Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

vendredi 27 avril 2012

L'OISELEUR & SA FILLE

Petite fable affable 


Un oiseleur, connu pour son habileté
À traquer le pigeon, n’avait eu qu’une fille
Pour lui servir, à son vieil âge, de béquille.
Il entreprit de former la décolletée
À son si dur métier, où c’est l’expérience
Qui fait la fortune et non le sort, le destin,…
Pourvu qu’on la marie à une vraie patience.
À ce prix, les pigeons pouvaient faire un festin !


Docile, la fille apprend toutes les ficelles
Qui firent le succès de son bon géniteur.
Mais la Belle gardait un œil inquisiteur,
Faisant des remarques de fort bon sens qu’icelle
Ne taisait pas, sans peur pour l’immense savoir
De son père traqueur qui trappait, en une heure,
Une pleine couvée d’oiseaux encore au bavoir,
Par rets et par ruses. C’était une gageure !


Elle dit à l’Ancien que l’on pourrait, autrement,
Agir et mieux remplir office et gibecière.
Haussant les épaules, il maudit un bon moment,
Sa défunte femme, qu’on disait prou sorcière,
De lui avoir donné non le fils espéré
Mais une raisonneuse, une irrespectueuse  !
« Montre-moi donc, fille indigne à désespérer
Le meilleur des pères, combien tu es tueuse ! »


Au matin, la donzelle, parée de couleurs
Et de plumes partit. Qu’étaient donc ces fadaises ?
Son père la suivit en forêt, à son aise,
Sans se montrer, troublé. Puis, l’habile oiseleur
La vit choir à l’orée dorée d’une clairière
Après avoir lâché de-ci, de-là, du grain.
Alors, elle joua du flutiau, la Rosière.
Couplets frais aux notes fluides, aux gais refrains !


On vit venir, comme charmés, sottes caillettes,
Vieilles chouettes, butors et perdreaux de l’année,
Faisans et vielles pies en leur carré, fanées,
Bécasses et canards boiteux, oies grassouillettes,
Linottes, coucous, oies et poules - d’eau  ! - mouillées,
Et, bien, sûr des pigeons, une buse demoiselle
Plus quelques grues. Toutes, et tous, s’agenouillaient
Pour becqueter le grain, pour écouter l’oiselle…


 C’était un spectacle pour l’ouïe comme la vue.
Le bec mieux que cloué, le regard dans la brume,
Jamais notre chasseur n’avait vu tant de plumes
Rassemblées en un lieu. Par peur d’une bévue,
Il restait silencieux. Puis soudain s’abattit,
Venu d’on ne sait où, un filet dont les mailles
Prirent cette assemblée, ailes et abattis,
Avant le moindre envol. Un bon tour de canaille !


« Nous voilà, Mon Père, fort bien achalandé
Pour le mois à venir ! dit cette jeune fille
Sans se retourner mie. Ce fut une broutille
Qui ne m’aura coûté qu’une heure, ici, à glander
En jouant du pipeau et cinq deniers de graines.
Avenant et masqué, le chasseur est plus fort ;
Des dehors innocents, des promesses,… l’entraînent
Plus loin que violence ou visibles efforts.
La maxime me vient de tous ceux qui espèrent
D’autrui quelque renfort pour avoir, tout confort,
Faveur, place ou vote,… De forts sages compères ! »

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