Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mardi 31 décembre 2019

GOUPIL EST PLUTÔT SUBTIL

Petite fable affable

Adossé aux lézardes moussues d’un mur branlant, 
À moitié désempierré, mais de lierre 
Richement habillé, Maître Renard, d’un œil lent,
Regardait le monde aller par champs et bruyères
À son train d’enfer de façon cavalière.

Il était, comme tous ces empressés, pourvu 
Non seulement du nécessaire mais encore
De l’agréable ; or pour tous ces m’as-tu vu
Ce n’était pas suffisant, comme le croient pécores : 
Ils se voulaient chasseurs, il n’étaient que proies
De leurs désirs, n’ayant jamais assez de tunes
À mettre en turne, de biens qu’envieraient les rois,…
Riches d’un superflu qu’ils appelaient « fortune ».

L’une de ces braves bêtes était un blaireau
Qui, pour arrondir un embonpoint qui n’en demande
Pas tant, remuait sans cesse terre et terreau
Et brassait l’air qu’il ne pompait pas, moue gourmande
Et regard à vide. Ce vil olibrius
Disait que voler un voleur était bien. Quel Gus !

Goupil voulait se jouer de ce grand malade
Qu’il soupçonnait d’avoir visité son poulailler,
Nuitamment. Il suffisait d’une guignolade.
À force de rêvasseries et de bailler
Des songes creux à son esprit, il imagine
Un stratagème pour confondre le fendard :
Il fit savoir qu’il rapinait force frangines
Pour étoffer son poulailler de viandard.

Le bruit se répand comme cocorico de l’aube.
Le blaireau, riant, se voit déjà ripaillant
De nombre de poulets rôtis, poules en daube,
Poussins à l’étouffé, œufs mouillettes larmoyants,…
S’en délectant à s’en dilater la bedaine,
Il ne lui restait plus qu’à attendre la bonne aubaine.

Chaque soir, Renard partait donc, pour revenir 
Au matin avec une ou deux prises nouvelles.
Le rayé calcula que, s’il devait intervenir,
Ce serait au mitan de la nuit ; sa cervelle
Lui souffla qu’il n’aurait qu’une opportunité :
Gruger par deux fois un rusé, en ce bas monde,
Ne se pouvant ; aussi, sans ambiguïté,
Il lui faudrait prendre le plus possible à la ronde.

Ainsi fit-il. Mais ses bras trop chargés et ses mains
Occupés à tenir ses victimes l’empêchèrent
De sortir de leur enclos. « Pris comme un gamin,
L’ami ! fit le Renard au matin. Faisons chère,
Ajouta-t-il, le croquant : qui fait un pas plus long
Que sa jambe ne se plaint de choir comme plomb ! »

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