Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

lundi 27 avril 2015

ON NE MANGE PAS LE DIABLE SANS EN AVALER LES CORNES*

Petite fable affable d’après un travail de Camille à partir d’un vieux proverbe (*)

Le ciel a mis son bleu de chauffe
Mais dans les feuilles dort la nuit.
Tout est calme jusqu’à l’ennui
Qui a lancé, ici, sa bauffe.
Dans le vieux manoir moisissant
D’un ancien marquis mollissant
Le Diable, en goguette, s’invite,
Lui que, d’ordinaire, on évite.

Satan sait que le vieux du lieu
Se voudrait bien vivre, mon Dieu !,
Comme une seconde jeunesse
Indécente avec la bougresse
Vivant là sans deux sous dessus
Et, bien mieux, sans dessous dessus.
Le cornu lui bailla pastilles
Pour que se rendît sa Bastille…

Mais Lucifer, est un croquant
Pour qui il n’est rien de choquant :
Le barbon eut la jouvencelle
Qui ne joua mie la pucelle
Et s’éreinta tant en ardeurs
Qu’en fins lambeaux feue sa grandeur
Et sa jugeote s’estompèrent.
Vite il devint le seul mendiant
De ces charmes obsédants.

Il épousa devant Satan,
Quoiqu’il aurait pu, on l’entend,
Être bien plus que son grand-père,
La drolette en leur doux repaire :
La noce le fit édenté ;
La nuit épuisa sa santé !
Le matin le trouva à terre
Et moins que fini : grabataire !

Sous ses yeux même, dans son lit,
Elle s’adonne au doux délit.
Désormais, la jeune marquise
Lui fait porter, à tout sa guise,
Des cornes qui feraient rougir
Le Démon, sans prou s’assagir.
Le vieux en appela au Diable
Qui vint lui, toujours sociable.

Devant ses récriminations
Et sa peur de la damnation,
L’Infernal lui fit : « C’est dommage
De n’avoir pas su, à ton âge,
Qu’à vivre selon le Plaisir,
Qu’à ne suivre que ses désirs,
On finit par rendre les armes
Et, sens dessus dessous, en larmes ! »
Illustration : Camille Lesterle, avril 2015

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