Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mercredi 29 septembre 2021

UN LIÈVRE PAS MIÈVRE

Petite fable affable 
d’après Le lièvre & le lévrier de Claude Joseph Dorat, 
Fables  ou allégories philosophiques, 1772 (Fables XIII)


L’ours, las, grognait : « Qu’est l’adresse sans la force !

- Qu’est la force sans l’adresse ! Répliquait
Le lièvre affamé en bombant le torse.
C’est promis juré, l’Ami ! Tout efflanqué
Que tu me vois, je ne fuirai la lice
Ni le chasseur qui en veulent à ma pelisse.
Moi, j’en ai assez de me carapater,
De rester famélique ou d’avoir piteuse
Pitance à cause d’une mange-pâtées
Qui n’a, sur moi, cette vile rabatteuse,
Que le pouvoir que je lui laisse. Bah !…
Je résisterai après grand branle-bas !
Marre de payer mon loyer à la peur,
De n’avoir que des trouilles pour patrimoine.
Ce cabot est plus fort mais n’est que jappeur,
Je suis aussi malin qu’un de leurs moines
Et saurai déjouer courre et traquenards
Mieux qu’ours massif… ou que Maitre renard ! »

L’ours, peu timoré, glisse lors : « C’est à voir ! »
Et, truffe au vent, le sentant tourner sans doute,
Quitte l’étique hâbleur sans au-revoir.
Soudain des abois viennent de la route
Et notre courageux bouquin, pour le coup,
De prendre aussitôt ses pattes à son cou…

Il en va ainsi souvent parmi les Hommes
Qui, sur leurs vertus, leur âme, font des sommes :
Plus d’un fanfaron, en un mot comme en cent,
Se fait vil lièvre au péril commençant.

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