Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

vendredi 17 juillet 2020

LE CHIEN BOITEUX

Petite fable affable

Un chien errant, handicapé, claudiquait
Par nos rues rurales et sa maigreur indiquait
À chacun qu’il n’était l’animal de personne.
C’était une invite à l’aumône et cette donne
On la lui faisait, je l’avoue, volontiers.
Mais cela ne lui calait pas le dentier.

Les petites bêtes, las, moquaient sa blessure,
La voulant faiblesse, la croyant flétrissure
Surtout qu’il était flanqué de parasites ailés
Que mouches à merde nous avons, nous, appelés*,
« C’est le plus beau de mon bien cette plaie sans sève :
Grâce à elle, sots, de malefaim je ne crève ! »
Tous de penser qu’elle mettait un point d’honneur
Hélas, la pauvre bête, à n’avoir… point d’honneur !

En fait, en attendant une obole prochaine,
Notre estropié valant plus que fils de chêne 
Ne laissait jamais à demain le sage soin
De faire qu’aujourd’hui soit hier… Témoin,
J’en fus !… Il se trouvait quelque petite bête
Toujours pour arrondir le fruit de sa quête.

Il y avait quelque hérisson ou gros pigeon
Sur sa route pour se gausser comme un goujon
De son infirmité. Et pour lui complaire,
Contrefaisant sa démarche patibulaire,
Il accentuait ses faux pas, son clochement
Jusqu’à faire rire l’autre comme un dément.
Quand celui-ci se roulait par terre, hilare,
Tout lui faisant ventre, il croquait lors ce gnare.

Moi je mens pour distraire, non pour vous tromper,
Mais gare à qui amuse pour vous attraper.


* D’après J. De la Fontaine (Fables, Le renard, les mouches et le hérisson, XII, 13)

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