Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

dimanche 25 mars 2012

DANS LE BRASIER DE BRONZE & D'ACIER

Cycle Historique
À  G.  Apollinaire (1880-1918)

Dehors, les barbelés, la terre qui gît, grise…
Les chevaux de frise  s’enchevêtrent à la brise…
Me voilà retranché dans un abri de craie,
Ombre violette dans l’ombre violente
Que force comètes versicolores créent…
Mon rat sur le recul flaire l’eau pestilente,
Froissant le silence, dans la cagnat obscure.
Oh ! les gaz asphyxiants, ce bougre n’en a cure !

À la lisière du ciel qui encre nos scalpels,
Un avion bourdonne. L’augure est sans appel :
Il va falloir marcher, tomber, ramper, survivre
Au fleuve d’étoiles sifflantes, aux bruits stridents,
Qui charrie des fleurs de feu blanc, de fer ardent…
C’est un Enfer qu’on ne trouve dans aucun livre !

Dans la boue du boyau qui gronde, trouille au ventre,
Je fixe le feu du ciel qui pleut sur notre antre…
Un chœur de canons entonne son chant sacré ; 
Son tonnerre tremble en terre et tout supplante.
Seules les écailles du cœur, ici, sont au secret
Et, dans la crasse, croupit la puce ou la lente…
J’en viens à espérer que, vite, la Camarde
M’offre l’accolade. Pourquoi elle musarde ?…

J’ai, sur moi, ta photo… J’ai perdu quelques dents :
Croquer des grenades, ce n’est pas très prudent !
On sort… Un obus qui miaule et meurt… Un cratère…
La terre anthropophage, ici, a faim de chair,
Soif de sang. Nos tombes ne coûteront pas cher !
Les nues crépitent des étincelles. On s’enterre…

Une balle feule et s’écrase triomphante…
On tait, en nous, tous ces cris que la nuit enfante.
L’éclat de vivre éclôt dans le rire insouciant
D’un hussard de hasard, au feu coprophage…
Le soir s’étoile de brefs brandons impatients.
Le feu du bivouac est notre seul chauffage…
Regard éteint, poumons en flamme, pas de leurre :
Demain recommencera hier, à chaque heure !

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