Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

lundi 3 juin 2013

PHILOSOPHIE DANS LA PRAIRIE

Petite fable affable
Sur une phrase de A. Comte-Sponville*

Un chien de prairie, un peu cabot,
Aimait à taquiner l’un ou l’autre,
L’autre et l’un, comme un sale marmot.
Il est des gens ainsi qui se vautrent
Dans l’espièglerie, un peu clabauds :
Quand d’aucuns ont un esprit vulgaire,
 Lui n’était grossier que par les mots.
Sa victime - on ne me croira guère ! -
Était Bison, bête en valant d’autres.

Bison était massif. L’œil bovin

Et l’air apaisé du roi des plaines
En faisaient un sage, et non un malin,
Qui argumentait à perdre haleine,
Dissertant sur tout et rien, en vain.
Vivant pour penser, cet herbivore,
Ne pensait guère pour vivre à plein
Des jours passant comme un météore.
Mais dès l’instant que la panse est pleine…
Chahuteur et un brin insolent,
L’enterré chinait le philosophe :
« Maître, la raison du plus pesant,
(Ainsi débutaient ses apostrophes)
Est-elle la meilleure ? ». Indolent,
Bison ignorait pareille insulte.
Mais le minuscule malfaisant
 Poursuivait : « Je crains de paraître inculte :
Maigrit-on quand la cervelle chauffe ?

Grosse bête a-t-elle gros cerveau ?

Le poids d’un argument est-il, Maître,
Proportionnel à celui de l’auteur ?… »
Et il continuait, faisant naître,
L’envie de lui creuser un caveau
Chez Bison, raisonneur si paisible,
Prenant tous, et tout, avec hauteur.
L’autre pensait que c’était risible.

Titillé, chahuté par ce chien

Fût-il de prairie, bête futile,
Le penseur pansu si chatouilleux,
Quoiqu’agacé, se tait. Est-ce utile,
De répondre à qui charrie si bien ?
Travaillant à l’instinct, il rumine…
Sa vengeance, animal sourcilleux :
Qui broute honte et fait bonne mine
N’asticote pas, non, mais mutile !

Or un jour, ce rongeur dépassa

Les bornes de toutes les limites.
Bison voulut brider le brimeur :
« Tu ne vaux guère plus qu’une mite ! »
Disant cela, son sabot passa
À un poil du museau de la bête
Qui s’amusait de sa mâle humeur.
Le chien, surpris, n’en perd pas la tête
Pour autant et, de la voix, l’imite :
« “Tu vaux ce que tu veux”, P’tit morpion !
Médite bien cela : tu t’amuses,
Blagueur, mais n’oublie pas - non jamais ! -
Que ta vie sera fille des Muses,
Celle d’Augustule ou de Scipion,… 
Tu n’auras pas la bonne fortune,
Quoi que tu fasses, d’être, jamais,
Un Bison pensant, quelle infortune !,
Car la vie vaut par ce qu'on en use. »

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