Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

dimanche 11 septembre 2011

LA LOI DE LA MEUTE

Petite fable affable

À l’heure où l’herbe se mouille, au matin,
Où la sève monte dans la branche,
Un jeune curé, sachant latin
Et tout son missel doré sur tranche,
Se baguenaudait dans la forêt.
Marchant bon train depuis son orée,
Le vent léger gonflant sa soutane,
En attendant d’aller fleureter
Avec sa mie, pour l’heur apprêtée,
Il herborisait, boue aux tatanes.

Au détour du sentier, il se fige.
Là, face à lui, tous crocs et tous crins,
Un loup le fixe et, cruel vertige,
Sa meute, à l’entour, lui fait écrin.
Le tartuffe se sait pris au piège :
Les males bêtes, partout, l’assiègent.
Il se jette à genoux, prie son Dieu,
Quand le Sire Loup prend la parole :
« Tu vas passer à la casserole ;
Tu as raison de faire tes adieux. »

Le prêtre demande qu’on l’épargne,
Leur dit que va venir son amie,
Gironde, que lui n’a pas de hargne
Envers les loups, offre salami,
Pain et provisions de sa besace,
Promet prière et action de grâce,…
Il parle tant que le loup s’assoit.
Notre pleutre croit que le vent tourne,
Qu’au Ciel, le Grand Barbu ajourne
Son divin décret, qu’Il y sursoit.

« Tu me rappelles un séminariste
Qui prit, jadis, un grand soin de moi
Un piège m’ayant, la chose est triste,
Grippé la patte. Durant des mois,
Il m’a veillé. Je lui dois vie sauve
À lui l’Homme, moi la bête fauve :
Il m’a nourri, aimé et pansé.
C’était en Avignon, il faut dire…
Mieux, et cela peut prêter à rire,
Il m’instruisit dans sa foi. Pensez !

- C’était moi, j’en ai bonne souvenance ! »
Mais ce loup-là savait son métier :
« Je n’agis pas à ma convenance.
Seul, sûr, je ne t’aurais pas châtié
Car, comme toi, j’ai bonne mémoire.
Et aime à contrarier les Moires.
Mais ma meute n’a pas pu curer
D’os depuis longtemps, mon cher apôtre.
 Ta chair sans doute en vaut bien une autre.
Ils iront, curé, à la curée…

Je dois, il faut que tu le comprennes,
Aux miens gîte et couvert, chaque jour,
Sous peine, qu’ensemble, ils me reprennent
Mon autorité et pour toujours.
Sur mes vues, ma vie, prime ma troupe :
Mon intérêt est celui du groupe !
Mais j’ai bien retenu tes leçons »
Il se signe puis, d’un coup, l’éventre,
Et dit aux restes sanglants du chantre :
« Je n’ai jamais mis patte en Avignon ! »

Comme l’habit ne fait pas le moine,
Ne jugeons pas l’acte mais sa fin ;
Et quoiqu’en disent les aigrefins,
Pour le bien commun tout est idoine.

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