Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

samedi 13 avril 2019

LE DOGUE ENRICHI

Petite fable affable
D’après Le Renard et le Dogue de L.-L. Buron

Un certain jour, un dogue, explorant un terrain
Déconnu, dangereux à s’y rompre les reins, 
Ce qui lui sembla un trésor il y découvre :
Un petit coffre empli d’or qu’une dalle recouvre :
« La bonne aubaine !… Déterrons et emportons
L’inattendue cassette. » Loin d’être avorton
Ce labour-là lui paraissait prou accessible
Mais ses pattes ne suffisaient pas. Impossible
D’exhumer la richesse en ce sol endormie.
Le chien avisa un renard qu’il connaissait mie
Mais qui fut attiré céans  par son manège :
Les bergers aiment tant prendre roués au piège ! 
« Ami, dit notre pataud pattu, aide-moi :
 J’ai su flairer une belle occas’ mais l’émoi
Et le branle que je me donne, hélas, ne suffisent
Point à ce que j’en profite. En tout franchise,
Si tu m’aides je t’en donne pour moitié ! »
Le matois, fin et adroit, sait son métier :
« Mais si je te prête mon concours, cher compère,
Toi qui quiers de moi un secours, et l’espère,
Ta gueule tantôt me fera un triste sort
Car je sais la haine des tiens et les ressorts
De leurs actes. Me crois-tu donc suicidaire ?
Comme on dit en ma prudente renardière : 
Demander à qui emploie ruse et fourberie
Ne se fait que pour quelque fraude ou duperie ! »

Le menteur animal s’en fut de ce pas dans un rire.
Déconfit, le toutou pourtant vint à sourire :
« Sot que tu es : pourquoi au premier venu
Te confier, risquer ton bien. Quoiqu’à nu,
Le sol cache encore ses pièces. Abandonne
Un temps, la partie et cours là où on te donne
Ta pâtée. Ton maître, en vrai, n’est guère si loin ;
Il est probité et ce serait payer ses bons soins
Que de partager avec lui, si doux et si juste. » 
Revenu au bercail, il conduisit le fermier
À la dalle qu’il avait trouvée premier.

L’homme en hardes se sachant, aussitôt, si riche
Trouva que partager relevait de la triche :
Il tua son fidèle ami, découvreur de la friche,
Qui comprit, mais trop tard, que jamais, quel qu’il soit,
Il ne faut estimer son prochain d’après soi.

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