans hauteur - si ce n’est de vues -, ce géant du vers et de la rime, bien vu en son temps, quoique resté, à mon point de vue, qui n’est pas la première pourtant, par trop dans l’ombre de son auguste prédécesseur, J. de La Fontaine, confessait, plus tôt, dans un de ces contes brefs et parfois cinglants dont ils avait le secret : 

« Que j’aime les héros dont je conte l’histoire !
Et qu’à m’occuper d’eux je trouve de la douceur !
J’ignore s’ils pourront m’acquérir de la gloire,
Mais je sais qu’ils font mon bonheur.
Avec les animaux je veux passer ma vie ;
Ils sont si bonne compagnie !
Je conviens cependant, et c’est avec douleur,
Que tous n’ont pas le même cœur.
Plusieurs que l’on connaît, sans qu’ici je les nomme,
De nos vices ont bonne part :
Mais je les trouve encore moins dangereux que l’homme ;
Et, fripon pour fripon, je préfère un renard. »
(J.B. Claris de Florian, Fables, 1792 / Le savant et le fermier, IV, 1)

     Qu’ajouter de plus… puisque tout est dit et fort bien dit au demeurant, Nicolas*. Hormis que je vous ai en vue, vous qui, bien en vue, aimiez tant à en mettre plein la vue ?
     Ni vu ni connu, méditons en refermant cet opus sur cette sagesse et cette humilité qui font le fabuliste bien né, bien plus que le fumet de la publicité contemporaine, né d’un engouement momentané, versatile et volatil comme fumée, bien mieux que les hochets parfumés d’une République des Lettres en mal d’introspection ou les honneurs de la postérité qui ne font jamais la prospérité de la personne qui en jouit. Pas besoin de jouir de double vue pour le pressentir…
     Retrouvons donc le goût de la simplesse et de la justesse d’un Populaire que l’on ignorera et méprisera sous tous les régimes et tous le tropiques à travers un genre né de lui et fait pour lui. C’est là sa gloire à lui … de toute éternité car il a la vue moins basse que son extraction !

Fabuleusement vôtre…

* (Romain) Nicolas du Houllay, bien sûr !

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