Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

samedi 5 mai 2012

C'EST BIEN, UNE VILLE, LA NUIT !

  La ville, sans lanterner, l’a mise en veilleuse avec l’arrivée de l’obscurité mielleuse  mais elle s’allume comme pour braver l’inévitable. Ainsi, le long d’allées illuminées, des serpents de lueurs en file et filaments sillonnent la pénombre, scarifient de lampes une nuit ample où les points des feux tricolores illuminent, signal plus que fanal, des coins de rues enveloppés de luminosité à défaut de clarté. Ils découpent, ici, des silhouettes enamourées, bistres et brunes, qui auraient préféré le doux fanal des étoiles ou bien, là, des ombres, enveloppées de jais, presséees, qui regrettent sûrement, à en broyer du noir, que l’éclairage ne troue pas plus l’obscurité que ces becs de gaz.
  Rais en traits, un vrombissement traverse l’aire crépusculaire  jusqu’à un tunnel qui les avale goulûment pour les recracher sans vergogne, hors de sa noirceur, qui fait taire ces bruits d’ennui un instant.
  Au milieu d’ombres assombries, les fenêtres closes, grâce à l’halogène de l’indigène, clignent leurs yeux grands ouverts dans les ténèbres puis s’endorment une à une. La pénombre grignote la cité endormie, sans lustre ni éclat, où, malgré le couvre-feu, le noir n’est jamais aussi profond que le sommeil des foules baladeuses, dedans comme dehors. Les lumières sans luminosité des réverbères jouent à cache-cache, en couronne ou en auréole, avec le feuillage d’arbres charbonneux, cernées des brandons des néons qui font aux frondaisons des auras en traînées. Éternels lampions d’une fête inachevée, demain recommencée.
  Points disjoints, des filets de phares traversent l’ère crépusculaire. Ici en contours nus et noirs sous une lune sans feu, un îlot sans halo. Un jardin public, sans doute, assoupi dans des souvenirs clairs de rires d’enfants enclos par ces moteurs criards qui éclipsent la vie mieux que la nuit et ses lamparos.
  Le jour viendra moucher ces projecteurs en faisceau qui tuent le clair-obscur discret. Il naît des nuits de ces cités toute en cécité, ces ampoules, ces spots et ces lampes qui, en jet ou en rayon fixent un sol de goudron où résonnent des pas perdus en écho obscur de béton sous des lampadaires falots ou palots et des tubes criards aux couleurs primaires et crues dans le brouillard.

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