Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

vendredi 17 avril 2015

LE SINGE BANANÉ

Petite fable affable

Prenant les orties pour des ronces, un vieux singe
Se disant quelque chose, se croyant quelqu'un,
Alors qu’il n’était que quelconque, mit du linge
Et se proclama Homme. Il dit à chacun
De ses frères primates
Qu’ayant lu bon nombre d’épais opus, lui,
Et lui seul, en ferait des « civilisés »
Car l’avenir était aux chimpanzés.
Ceux qui, dans l’œil, n’avaient rien qui luit
Le suivirent à la hâte
Car la simplicité sied aux simplets.
Il organisa tout son monde en villages
Pour qu’il chante ses louanges en couplets,
Lui apprit l’agriculture et l’élevage
Puis vint l’âge de l’écrit.
Il interdit la ripaille et les débauches
En lois sévères faites pour temps austères :
Bien encrée, une idée devenue critère,
Reste mieux ancrée qu’une simple ébauche !
Tout se fit sans heurt ni cri.

Mais, chemineau de grand vent, un crocodile
N’ayant ni sou ni maille, près d’eux passa.
Le mauvais plaisant s’installa sur une île
Sise au milieu des villages, comme ça.
On se méfie des guenilles
De ce croquant qui ne fit aucun mal
Puis, par une piteuse imploration,
Ce gueux demanda, quelle prétention !,
Audience au singe fait hôte royal
Du lieu, de ses familles.
L’Ancien moins intéressant qu’intéressé
Reçut le pouilleux qui offrit ses services
Après lui avoir des lauriers tressés :
Loi sans sanction fait retourner au vice,
Il fallait donc un bourreau.
Lui. Le coupable serait son seul salaire,
Point d’autres picaillons. Et son uniforme
Resterait haillons ; la livrée informe
Effraierait tout autant que ses maxillaires
Les marauds et les farauds.

Pour ses basses besognes, pour ses hautes œuvres,
Toquade ou foucade, le Singe use fort
Du saurien qui, vaurien, le manœuvre
Obtenant toujours plus de chair en renfort
De celle que la justice
Daigne, peu souvent, lui mettre sous la dent.
Ce furent les malades, les éclopés,…
Ces bouches inutiles qu’il happait
Pour rendre service avec les décadents
Portant aux mœurs préjudice.
Les singes couraient ainsi à leur perte
Se débarrassant de toujours plus des leurs,
Engraissant ce croco’ à la lippe experte,
Protecteur et protégé d’un roi râleur,
Désormais fort entoilé :
Du bonheur promis ne vinrent que souffrances !
Combien de peuples, hélas, en leur sein fertile,
Nourrissent êtres qui s’avèrent reptiles
Sans vergogne, avec la secrète espérance,
D’être en dernier avalé*.

* D’après une phrase de Winston Churchill.

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