Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

vendredi 1 septembre 2017

CELLE AUX DENTS GRANDES COMME SA LANGUE

Petite fable affable

Toujours prête à tout, jamais bonne à rien, 
Cette castor-là, en vrai, aurait bien
Un jour, à l’ouïr marié la carpe
Et le lapin comme  jadis, escarpe,
Elle sautait du coq à l’âne en tout
Et pour tout. Cette épouse castratrice,
Qu’a fuie son époux en pays bantou,
Fut aussi une mère claustratrice
Abandonnée par des fils risque-tout.

Pour ses vieux jours, la voilà donc seule,
Encabanée car l’hiver est vents veules,
Rongeant son frein, ruminant sa rancœur
Ratiocinant sans fin que son bon cœur
L’avait perdue et qu’hélas, sans vergogne, 
Le monde, si ingrat, l’a condamnée
À la solitude , indigne carogne,
Et, pis, à l’oubli comme une damnée.

Car elle avait eu beau changer d’adresse
Plusieurs fois dans sa vie sans vraie tendresse,
Elle qui déménageait du ciboulot,
Chaque fois, sous peupliers ou bouleaux,
Elle tombait, le ciel au dieu ployable
Est témoin, sur d’irascibles voisins,
Sur des relations infréquentables
Ou, pis, sur d’insupportables cousins.

« Et ma mort sera à la triste image
De ma vie dessous tous ces verts ramages :
Personne pour me pleurer. C’est blessant
De savoir ces égoïstes gloussant
Et bavant sur mon corps froid, impavide,… »
L’élan qui l’entend dit, d’un tout gai : 
 « Qui a fait, autour de lui, le vide
Ne doit pas se plaindre d’être relégué… »


Illustration : Élisa Satgé, été 2019

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