Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

jeudi 17 mars 2022

LES ÂNES & LES MOUTONS

Petite fable affable

Traînant leur laine et leur peines dans la plaine,
Avec la mine de ceux pour qui la coupe est pleine,
Les moutons se demandaient qui ils étaient, 
D’où ils venaient ou allaient, au gré d’étés
Semblables suivant des temps à froide haleine.
Allant en pâtis en prés tous les jours pairs
Et de pâture en herbage les impairs,
Des ânes passaient, paissaient, pissaient, la Parque
Leur filant des jours heureux qui sont marque
De tous ceux pour qui tout est clair et appert.

Ces ânes-là étaient devenus philosophes.
Il est bien des chiens policiers ou des lapins
Chasseurs !… Pourquoi ces crédules poltrons, clampins
Parmi les crétins, n’auraient pas cette étoffe
Qui donne sage félicité au bleu de chauffe ?
Avec leurs joies simples, ils fuyaient les propos
Trompeurs, les feintes caresses qui font la peau
Du plus rustique animal si perméable
À la bêtise, refusant ces pitoyables
Oripeaux de la pensée qu’on fait drapeau.

Pas d’ennemi ou d’ignoble à pourfendre.
Nos oreillards refusant de s’homicider,
Ou de défuncter, pour rompeuses idées,
Idéal, idéologie à défendre,
Vivaient heureux sans trop le crâne se fendre.
Et aux questions profondes des bêlants
Ouailles apeurées d’abord par leur ombre,
Ils répliquaient avec cette mine sombre
De qui sait : « Nous sommes bétail au pas lent,
Venus d’abris et y retournant, nonchalants !
Où mène à tant se torturer les méninges
Quand on n’est jamais qu’esclaves d’un singe,
Maître qui peut changer, quand notre destin
Lui n’évoluera pas plus que nos instincts,
Qu’hier ressemble à demain ?… Joue à la sphinge,
Au  penseur qui a panse pleine à ras
Et l’esprit vide de ces lourds embarras
Du quotidien. Les autres, vile engeance
Laissée avec obligeance à l’indigence,
Vont et viennent… et sans se faire gras !
Alors autant que cela soit l’âme libre
De tous ces stériles questionnements… »

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