Qui tient à sa place, doit savoir y rester.
Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques
parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…
jeudi 25 août 2011
LA FERME SUR LAQUELLE LE TEMPS SE REFERME
Cycle toulousain
En haut d’un de ces champs où courait mon enfance,
Dans le vallon de mes souvenirs reverdis,
Tout au bout d’un chemin de terre en déshérence,
J’ai laissé sous un ciel de mai, pauvre étourdi,
Une vieille ferme. Oui, une « borde basse »,
Comme disaient les voix tendres aux accents rugueux
Des ménines que la mort oublie dans l’impasse
De la vie, en foulard noir et souliers fangueux.
Au soleil, à la pluie, ses briques semblaient fondre
Sous le crépi fendu, le torchis décrépit,
Gardant l’espoir de temps meilleurs sans se morfondre ;
Et tant pis s’ils ne sont jamais venus ; i’a pis !
Les rideaux délavés pendus à la fenêtre
Regardaient, sous leurs plis paisibles et empesés,
Passer le vent, changer les saisons et les êtres
Qui, toujours à causer, n’étaient jamais posés.
Parfois, le poulailler s’agitait. « Ōc, sans doute
Le renard ! » nous disait l’Ancien, sous l’amandier,
« Mais les gous l’ont senti, ils sont déjà en route.
Écoutez !… Y’aura pas besoun d'un brigadier ! »…
Il riait de bon cœur puis partait à la chasse
Pour promener un peu son fusil et ses chiens
Par les bois, par les blés. Jamais lièvre ou bécasse
Ne l’a craint, même un peu, l’arme à feu du doyen !
Ici, goutte-à-goutte, les heures s’écoulaient,
Patientes et obstinées, au cadran de l’horloge
Qui marquait moins le temps que le décor réglé
Des veillées qui faisaient oublier boues et bauge,
Le labeur des labours précédant les semailles,
L’heure des Rogations annonçant les moissons,…
On fêtait mariage, naissances et funérailles,
Fenaisons, vendanges, pèle-porc,… sans façon.
La glycine courait sur la façade nue.
Les femmes allaient, venaient, de l’étable à la table
Et de la soue à la soulharde à pas menus.
Elles régnaient sur la maison, aimables, affables,
Près de la cheminée, sous les poutres noircies,
Embaumées par le flot de ces odeurs paisibles
De ragoûts, de graillon, de fritons, de farci,…
Assise dans l’âtre Mémée veille, invisible.
Sur le manteau terni de cette cheminée
Un crucifix obscur, au-dessus de pots vides
Posés en rang d’oignons, gardait du buis fané
Qui fut un jour béni, et veillait, sainte égide,
Sur un bout de ventrèche et une tresse d’aulx,
Sur une vieille table en bois, je crois, de chêne
Sur une cruche en grès, pleine à ras bord, de l’eau
Fraîchie venue du puits et sur quelques noix naines.
Ōc, les murs grisés de la maison pénombrée,
Qu’on lavait à grande eau, gardaient de la poussière
L’amère sueur grise, exposant en chambrée
Les œuvres d’une tataranhe tracassière.
Diaple, tout était calme et pourtant animé :
Le concert des grillons mêlé aux cris des bêtes,
Ce que le vent chantait aux feuilles et aux ramées,…
Dans la paix de nos nuits, hululait une chouette.
La blouse et les sabots étaient à la besogne
Même quand le râteau restait au râtelier.
On avait la peine sereine et, sans vergogne,
Les pas menaient des champ aux bêtes, à l’atelier.
Depuis toujours, les jours coulaient ainsi, semblables,
Qu’écorchaient quelques fois la griffe du greffier,
Qu’endeuillaient ces départs qui aujourd’hui accablent,…
Le septième jour ne venait rien modifier !
Mémée, toujours entre cassoles et casseroles,
Confitures et confits, nous disait : “Que coulhous !”
Quand on faisait les piōts, nous, ses gafets, ses drōlles.
L’Ancien, sa sulfateuse et prou de “Mile Dious !”,
Traquaient doryphores, mildiou et pinces-oreilles,…
Ce temps-là sentait la lavande et le tilleul,
Les cerises étaient, pour tous, des boucles d’oreille
Et les roses roses la fierté de l’aïeul.
L’été passait, aíci, dans une fraîcheur sombre
Mais l’hiver ténébreux était bien chaleureux,
Pardi : les souvenirs inassoupis, en nombre,
Venaient rappeler les jours noirs, les ans heureux ;
Si, parfois, se posaient des lambeaux de silences
Ombrés sur les chaises paillées dépenaillées,
Les fripes défraîchies, l’Ancien faisait relance
D’un vieux chant patois au refrain encanaillé…
Dans cette ferme-là, on avait peu d’argent.
