Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

samedi 15 juin 2013

LE JEUNE COQ & LA VIEILLE POULE

Petite fable affable


Un jeune coq vint à la basse-cour.
Ce fut, pour elle, un bien funeste jour.
Convaincu de son charme personnel,
Et beau comme un péché originel,
Enivré de talents reconnus tôt,
Il fut l’objet de louanges et de stances,
Qu’il se mît costume ou paletot.
Mais pénétré de sa propre importance
Pour un peu, mazette, il aurait appris
Aux poules à pondre et sur cela les tance,
Donnant à tout et sur tout, blâme ou prix
Dans le secret, s’entend, des gens d’esprit.

Tout devint ainsi clans ou coteries :
Les amies du béjaune, en mots et ris,
Classaient chez la poulaille ou le chapon,
Celle qui, dans son coin, à leurs yeux, pond
Trop ou pas assez. Perchés, ces marauds
Critiquent, notent voire parfois cabalent 
Contre celles dont les œufs sont trop gros
Ou trop peu, culs pincés et trous de balle,…
Ainsi y avait-il poules à qui parler
Et d’autres à mépriser comme pibales.
L’ambiance de la cour fut emperlée :
Coups bas, rumeurs, vilenies déferlaient…

Mais que dire car il était rouerie
Et, ma foi, belle et bonne sonnerie.
Devant lui, les poulettes se pâmaient
Car, il n’était, girouette au sommet,
Que feinte gentillesse et que bon mots ;
Chacun des poussins le voulait pour père
Et les poulets l’enviaient à mi-mots,…
Rien dans tout cela ne pouvait déplaire
Et lui s’amusait de faire illusion,
L’ego comme ergot. Cette cour prospère
Jadis unie, fut vite divisions,
Clabaudages, calculs et collusions.
.
Puis, lassé, il quitta la basse cour,
Sa poulaille et celle faisant sa cour.
Une poule, nouvelle à l’abreuvoir,
Marcha sur ses brisées sans le savoir ;
Chez la bête on croit toujours innover.
Bien accueillie par toute la volaille,
La cocotte fait son trou, bien lovée,
Dans l’autre camp et joue, vaille que vaille,
Du bec : reprenant ainsi le flambeau
De ce coq, elle chercha poutre et paille :
Elle n’avait rien à offrir de beau !
La Cour ne fut plus que débris, lambeaux,…

Des gueules d’anges sont souvent les pères
De nos pires maux : le beau faisant bien
Pour les Simples, on ne s’en méfie guère
Et l’on attribue le mal, ce n’est pas rien,
À qui ne fait, à force de morsures,
Que réouvrir cicatrice, blessure
Déjà infligée, profonde ô combien !

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