Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

dimanche 15 avril 2018

LA PLUS BELLE EAU DE LA FONTAINE

Texte pour le nouveau blog de RuedesFables


          On me rappelle, obligeamment sans pour autant y être obligé, pour obliger sans doute l’humble fabuliste que je m’essaie à être, abreuvé aux vers consignés du « bon-homme » de Château-Thierry et rassasié des vers salutaires du « neveu par ricochets » de Voltaire, que Jean de La Fontaine (1621-1695) est le plus connu des poètes français du XVIIe siècle. Je m’inscris en faux plutôt qu’en fac’ : Pourquoi ce Géant de la Littérature de notre pré carré que l’on baptise parfois hexagone, fabuliste fabuleux, « agagadémicien » de surcroît, virtuose du verbe à césure - césure trente - serait-il seulement le plus grand poète d’un seul siècle alors qu’il a anobli un genre universel qui le rend lui-même intemporel (dont le bal faisait chanter Guy Béart) ?
     Pauvre rimeur solidaire et modeste écriveur d’écrits vains, je suis persuadé que le papy Jean l’est sans restriction en ces verbaux écrits, jamais verbeux, et le défends bec et griffe comme tous ceux qui ont suivi ses chemins de traverse ou ceux qui ont suivi les sentiers bucoliques de la littérature pastorale en vers et contre tous. Jean-Baptiste Claris de Florian (1755-1794), conteur éclectique et auteur du célébrissime « Plaisir d’amour », dans la préface de son recueil (Fables, 1792), se met en scène en tant que jeune auteur en quête d’une approbation, pour ne pas dire d’une bénédiction, auprès d’un vieux bibliophile qui « n’avait que le bonheur d’être sourd ». Féru de fables antiques, domaine dans lequel il semble ferré (Léo ?), il l’est plus encore que ce diable d’homme au nom clair comme celui d’une source, et révéré comme la référence absolue en la matière, qui ne fit son entrée à l’Oratoire que pour mieux le quitter, préférant le frac et le fric au froc, la rêverie à la théologie, le spectacle de la nature aux prières,… après un passage aussi aussi peu remarquable que remarqué, du côté du théâtre et les (vaut le vit)contes libertins. Sacré Jeannot !
     Le bref texte auquel je me réfère, appelé « De la fable » de Florian, autre mécontent du rôle qu’on voulait lui faire jouer - celui de militaire ! - cherche à la fois les tenants et aboutissants du genre fort ancien comme à présenter les grandes étapes de son histoire. Il porte au pinacle, conjuguant  verbe et verve, ses prédécesseurs - et maîtres - dont A. Houdar de La Motte (1672-731) et bien évidemment place sur un piédestal himalayen le plus grand selon lui, J. de la Fontaine, qu’encensait déjà, sans rime mais avec beaucoup de Raison, son contemporain J.-F. Marmontel (1723-1799), autre Lumière. N’étant point piètre ni pataud à l’exercice de l’apologue, celui qu’on n’appelle plus désormais que Florian fait dire à l’aimable vieillard, érudit bibliophile et lecteur assidu, ainsi mis en scène : « La Fontaine est si divin, que beaucoup de places infiniment au-dessous de la sienne sont encore très-belles. » et « que tout fabuliste qui réunira ces deux qualités (dont faisait preuve l’honnête homme du Grand Siècle, à savoir d’être tout à la fois conteur et poète) pourra se flatter, non pour être l’égal de La Fontaine, mais d’être souffert après lui. »
     Pour le vieux monsieur qu’il dit un sien oncle incarné (Voltaire ?) qu’importent les Bidpaï, Lokhman, Ésope, Phèdre, Faërne, Abstémius, Caménarius et autres, tous les pionniers du conte à morale qui nous agrée et force notre admiration par son antique modernité et son éternel renouvellement. L’orfèvre-joailler de Château-Thierry a taillé la pierre brute léguée par ce passé, façonné ses facettes sur les attitudes et habitudes de son temps et polit ses vers comme on le ferait d’un diamant ; nos mémoires - et la reconnaissance qui va avec - lui ont conservé tout leur éclat. C’est ainsi que devant un jeune écrivant à prime âge, qui se rêvait écrivain qu’est le Florian de ces primes pages, l’ancêtre qui goûtait tant aux apologues et chérissait leurs facteurs, résume : « Cent ans après (Hégémon, premier fabuliste en vers français), La Fontaine parut ; et La Fontaine fit oublier toutes les fables passées (quoique s’en inspirant), et, je tremble de vous le dire, vraisemblablement toutes les fables futures. Cependant M. de la Motte et quelques autres fabulistes très-estimables de notre temps ont eu, depuis La Fontaine, des succès mérités. Je ne les juge pas devant vous, parce que ce sont vos rivaux ; je me borne à vous souhaiter de les valoir. » Et J.-B. Florian de Claris, élève ne voulant pas surpasser le maître, dans ses récits le vaut bien…
     Aussi nous chanterons dans ce blog, entre amis du genre fabula, les louanges de ce chantre et bon ange de Monsieur de La Fontaine, notre papy Jean à tous, nous ses arrière-arrière-petits fils en écriture, encenserons ou analyserons son œuvre - protéiforme - comme nous évoquerons sa vie, côté Cour et côté jardin. La postérité ayant fait sa prospérité, et dans ces eaux-là mon bon Émile il y a tant à boire, que nous chercherons l’avis de ses contempteurs perdus comme l’avis de ses détracteurs comme on dit chez les ruraux les plus urbains.

     La Fontainement vôtre !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire