Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

dimanche 31 mars 2019

LE VIEIL HOMME & L’AMER

Petite fable affable
librement inspirée par une histoire trouvée sur internet

Hélas, trois fois hélas, un cargo géant chargé,
En mer, tombe en rade. La panne est vraie tuile :
Nul technicien, même ayant émargé
Dans les plus grands chantiers, grosses huiles
Du métier, ne peut ni ne sait le quoi
Ou le pourquoi de l’incident. Tout ce qui compte
De p’tits génies et de débrouillards que, narquois,
Toisent parfois les experts précités mais qui, honte,
Souvent les surclassent, échouent eux aussi.
Le moteur, las, ne veut rien entendre ici…

L’affrêteur du bateau recourt, de guerre lasse,
À un vieillard qu’on lui conseille enfin.
De la vieille barcasse au gros brise-glace,
Il a réparé tout ce qui flotte aux confins
Du monde des marins. Et malgré son grand âge,
Il répond des plus vite à l’appel au secours,
Avec sa sacoche d’outils quasi hors d’usage.
Bigleux un peu, trottinant et claudiquant, court
Sur pattes, il chausse lentement ses lunettes
Et jette un œil aux leviers et aux manettes…

Le propriétaire croit l’intervention
Vouée, elle aussi, à l’échec, bien plus jeune,
Et meilleur sans doute, malgré attention
Et savoir n’ayant pas réussi. Il déjeune
Déjà de sa désillusion surtout qu’il prend
Son temps ce vieux et donc que son bon navire
En perd !… Foutu moteur !… Mais l’ancien surprend
Tout son monde alors qu’on va dire qu’on le vire :
Là, après sa méticuleuse inspection
Il saisit un marteau de sa collection.

Et notre mécano hors d’âge, sans ambages,
Donne un petit coup sec sur le moteur muet.
Celui-ci toussote et crachote en son tubage
Puis se met en branle et tourne sans ciller
Comme toujours il l’avait fait jusque là, pépère…
On est aux anges : avec ce moteur reparti,
Le cargo en refera autant et on espère
Récupérer l’argent perdu sous peu, la partie
N’est pas gagnée mais on reprendra l’avantage,
 Car elle est mieux engagée malgré ce ratage !

Une semaine après l’événement arrive
La facture du vieux chez le proprio’
Qui lors s’écrie d’une voix des plus agressives :
« Quoi 10 000 dollars pour un coup de marteau ? »
Il téléphone à l’homme et hurle : « Vos services
Sont hors de prix !… 10 000 dollars, c’est du vol !

- Moins, Cher Monsieur, que ce que tous les novices
Passés avant moi vous ont réclamé : pas d’bol,
Vous avez réglé ces diplômés tout en ruse, 
Alors que le travail n’a pas été fait. Je m’abuse ?!

- Mais vous me réclamer cette somme pour le peu
Que vous avez, voleur, ce jour là, eu à faire !

- L’état de votre bateau, fait l’autre, râpeux,
Compte-t-il si « peu » pour vous ?… Ah la belle affaire !

- Je ne paierai qu’une facture détaillée ! »

Et il raccroche. La note arrive peu après 
Ainsi libellée : « Un coup de marteau baillé :
10 dollars ; Savoir où frapper sans à peu près :
9 990 dollars ». La rage
Prit l’armateur à lire le suivant outrage
Car notre bon vieillard avait ajouté :
« Si le Savoir a une valeur fort certaine,
L’expérience, nul, las, ne peut en douter
Elle, n’a pas de prix, Mon cher Capitaine ! »

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