Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

lundi 27 juillet 2015

UNE VIE DE PRIVATIONS

Petite fable affable

Si d’aucuns vont au trot sur tous les trottoirs, 
Ses yeux noirs fouillant le bitume noir,
Un souriceau, joues blêmes et mine basse,
Fuyait notre monde et ses passions.
Il vivait comme un brave moinillon,
Dans la peur de l’Enfer. Cette vraie menace
Le terrifiait : il n’osait pas bouger
Une patte, faire un écart ni ronger,…

C’était de l’orgueil de prendre la parole
Donc il se taisait et se faisait discret ;
Il haïssait, ce n’était pas un secret,
L’avarice et vous donnait jusqu’à ses groles ;
Il fuyait l’envie et donc les magasins,
« La fièvre acheteuse » qui rend zinzin ;
Comme il ne se mettait jamais en colère
On abusait de lui sans qu’il s’énervât
Mais il dénonçait la luxure à tout va
Et le lucre en jouant parfois des molaires.
Toute paresse lui donnait des remords,
Le moindre retard l’air d’un croquemort ;
La gourmandise était bannie à toute heure
De sa vie ; le désir, le plaisir aussi.
Sans vraiment vivre, il mourut d’ennui ainsi.

Se priver de tout pour connaître le leurre
D’un au-delà incertain ne rend pas serein
Car « tout est tentation à qui la craint.* »


* Jean de la Bruyère, Caractères (1687) 

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