Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mardi 29 juin 2021

LE MIÈVRE & LA TORDUE

Petite fable affable d’après Le lièvre & la tortue
de J. de La Fontaine (Fables, VI, 10)

Rien ne sert de mourir ; il faut partir à point.
Le Mièvre et la Tordue nous en font témoignage.

« Gageons, dit-elle : ma mort fera plus de foin
                                                    Que la vôtre ! 

                         - Fi, que la mienne !… À ton âge,
Mamie ? Fit-il gai comme un geai.
Qu’importent les vieux objets
Comme les antiques amphores !

- Si c’est vol qu’un pari l’honore ! »

On misa donc et chacun d’eux
Mit sa vie en péril par jeu.
Savoir comment ? La belle affaire !
Mais arriva vite leur fin.

Celle du mièvre n’a pu, las, satisfaire
Que la gazette et les ragots de ces confins
Et on oublia jusqu’à son nom en sa lande
Où reprirent les sarabandes.

On pleura fort la tordue, à n’en pas douter,
Sans radoter ni filouter.
Car c’est toujours ainsi lorsque se tue
Ou meurt le moindre fondateur
D’une dynastie de tortus
Qui fait la joie du spectateur
En scènes ou cirques faisant pâmer l’auditoire
Sans toujours offrir fortune et gloire.

C’était là son baroud d’honneur :
Les mièvres ne firent pas de pause
À moquer cette « étrange chose »,
Qui rêva d’ « être quelqu’un » toute sa vie.

Son décès lui donna la gloire hors ses bruyères :
On la remarquait enfin, commentant à l’envi
Avec maints éloges sa longue carrière.
Mais put-elle jouir d’avoir ainsi raison ?
Nenni !… Le prix de la justesse
De vue vaut-elle la tristesse
D’un deuil venu avant saison ?

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