Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mercredi 11 avril 2012

LE JUGE & L'HUÎTRE

Petite fable affable
Perrin Dandin, en gobant leur huître, fit montre
Aux plaideurs des risques qu’il y a à ester
En justice. Mais la suite, tue, nous démontre
Que Thémis frappait qui, en son nom, délestait.
Notre juge, ventru par vertu, tout en joie,
Soudain change de ton : « À faire mon devoir
Aurais-je une crise de foie ? »
Car il sentait en lui ses tripes s’émouvoir,
Vite, il n’est que douleurs ; pas moyen de s’abstraire
Aux maux conduisant au suaire.
Deux docteurs lui vinrent. Il fut à leur merci.
« Il faut saigner qui a grossi
Dit l’un ; et, pour dix louis, il sauvera sa vie.
- Pour vingt, je lui prescris diète et repos senti.
- Cela vaut pour le mal de dents,
Non quand les entrailles font autant de grabuge.
- Pour dix de mieux, j’offre clystère et vermifuges.
- Mais, Béotien outrecuidant,
À moins de trente louis, rien n’est assez prudent ! »
Le juge meurt, après que l’ont mis sur la paille
Nos praticiens qui tant ergotent et pinaillent.
Lors, on en déduisit, en ville et à grands bruits,
Qu’on profite fort peu d’un bien que l’on resquille
Et que si, hier, plaider coûtait jusqu’à son huis,
Aujourd’hui, se soigner, vous ruine et vous desquilhe !
Illustration : Camille Lesterle, janvier 2015

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