Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

lundi 15 juillet 2019

DIMARS, JOURN DE MERCAT

Cycle toulousain


Ah Diaple, l’été est là, pas celui 
De la Saint Martin, mais celui qui luit
Au ciel et fait sousquer comme poule glousse,
Celui qui, sans fin, te bougne le corps,
Qui te rougit et la teste et la trougne encor’,
Qui te désommeille avant ses aurores rousses,
Te fatigue dès l’aube qui la nuit trousse.

Alors de bon matin, ount il fait caut déjà,
On courra, ensachés, réveiller les goujats
Noun pas, pour rire, mais pour aller en carriole
« Directiu, lou mercat !… » Faz attentiu,
Les bestias appâturent en pensiu !
On ira en ville avec les vielhs et les droles,
Dans l’engin lent qui traversera les caroles.

L’« Afanoté droletta ! » de notre ancien
Presse le pas. Il ronne comme un Prussien
Contre les derniers bals, ceux de la veille
Et qui durèrent tant que dura la nuit,
A bisto de naz, foire aux pucelles, pfuit,
Où l’on voit moins de demoiselles, merveilles
Que de ces filles dont la vertu s’ensommeille…

Mais là, pour l’heure, on s’en vient tous pour partir
Al mercat et on y va pas comme des martyrs !
Chacun se presse, là. Pas besoin de redire
Même aux habits pétassés… Car, vaï, le marché
C’est notre joie, on irait même s’il fallait marcher :
Car il faut voir la foire que c’est entre les rires,
Les couleurs, les odeurs - qui ne sont pas des pires !,…

Les bruits te nous accaparent dès l’arrivée ;
Les voix qui s’interpellent « Boudu », « Puto », « »,…
Circulent entre les corps torturés des platanes.
Lo pépi, secouant la pousque du chemin,
(C’est qu’on n’est pas là, pitchounets, jusqu’à demain !)
Il fait plus le moure, tout à ses patanes
Qu’il faudra vendre avec les herbes et les œufs de canes.

Malgré sa verte vieillesse, il tire, jà, 
Au barricot, le vin du matin donnant le « la »
Au trabalh de chacun et accourdicit les heures…
Té, le Roger : « Adiu ! » - Es un con aquel ! -
C’est qu’on cause avec tout le monde. Macarel,
‘Faut profiter pendant que le ciel ne nous pleure
Sus - Es calq’un aquel ! - Tant de parfums t’effleurent.

On sue, on bosse, on bronzine come abelhas :
S’affairer est un devoir avec aquelhas
Femnas qui se parlan des nenes leurs qui brament.
Poupes à l’air, elles donnent poupou aux poupons
Qui, après, accrochés aux tchuques, pour de bon,
Dormiront. Se dépoitrailler ça a son charme :
On reluque. On range les cluques. Où est le drame ?

Oc, le temps file, millediou. Tu le crois ?
Qu’il astique, atisse ou pègue, le mot est roi.
On en a encore' plus que de mets à te vendre
Pour changer de la tute en son silence tassée,
Du mauvais temps, d’un ciel tristounet assez,
patraque ou pas, on lutte pour faire rendre
Gorge à un pays de cocagne pas toujours tendre.

Seule la montre enquiquine pour l’instant. On vend.
On achète. On maquignonne ferme même au vent.
Béret vissé sus la teste, mégot aux lèvres
On se tarabuste sans se trop se compliquer la vie
Es tounjourn atal amb vosautres ! L’envie
Presse de repartir et on cède avec fièvre,
Sans rancune, avant de repartir comme un lièvre…

Le jour s’en va, la nuit s’en vient, satin.
Alors on reprend le charreton qui, de bon matin,
Avait amené son monde par camis et caroles 
L’œil rêveur, le nez plein de senteurs et l’esprit
Tout farnouze de ce qu’on a là appris
Et surpris,… Ça fera la semaine des droles
- M’as coumprès ! - Et celle des grands aussi. Parole !

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