Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

dimanche 19 décembre 2021

L’ESCLAVE DU ROI

Petite fable affable

Par-delà l’onde qui cerne le monde
Était un roi bon, homme généreux,
Désireux que sujets soient heureux,
Lesquels louaient sa sagesse à la ronde.
Pourtant, cet aimable souverain-là
Avait à son service un jeune esclave
Qu’il n’épargnait guère, un être suave,
Docile, disponible, jamais las,…
Il n’est que qualités, sans équivoque.

Le jour de ses quinze ans, il le convoque
À la salle du trône devant la Cour.
Comme il se doit, notre servile accourt,
Apeuré que le monarque ne le tance,
En public, pour avoir failli ou fauté
Et que ne le rosse cette assistance
Qui le méprise comme un vil crotté.

« Avance donc, fait le roi, alors qu'il entre
Dans le saint des saint du palais royal.
D’aucuns te disent vertueux et loyal !

- Je m’efforce de l’être, oui, en cet antre…
Pour vous y être utile, Majesté.

- Que sais-tu faire ? Tu peux tout lister…

- Mais rien que mon travail mon bon maître :
Nettoyer écuries, laver pavé,
Balayer, immondices relever,…
Suivant ce que dit le contremaître
Bâtir s’il faut, détruire au besoin,
Labourer, semer, moissonner à point ;
À la bonne saison faire la vendange ;
Aider aux cuisines au coup de feu
Comme aux travaux d’aiguille un petit peu ;
Assurer l’épandage après les vidanges,
Piocher, charrier, débroussailler,
Équarrir, façonner, roses tailler,… »

On fronce le nez ou pointent des rires
À l’énoncé de toutes ces basses œuvres,
Dans la Noblesse du pays qui couleuvre,
Assemblée ce jour là et qui aspire
À voir châtier ce petit morveux
Qui parle trop, Sire, étant nerveux.

Ce-dernier l’arrête d’un geste :
« Fort bien :… je t’affranchis sur le champ ! »

Puis sur un ton beaucoup moins méchant,
Il ajoute : « Désormais, sans être en reste, 
Je peux t’avouer que tu es mon fils
Et que ton sort, chardon parmi les lys,
Était l’éducation la meilleure :
Loin du fumet des fastes et des flatteurs 
Tu as vu l’enfer du décor, les batteurs
D’estrade, leur rouerie et, las, leurs leurres.
Maintenant tu sais,  mon fils, comment vit
Qui n’est que folle fumée ou que fêtes ;
Et toute ta richesse est leur défaite,
C’est que tu sais, mieux qu’en cent avis,
Comment, et sans fin mais pas sans faim, vivent
Ceux qui, tous les jours, se cassent les reins
Pour le bien général courant les coursives :
Que ton sceptre leur soit plus or qu’airain ! »

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