Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mercredi 23 novembre 2011

D'AILES & D'AUTRES

Petite fable affable

Il est dur ici-bas pour certaines bêtes
De tutoyer les sommets, d’être à la fête :
Car monter bien haut, hors toute qualité,
Est l’apanage de la virilité.

Une autruche, quelque peu bécasse,
Dans le royaume de Sire Lion,
Ambitionnait une haute place.
Elle joua des coudes et du fion,
N’ayant pas de tête pour l’épate.
Aussi se mettait-elle à genoux
Devant ceux qui, au pouvoir, se vouent
Ou - voyez l’exploit ! - à quatre pattes,
Sans s’offusquer ni même s’effaroucher,
Devant qui est en Cour ou en vogue :
On lui a dit qu’il fallait coucher,
Le Kamasutra pour Décalogue,
Toujours se montrer et s’aboucher
Aux vieux renards buvant des chopines,
Aux jeunes loups sans inhibition,
Pour bien mieux asseoir sa position.
Rose sans parfum et sans épine,
Elle fit tant et à bon endroit,
N’ayant pas froid aux yeux ni aux fesses,
Sans finesse, à force de bassesses,
Qu’elle monta, un jour, jusqu’au roi
Et en obtint toutes les largesses.

Celles qui réussissent de la façon
De cette autruche ont une morgue féroce,
Condamnant leurs sœurs à payer la rançon
De la victoire imméritée de ces rosses…

Contre les vents mauvais, les hivers pervers,
Une jeune mouette, frêle et muette,
Réussit à s’élever, à ciel ouvert,
Jusqu’à l’Olympe. On en fit des bluettes,
Car sur la grève, elle suscite l’envie :
 « On ne peut aller, quand on est demoiselle,
Si loin, à la seule force de ses ailes ! »…
Et l’ombre de son exploit la poursuivit ;
Le sage et le sot, le noble ou la canaille,
En tout lieu, disserte, dissèque, médit,…
 Laissée libre ou mise en cage, la poulaille
Pour insinuer, jeter le discrédit,
Ressemble fort à l’humaine valetaille !
On l’avait dite fille cachée d’Isis,
Prête à tout et, par là, prompte au canapé
 - Tant c’était d’usage ! - qu’elle aimait saper,
Joueuse habile de luette et d’iris,
Pour tromper les autres, usurper sa place,…
Bien sûr, les mâles étaient vexés à l’excès
Qu’elle ait vu, avant eux, le céleste accès
Mais ses talents firent aussi sa disgrâce
Auprès de ses sœurs tout autant complexées.

Ma fille, quelque humilité que tu montres,
Le mâle, soupçonneux, toujours se méfie
Du succès soudain qu’une femme rencontre ;
Et plus, s’il n’a su relever le défi !

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