Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mardi 26 septembre 2017

LETTRE DU CHARNIER

Ma lyre n’était qu’allégresse et rêverie,
Traquant la Muse amie dans chaque souffle ou brise.
Aujourd’hui, je cherche le silence dans tous les cris
Nés des chairs fouillées ou dans les os qui se brisent.
Sur ce front-ci, la mort s’habitue aux vivants
Quand ma mitraille meurt dans la bouche du Boche
Ou dans la boue éclaboussée de feu, dans le vent
Du déluge de balles qui, dans ma caboche,
Réveille de folles espérance enfouies,
Quand la ville joue, quand la ville jouit.

Boyau de boue où dès demain on s’éviscère,
Boyau toujours gluant, boyau de rats grouillant,
Ma Tranchée a vue prenable sur l’adversaire.
La vie y reprend parfois ses droits au mouillant
Et bourbeux bivouac pendant que cette guerre
Laboure un sol saoulé de sang de longs sillons
Où on se terre, y semant cent milles trous, guère
Plus grands que nous jusqu’au-delà les dardillons,
Dont on fera nos tombes sous cette pluie,
Quand la ville luit, quand la ville bruit.

Froid et peur. Pelotonnés, moi comme les autres,
Nous subissons un hiver sans aucun redoux.
Sol tonnant, ciel grondant, on plonge et se vautre,
Obus tonitruant, aplatis dans la gadoue.
 Que nous importent médailles, gloire et courage 
Quand la crasse carapace nos pauvres corps
Et les poux pourrissent nos vies jusqu’à la rage.
La grenade, fruit de fer, sculpte nos décors
Quand la ville joue, quand la ville jouit,
Quand la ville luit, quand la ville bruit,…

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