Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mercredi 21 juin 2017

ÂNES AFFAMÉS N’ONT PAS QU’OREILLES

Petite fable affable

Une de ces nuits où le vent froid est si rêche,
Deux ânes qu’on avait attachés là tête-bêche,
Non par caprice ni jeu, mais par économie,
Font face, en leur étable, hélas, chacun à sa crèche.
Ah, le picotin tente l’un, comme son ami,
Mais ils ont beau tirer, aucun ne mange ni mie
Ni miettes car ils sont, las, d’une force égale
Et d’un comparable appétit. Qui donc s’en régale ?
L’ânier qui voit-là une fort belle façon
De ne pas ruiner son bon fenil par trop vite.
Mais ces bourriques, sans qu’on leur fasse la leçon,
Comprennent au matin, en vraies cervelles d’élite,
Qu’à tirer, là, chacun de son côté, et sans fin,
Tous deux sont restés, comme des baudets, sur leur faim.

Donc l’un ou l’autre, je ne sais dire qui, propose
À son alter ego, au cours d’une courte pause,
De se joindre à lui pour goûter, en bons copains,
Dans son grand garde-manger le temps qu’il se repose.
Et les deux frères qui, à risquer le coffre en sapin, 
Se tournèrent le dos comme des goujats rupins,
Purent se sustenter un bon brin dans la mangeoire
Du premier, invité à jouer des mâchoires
Par son pair à la sienne. Et qui fut fort marri ?
Le fermier qui trouva assoupis les compères,
Au jour levé, bedons rebondis, auges taries,
Heureux comme larrons en foire soudains prospères.

Combien sommes-nous, égoïstes patentés, 
Oublieux de ce que permet la Solidarité !

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