Lent, long, le temps passait, s’égrenait, immuable,
Et le pas du cheval donnait son rythme aux gens,
Aux jours qui se levaient matin, inéluctables…
Mais, fleuves impétueux, les vents fous vont et filent :
L’Ancien, Mémée partis, l’amandier abattu,
La ferme fut vendue à ceusses de la ville ;
On a loti des champs qui ne sont plus battus…
Désormais « la ville » est là. Partout, c’est fini :
Moissons et vendanges, l’accent, la lenga nostra,…
Tout n’est que souvenirs, mots et photos jaunies.
Il ne reste rien de nous autres, les rustauds.
Comme si tout se meurt et que le temps efface
La mémoire qui vit dans tous les noms des lieux :
Diable, grata un pauc de la belle surface
Des choses nouvelles, tu revois nos aïeux !
mercredi 24 août 2011
LA BELLE DU CONSCRIT
Cycle historique
C’est ainsi, tu m’oublieras
Dans d’autres bras, d’autres draps,
Pour quelque lune de brune,
Ou un tendron de fortune,
La première qui voudra !
Oui, demain, tu partiras ;
Ton régiment s’en ira.
Je sais toute l’infortune
Qui, alors, m’attendra :
Seule, ici, il me faudra
Ruminer tout’ ma rancune.
Ton amour ne s’éteindra ;
Toujours tu m’appartiendras ?!
C’est sans espérance aucune !
Au loin, tu ne penseras
Qu’à celle qui te viendra.
C’est ainsi, tu m’oublieras !
Là-bas, tu en découdra
Le jour mais le soir viendra ;
Festin de filles tu auras !
Aucun jupon ne tiendra,
Quand le vin se répandra
Au campement, à la brune.
Oh, bien sûr, tu m’écriras ;
Mon âme se morfondra,
Espérant lune après lune…
Toi, aimant l’autre après l’une,
Jamais tu ne reviendra…
C’est ainsi, tu m’oublieras.
BIEN POLI… MAIS PAS LISSE
Dis bonjour à la Dame
Et souris au Monsieur
C’est un supplément d’âme
Qui te mèn’ra aux Cieux
Dis merci à la Dame
Et au-r’voir au Monsieur
Et n’en fais pas un drame
S’ils restent silencieux
mardi 23 août 2011
SIMIESQUE ESCALADE, GROTESQUE CASCADE
Petite fable affable
Plus le singe, hélas, grimpe haut,
Plus on lui voit le derrière !
Sous les vivats, les bravos,
Qu’on admire sa carrière !
L’Arrivé, lui, voit d’en haut
La foule des serpillières
Qui admire, tout culot,
Son humble trouée fessière
Qui admire, tout culot,
La foule des serpillières.
L’Arrivé, lui, voit d’en haut
Qu’on admire sa carrière,
Sous les vivats, les bravos.
Plus on lui voit le derrière,
Plus e singe, hélas, grimpe haut !
lundi 22 août 2011
À SAINT-MICHEL
Cycle toulousain
Dignes filles de Pyrène,
Femme enfant au port de reine,
Ariège, Belle incertaine,
Et Garonne, sœur hautaine,
S’unissent ici, sereines.
Garonne la souveraine,
Et Ariège, qu’elle entraîne,
Sont, sans courir la futaine,
Pas plus que la prétentaine,
Dignes filles de Pyrène :
Depuis monts et garennes,
Jusques ici, elles traînent
Des richesses lointaines
Qui pleuvent comme en fontaine.
Dignes filles de Pyrène !
Jamais avares d’étrennes,
Nous pourvoyaient pérennes,
En marbres et tiretaines,
Nos bonnes Samaritaines,
Dignes filles de Pyrène.
Dans leurs galets, leur arène,
Tout un passé elles draînent
Aux marges de l’Aquitaine.
C’est leur seule turlutaine,
Dignes filles de Pyrène.
dimanche 21 août 2011
samedi 20 août 2011
AU DÉTOUR DU BOIS
En bois brut, sur pied et non silicifié comme d’aucuns le croient, je ne redoute que la gueule de bois, quoi que n’étant pas boit-sans-soif ni de ce bois dont on fait les flûtes. En effet, en toute chose, je ne mets jamais le doigt entre le bois - et encore moins le boa - et l’écorce ni, encore moins futé, entre le verre et le boîtier comme disent les bottiers mal fagotés au front déboisé.
