Je suis une traînée, la fille à tout le monde,
Celle qu’on montre au doigt, qui cherche les égards
Des pochards, des soudards,… Dont on fuit le regard
Et que l’on méprise quand on est fille ou mère :
Sainte étiolée comme bigote vérolée,
Discrète fin de mois, allumeuse gironde,
Madone éphémère ou bien durable mémère.
Cocues inconsolables au cul inconsolé,
Voudraient me lapider ou, à défaut, me tondre
Pour voir si la fille de joie peut se morfondre.
Je suis une sans-cœur, une catin immonde.
Oui, je suis l’ignoble putain bien balancée,
Terreur des épouses, malheur des fiancées !
Je suis celle qui se vend quand elle se donne,
Une raie publique dont ‘faut pas se priver,
La tarifée fardée qu’on peut invectiver
Quand on est respectable ou, mieux, un vrai notable.
Impuissant pervers et bon serviteur des cieux,
Notaire suranné, gendarme qui ordonne,
Puritain en tribune et moraliste à table,
Noceur, juge obscène ou lycéen licencieux,
Sont les clients honteux de la Cruelle,
Cette fleur de trottoir, la Belle des ruelles
À qui personne, rien, non jamais, ne pardonne.
Oui, je suis celle qu’ils viennent un jour forcer,
Un rêve accessible pour qui veut s’délasser.
Je suis la réprouvée, tribut de bacchanales,
Une horizontale, la bannie, la flétrie,
La tapineuse, qu’en tapinois, on meurtrit
Et qu’on quitte toujours sans mal mais non sans crainte :
Je suis celle qui sait les confesseurs vicieux,
Les concupiscents aux exigences infernales,
Prudes aux mœurs dissolues, pudibonds qui éreintent,…
Que d’honorabilité chez les pernicieux !
Je pourrais bien ruiner ou famille ou fortune
De ces tartuffes hautains d’une phrase opportune…
Soupçonnent-ils jusqu’où la lorette est vénale ?
Je pourrais menacer ou même balancer
Ces « Messieurs » bien placés, ces « Notables » glacés
Car je suis celle qu’ils viennent un jour forcer,
Un rêve accessible pour qui veut s’délasser,
Moi qui suis l’ignoble putain bien balancée,
Terreur des épouses, malheur des fiancées !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire