Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

lundi 7 mai 2018

SOUVENIRS DE L’EAU DE LÀ

Cycle pyrénéen

La source parlait tout bas à l’orée du village,
En un long soliloque né au début des âges
Que n’interrompit, dit-on, nul hiver nul été.
On la fit chanter, seule et cristalline, en fontaine
Abreuvant la cruche des Fanchon en bas de laine
Ou désoiffant le bœuf las et l’âne débatté,
Le fils du crû, l’étranger passant sans se hâter,…

Son eau brillait en abreuvoirs, riait en rigoles
Irriguant les rues pentues qu’enfant on dégringole
Quand on caracole, et les pierres d’évier
Usées par des madones devenues des matrones,
Inondait le lavoir où l’étronnaient ces bougonnes,
Non sans avoir beaucoup tourné là et ici dévié,
N’oubliant ni le corniaud ni le lévrier.

Le moineau assoiffé comme la petite coque
 De noix qui fait voile pour le pays des phoques
Ou celui des alizés rêvé par un gamin
Savaient la générosité de cette onde
Toujours fraîche, domptée mais offerte à tout le monde
Avant de se noyer au gave en bout de chemin,
Courant sans fin qu’on avait hier, qu’on aurait demain.

Progrès et commodités ont posé leurs valises
Chez nous, un matin. Auraient parlé des analyses.
Les marchands de flotte ont la vieille source capté,
Placé robinets et compteurs, partout, sans vergogne :
L’eau s’est tarie aux abreuvoirs contre lesquels grognent
Des autos, dans les rues asséchées et asphaltées ;
Le lavoir vidé n’est plus que ruines et saletés…

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