Petite fable affable
Dans Carthage que la guerre avait ruinée,
Une bande de singes cherchait fortune.
En fouinant dans les décombres, la puinée
Des guenons trouva, grâce à un rayon de lune,
Une bien belle tête d’homme sculptée.
Elle s’en enticha. L’idée de quitter
Pareille beauté lui déchirait les entrailles.
Mais sœurs et cousines virent son trésor
Et, depuis lors, chez ces femelles, on ferraille
Et se dispute en hurlant toujours plus fort
Pour savoir à qui doit revenir cette tête
Qui, las, ne peut qu’éblouir la moins esthète.
Le singe qui dirige le petit clan
Doit mettre le holà car ça tourne vinaigre :
On se frappe et se déchire à belles dents,
Pour ce caillou cassé comme ferait pègre
D’hommes pour un magot : « Êtes-vous babouins,
Mesdames, pour si peu faire tant de foin ?
- Mais elle si belle : je l’aime ! fait l’une.
- Ah non c’est moi, fait l’autre, je l’ai trouvée !
- Comment rester insensible quand chacune
De nous aspire à la perfection, troublée !
- Certes, elle est des plus belles, je le concède.
Réplique leur chef, mais, là, sous la pinède
J’en sais cent autres de ces mêmes beautés,
Bien vivantes et entières, elles, à qui, las, manquent,
Comme à ce crâne dont vous êtes rassotées,
L’esprit et le jugement, bande de branques !
Vénus et Apollon à vieillir seront prestes :
Comme le temps, beauté passe ; non le reste ! »
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