Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

dimanche 13 mai 2012

DE TA FENÊTRE

     Sous le regard silencieux des cieux, je jette un coup d’œil distrait aux yeux sans attrait de la ville qui s’ouvrent sur un jour nouveau, plus beau. Au-delà du labeur de l’aube, me parvient, vague et grouillante, la rumeur ruminante et murmurante de la foule des fous de male humeur, attachés aux chaînes du temps qui coordonnent leurs cohortes. Pendus à la pendule, ils ne connaîtront pas plus que le fouet d’un feuillage, les charmes de la brune ou les larmes de la lune. Le repos de ce troupeau, qui vit de vide, l’enlace chaque jour à un destin déjà tracé, d’heures immobiles aux secondes statufiées en jours diligents aux promptes minutes. Après le répit d’un sommeil sans merveilles, le soleil au vermeil sans pareil et l’air aux soupirs assoupis retrouvent, non sans dépit, l’haleine chaude et lasse de la ville qui n’espère, hélas, ni l’éclaircie d’un sourire ni la parenthèse d’une politesse.
   Penché au-dessus de ce fond sans fin, de ce sol brillant comme un ciel, dont les flaques invincibles et les ornières indicibles sont d’ici invisibles, sous la chape de boue beige de l’éther grège, ma vie, je l’avoue, se vide à tout-va de toute vue. Il n’est pas encore l’heure d’ouvrir la boutique aux souvenirs qu’ont fait resurgir les cieux soucieux de ma demie-insomnie. Pourtant, au fil de milles et une nuits, au temps où, dans nos rendez-vous, nous nous disions “vous”, j’accrochais les fleurs du ciel d’azur de ton regard à mes yeux gris en songeant à la saveur du fruit défendu qui se devinait sous ta jupe fendue quand elle goûtait, en pas perdus, à la caresse du dos d’un doigt du vent viveur, noceur, hâbleur,… Ces rêves m’étaient de brèves trèves dans la guerre que livraient alors les oripeaux de mon sommeil au repos du soleil avec, pour horizon, les murs de la prison, les façades bigarrées des bicoques biscornues,…
   Notre nuit inouïe s’enfuit. Au loin, je contemple l’aurore qui auréole de rouge les hauts-lieux de la banlieue où le ciel, couleur de miel mais odeur de fiel, plonge les lignes de ses racines malignes. Derrière moi, le drap se froisse, me rappelant que nous avons joué la plaisante partition du plaisir partagé augurant un avenir peuplé de souvenirs. 

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