Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

samedi 13 décembre 2014

CAUCHEMAR D’AILLEURS

Petite fable affable

Aux portes du désert, oui, là où Râ est rosse,
Où le dromadaire aime à rouler sa bosse
Et le chameau se faire vache,
Les palmiers, au vent chaud, se lâchent.
Vient le temps plus lent où, dans l’air amolli,
Ali, sous les lilas, trouve à se faire un lit.
C’est l’heure où l‘Angliche en short, lui, nous fait le singe,
Nageant dans sa sueur, décolorant son linge ;
Le fils d’Allah songe aux prairies,
À l’eau, aux fleurs et aux houris.

Loin de son oasis, le sablier s’écoule
Bien plus lentement. La rêverie le saoule : 
Il voit le palais de son sultan, heureux
Puisque riche à foison, tout puissant et fort preux.
Mieux, dans son rêve, il le rencontre,
Lui, le fellah, et jà lui montre
Le respect que l’on doit à son sang, à son rang,
Mais ce seigneur le toise, alors qu’il est si grand,
Pour avoir dérangé son maître
Sans raison, on lui fait connaître
La privation de biens, de droit, de liberté,…
Le voilà esclave. Et des plus maltraités.
Il en appelle alors au juge.
Mais son prince encore le gruge,
Produisant cent papiers et preuves falsifiées,
Tempêtant d’avoir eu, lui, à se justifier.
Ali fut conduit aux galères,
Connut le fouet pour salaire.
Le pire fut qu’il dut, ruiné, payer les frais
- Procès, prison, chiourme,… - et cela par arrêt
De la haute cour du monarque
Dont Ali, désormais, remarque
Qu’il est plus pingre qu’un bédouin qui va manquer
D’eau pour tout son troupeau déjà trop efflanqué.
Insultant, il fait à la peste :
« Un sultan qui a tout, en reste,
Dont le sourire amer et bonheur feint sont fruits
De sa mauvaiseté, géhenne lui soit puits ! »

Aux portes du désert, Ali enfin s’éveille.
Il est là, chez lui, non au palais des merveilles…
Du rêve, le maure alité
Tire cette moralité :
« Sur terre, la maison, ma foi, la plus heureuse
Est celle qui ne doit à des valeurs creuses
Ou à l’injustice ses biens,
Qui ne les conserve en rien
Par la mauvaise foi et à qui ses dépenses
Ne crée nul repentir*. La mienne a cette chance ! »

* D’après l'ami Solon (-640/-558)


Illustration : Élisa Satgé, été 2019


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