Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

dimanche 19 février 2017

HARAS LA CASQUETTE ?

Édito' pour Rue des Fables, novembre 2016

« Quand on a une plume au poil, il faut être bête à bouffer du foin pour écrire des fables, aujourd’hui !… » me disait un vieux cheval sur le retour, une carne trop hâlée. Comme les autres auteurs d’apologues, enfin ceux qui sont ne pas encore mors aux dents, jument fout !
Je ne vais pas monter sur mes grands chevaux pour si peu, il me faudrait un escabeau, même si cette haridelle ne faisait pas mon printemps. Et puis, chère rossinante, sans être à cheval dessus, c’est une affaire de principe dans la gent rimailleuse qui s’adonne à la parabole animalière : « Bien faire et laisser dire ». La plupart de nos détracteurs pourraient finir dans nos histoires. Ainsi J.-J. Rousseau, qui abandonna ses enfants à l’assistance publique et s’est permis de pondre un traité d’éducation, l’Émile (1762), dans lequel cet aimable petit Suisse écrivait sans rire : « Je demande si c’est à des enfants de six ans qu’il faut apprendre qu’il y a des hommes qui flattent et qui mentent à leur profit ? On pourrait tout au plus leur apprendre qu’il y a des railleurs qui persiflent les petits garçons, et se moquent en secret de leur sotte vanité ; mais le fromage gâte tout ; on leur apprend moins à ne pas le laisser tomber de leur bec qu’à le faire tomber du bec d’un autre. » Ce chaud palefroi, pensif raisonneur pour établissement d’un enseignement devenu très secondaire était-il vraiment raisonnable penseur ?!

Moins que le Pégase à qui il s’attaque et à tous les rosses et roussins qui l’ont précédé ou suivis allant à l’amble dans son ombre. En effet, drôles de zèbre parfois, mais jamais mauvais cheval, quoique cavaleur autant que cavalier, le fabuliste - cheval de trait d’esprit - se moque de la renommée : ses trompettes ne sonnent qu’au son des modes qui se démodent et des airs du temps propre à enrhumer ceux qui ne portent sur eux que le string minimum. Hennis soit qui mal y pense !… Cet auteur prône moins qu’il ne prêche l’éthique, ce parasite du porte-feuille, en grattant le papier comme on piaffe, lançant dans les steppes stériles de la feuille (il en est dur, souvent !), une plume - qu’on ne met jamais au pas - prompte à galoper comme étalon ou à trotter comme un percheron. Ses récits, blancs bidets et bidets blancs, en sont la preuve. Et une bonne histoire comme une narration alerte, cela ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval !
L’étable est mise « Rue des Fables » où le maître-étalon et tous ceux de son espèce préfèrent coucher leurs affres palefrenières sur le papier que dans le foin, haquenées au vent. Alors que vous ayez mangé du cheval ou bien que vous en cherchiez un bon pour batailler à califourchon ou miser dessus, soyez le (ou la) bienvenu(e) dans notre manège et ces prés où nous ne sommes pas enclos. Ici, pour ceux qui n’ont pas des œillères, on trouve des fabulistes à qui l’on met le pied à l’étrier - à l’origine d’un fameux coup ! - comme des jockeys confirmés, d’autres remis en selle ou des lads oubliés qui, pourtant, pour aller loin, ménageaient leur monture comme le fit jadis Jeanne d’Arc, la première pucelle - un peu bourrique selon un certain Cauchon - qui finit en sainte.
Chargé comme un baudet d’ans ou jeune et fougueux poulain, têtu comme une mule à qui on aurait lâché la bride, ce bourrin bourru, parfois bourré malgré son débourrage, bourreau de bureau ou coursier hors paire, ne se nourrit pas de l’air du temps qu’il hume à plein naseaux pour mieux vous conter le monde sans vraiment espérer donner à ses travers un remède de cheval. Vos commentaires sont le picotin et vos vues l’avoine de cette bête de selle - pilleur d’étrons, va ! - et non de bât, quoiqu’il fasse parfois débat (surtout vu de haut) qui se rue et se cabre à tout propos refusant le licol des lieux communs, la bride des idées reçues ou les rênes des rois. Car face à l’incurie de toutes les curies reste l’écurie, le cheval étant - avec la femme - la plus noble conquête de l’homme, la fable est celle de l’esprit qui cavale… et le dada de votre chevalier servant !

Fabuleusement vôtre !

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