Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

dimanche 19 avril 2015

PROPOS POISSONNIERS

          J’ai connu un merlan amateur de billard, du nom de Billaud, né dans le quartier de la Dorade (Toulouse). Il était beau comme un mérou, un peu maquereau mais très congre, grand-gueule, portant une raie sur le côté  et voiturait, en turbo, sa femme qu’il avait du gagner à Colin-maillard, à moins qu’il n’ait eu la merlu ; en tout cas, il vivait à ses brochets. C'était une vraie morue de Brême, militaire sortie du hareng, pas vraiment de premier anchois tant elle avait de plies, muette comme une carpe, plate comme une limande et sotte comme une sardine… Mais cette pas maigre  (même vue dans l’omble, elle n'avait rien du bardot !), pilier de bar comme il se doit, était une affaire au pageot, prétendait-il à baudroie, car elle n’était pas une môle, sa lotte avec un goujon !
Quoique fuyant comme une anguille, vous n’êtes pas du genre à tout gobie mais ce n’est pas un lieu commun que j’énonce là, vous pouvez l’inscrire sur vos ablettes : ce vieux loup de mer, un brin mulet mais gardon-nous de le lui dire, le nez rouget quand il voulait s’en payer une tanche, n’avait pas de goût - preuve sa roussette ! - quoiqu’il jouât les marlins (spécialiste des rascasses de banque) avec ses yeux vairons et sa chemise saumon, et les requins de pacotille quand on lui tendait la perche car il n’était pas de Blois. Pour rester dans le thon, en cas de truite en avant, ne disait-il pas comme on le fait parfois dans un saupe-opéra, avec la voix vive d’un flétan, en faisant choir négligemment la sandre de ses cigares : « Foi d’églefin, point de sole sans silure ! ». Ah oui, c’était bien un cas, Billaud !


Illustration : Elisa Satgé, été 2019


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