Même si faute de bois, le feu s’éteint, sans langue de bois, je sors rarement du bois pour une sylphide aux abois, cachée sous le boisseau, bois tendre aux senteurs boisées. Pareillement, je reste de bois quand les chiens boiseux et oiseux, épris de boisson et de buissons, aboient au passage pas sage de jeunes pousses, de bois blanc ou exotique, qu’ils iront fourrer en forêt. À chacun, bois gravé ou bois gavé, son bois de chauffe… soit-il du petit bois affranchi par quelque chèque qui, lui, ne doit pas être de bois !
Il est vrai que ces boiteux du cœur, à l’orée du bois doré, portent souvent des bois à faire pâlir un cerf et pensent, cautère sur une jambe de bois, rendre son pareil à leur pareille aux bois de lit si peu dormants. Il y a, en toute chose, à boire quand la coupe (de bois) est pleine mais aussi, pour les moins aux stères, à manger autre chose que de la sciure de mouches.
Pour ma part, je touche du bois pour rester tel qu’en moi-même et ne pas connaître ces boitons jusqu’à ce que l’on me mette dans la boîte en bois d’arbre au son des hautbois… ou que, bois flotté par trop frotté, l’on me condamne aux bois de justice, car il n’est de bois si vert que l’on n’allume !
vendredi 19 août 2011
LES OISEAUX & L'OLYMPE
Petite fable affable
Un fabuliste, nommé Babrius,
Que d’aucuns croient être un olibrius
Car il n’aimait pas les trop longs laïus,
Conta ces histoires nées des stratus :
Héra vêtit le paon et le faisan de plumes
Sans pareilles ; mais leur voix est loin du costume.
Ils en appellent à Apollon
Qui leur reproche leur melon
Et, en colère, menace de les dépeindre
S’ils continuent, ingrats, ainsi à tant se plaindre !
Qui veut les Dieux réprimander
Peut tout perdre comme qui a trop demandé !
Athéna, Artémis rivalisaient de grâce
Jusqu’à en venir aux mains et laisser des traces.
Un jour qu’elle avait le dessous,
Celle qui jamais rien n’absout,
La Chasseuse, promit la placide chouette
À ne vivre que dans les ténèbres. La bête
Avait le tort d’être l’amie
Intime de sa plus immortelle ennemie !
Parce qu’Aphrodite chérissait les colombes
Hadès, éconduit et condamné à la tombe,
Jalousant cet amour si beau,
En fit la proie des noirs corbeaux,
Des chats, des chiens, des rats mais aussi des rapaces.
Il ne voulait plus voir voler, dans son espace,
Tourterelles immaculées
Ni palombes un temps miraculées.
Pour le bien des nues, il faut que tout volatile
Reste à sa place, fût-elle fade ou futile :
La pie, digne fille d’Hermès,
Et le choucas, enfant d’Arès,
Se voulaient dans le ciel, des seigneurs et des maîtres,
Rivaux des rapaces, pouvant tout se permettre.
Zeus les fit alors charognards,
Et soumit à l’aigle ces deux grognards.
Un beau jour, Dyonisos inspiré par les Muses,
Fit un oiseau pêcheur plus gourmand qu’une buse.
Généreux, le dieu en fit don
À son oncle Poseïdon.
Mais l’oiseau, dans l’eau, fit tant et tant de ravages
Que, sans coup férir, il dut fuir loin des rivages,
Près de l’eau douce, il fut banni ;
Héphaïstos y enterra son nid.
Tel Socrate, philosophe audacieux,
L’apologue nous dit, dans un dernier adieu :
« Si le vieux sage a les yeux dans les cieux,
Il se garde de tout rapport aux Dieux ! »
jeudi 18 août 2011
DIONYSIES D'ICI
Un murmure troublant
Qui sussure tremblant
Un baiser de satin
Un peu badin matin
Qui seul se laisse aller
Par l’envie avalé
Un corps sage enlacé
Corsage délacé
Deux seins blancs et pommés
À dessein empaumés
Des caresses de soie
Qui paressent sur soi
Un ventre frémissant
Au centre attendrissant
Jasmin sans lendemain
Une main en chemin
Parle sans se poser
Où perle la rosée
Enfin l’accord des corps
Bercés d’accorts encor’
Puis l’ivresse qui vient
Lorsque sans presse advient
Des vagues du désir
L’écume du plaisir
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