Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

vendredi 9 septembre 2011

L'ÂNE DU FERMIER

Petite fable affable

Un âne, en son pré, gambadait
Mufle au vent et yeux aux nuages.
Le Malheur veut que ce dadais
Tombe en un puits profond, sans âge,
Devenu sec depuis longtemps
Et donc oublié tout autant,
Même par les vieux du village.
Blessé, il brait au secours
Si fort qu’on l’entend à la ferme.
À ces cris, son bon maître accourt,
Sentant bien qu’un drame est en germe.
Conscient de la situation,
Il décide, sans compassion,
Que l’histoire doit avoir un terme.

Pour ce vieux trou abandonné,
Il faut le reboucher sur l’heure.
L’âne blessé est condamné,
Sûr, tant il geint, tant il pleure.
En plus, il est vieux et mal allant,
Et le sortir, bon an mal an,
Sera exploit plus que gageure.
Le fermier hèle ses enfants
« Comblons ce puits, enterrons l’âne ! »
Et tous de pelleter, triomphants,
Quels que soient les sons qui émanent
Du trou : l’animal a compris,
Il braille, entre rage et mépris,
Quand la glèbe son poil profane.

Et tous croient en avoir fini
Quand la bête cesse de geindre.
Le puits se bouche et se garnit.
Or quand je jour allait s’éteindre,
On vit deux oreilles pointer.
Le fermier, tout désappointé,
Vit l’âne sortir sans se plaindre.
Vite, la bête s’est aperçue
Qu’en s’ébrouant, avec colère ,
Pour ôter la terre reçue
Puis en montant le tas… La lère !
La vie nous est souvent un puits
Dans lequel pleuvent les ennuis,
Soyons des ânes exemplaires !

Illustration : Camille Lesterle, 19 février 2015

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