Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mercredi 31 juillet 2024

SOIR DE GLACE

Les heures sont gels en dentelle,
Trame de givre en broderie, 
L’hiver revêt la métairie
D’un lourd manteau de cascatelles.

Là, les frimas dressent des stèles
Aux arbres nus qui ont péri,
Les heures sont gels en dentelle,
Trame de givre en broderie.

Les fontaines d’ici sont mortelles,
Quand dorment les jardins défleuris
Et que le froid court les prairies.
Dans un silence de chapelle
Les heures sont gels en dentelle,

lundi 29 juillet 2024

JE NE SAIS…

À Christine de Pisan

Las, je ne sais comment je dure
Au sein d’un temps incontinent
Parmi ses foules d’impertinents

Qui n’ont plus à l'âme qu’ordure
Plongeant leur bon cœur en froidure,

Rendant leur esprit abstinent.

Il faut avoir la peau bien dure
Et un rire de couverture
Car, ici, le sage est manant,
Le fou ou le sot dominant…

Dieu sait bien ce qu’ici j’endure
Et ne sais plus pourquoi je dure.

samedi 27 juillet 2024

PRINTEMPS HUMIDE

À la première ondée venue,
S’est attendri le doux tapis
De verts flapis ou assoupis,
Brodé de fleurs menues, ténues,
Sous des arbres nus et chenus
Balayant des nues décrépies.

À la première ondée venue,
S’est attendri le doux tapis
Que foulent des nouveaux-venus
Et que frôlent ailes qui pépient
Sans dépit, trillent sans répit,…
La vie est enfin revenue,
À la première ondée venue…

jeudi 25 juillet 2024

FUGACE EST L’IMPALPABLE

D’après une photo de Marc-Yvan Custeau, 6 octobre 2023

Chaque matin blafard, sans peine et sans douleur,
Naissent à l’orient, émergeant d’une mer de brumes
Des îles et des écueils dont les silhouettes écument,
Fantômes qui n’augurent ni mal ni malheur.

L’aube va effeuiller dans sa paisible geste,
Ces tranquilles revenants, au port apaisé,
Qui marquent l’horizon qui va bientôt s’embraser,
Pour nous offrir, sans fard, des heures bien plus prestes.

Alors cette mer se retire lentement
Jusqu’au prochain levant roséeux d’un automne
Qui verra sa marée mourir plus vitement.

Restera en ma mémoire une écharpe atone,
Échappée de la nuit et, las, fuyant le jour
De peur qu’il souille sa soie durant son séjour…



mardi 23 juillet 2024

TRISTESSE

Je erre en une traîtresse tristesse,
Comme d’aucuns chemineraient en forêt,
Allant sans grand allant, dans l’étroitesse
D’un sous-bois touffu, tout lacets et rets
De chardons et de ronces sans apprêt.
Au lacis des sentes, sans fin, j’hésite ;
L’obscurité met le bois au secret
Et tous mes pas, hésitants, parasite.

Aussi, je vis à petite vitesse
Sous ce vert couvert dont on ne s’extrait
Jamais, je ne le crains, avec prestesse.
Pire que sables mouvants ou marais,
La douleur a mis mes jours aux arrêts
Et mes pleurs à l’amende ; point de visite
Au sans-joie. Le deuil m’est un couperet
Et tous mes pas, hésitants, parasite.

La souffrance est mon éternelle hôtesse…
En ce breuil sombre où je joue du jarret,
À ses taillis ma verve poétesse
S’accroche, à ses buissons sans nul attrait
S’enferrent mes rêves, moins blés qu’ivraies.
Ma peine est plus lourde que l’andésite
Sous laquelle l’espoir est enterré
Et tous mes pas, hésitants, parasite.

Amis, mon chagrin n’est pas un secret
Qu’on pare de mots, qu’on oublie d’un trait ;
Une épreuve par laquelle on transite.
Elle n’est pas en moi, elle est moi, vrai !,
Et tous mes pas, hésitants, parasite.

dimanche 21 juillet 2024

ON S’ARCBOUTE ?

Avez-vous un doute,
Toujours à vos joies,
Parées de vos soies
Sur ce qu’est ma route ?

Mon cœur, las, redoute
Qu’on reste de bois :
Là, qu'on me déboute ;
Qu’Ici, nul ne m’oie…

Avez-vous un doute
Qu’écrire est ma voie,
Et coûte que coûte,
Ce, même aux abois ?

Avez-vous un doute,
Vous qu’on mène au doigt,
Et n’y voyez goutte,
Qu’entier je ne sois ?

Sous vos cieux et voûtes,
Les soupirs narquois
Aux silence ajoutent
Leur poix au lourd poids…
Avez-vous un doute ?
Ce que tait ma voix

Enfin on écoute
Moi, sans foi ni loi !

vendredi 19 juillet 2024

LE GRAND PAYS D’EN FACE

Inspiré par une photo de MArc-Yvan Custeau, 23 avril 2023

En regardant le grand pays d’en face,
De son long hiver givré délivré,
Parant de verts enivrés sa livrée
Et d’ocres cuivrés ses nues jamais lasses,
Mon cœur sevré me rappelle, enfiévré,
Que j’y voulais œuvrer ou couleuvrer.

Habitudes poisseuses et heures en mélasse,
La vie, salace, hélas, m’a empieuvré,
À me faire rester ici manœuvré,
Toujours trop loin du grand pays d’en face.

L’âme lasse, j’en suis chaque jour navré
Regrettant plus qu’un vent chaud et poivré
Qui en sa nasse fait les heures lasses,
Les forêts émeraude d’ors orfévrées,
Les lacs profonds où je voulais havrer,…
Mais en ce pays ai-je encor’ ma place ?



mercredi 17 juillet 2024

MÉLANCOLIE

La mélancolie me fuira-t-elle ?
Elle m’est un si cruel carcan.
Fait de vos joies terribles boucans
Celle qui rend mes nuits immortelles
Pare mes jours de sombres dentelles,
Rend, las, mes bonheurs inconséquents.
La mélancolie me fuira-t-elle
Pour me rendre le temps éloquent ?

Mes amours se font vite mortelles
Avec ce mal  muet, suffocant
Qui met tous vos plaisirs à l’encan,
Rend vos joies, hélas, accidentelles,…
La mélancolie me fuira-t-elle ?

lundi 15 juillet 2024

ÉTÉ PRÈS DU LÉTHÉ

À Charles d’Orléans

Prés ou couverts vêtus de verts,
Appellent le chant de l’oiseau,
Le balancement du roseau,
Habillant mon cœur de vers.

Les fleurs entrent à choeur ouvert
Papillons allant gracioso ;
Prés ou couverts vêtus de verts,
Appellent le chant de l’oiseau.

Quand biches aux bois dorent leur vair
Dame araignée court ses réseaux,
Et le lièvre joue des ciseaux,
Frissonnant museau, par travers,
Prés ou couverts vêtus de verts.

samedi 13 juillet 2024

49.3

                Quelle est donc cette démocratie où
                Un homme s’impose à tous et à tout
                Avec arrogance, tout en prétentions,…
                Refusant de croire qu’hors les élections
                Animal politique n’ait compte à rendre,
                Ni raison à ouïr, ni plèbe à entendre ?
                Trahison : l’institution monarchique
                Est travestie pour lui en République !

                N’est-il pas insultant qu’Assemblée Nationale
                Et sénateurs en phase terminale,
                Une fois de plus, soient méprisés ou
                Foules tabassées, mises sous verrous ?

                Triste pays où on ne peux plus dire
                Rien, ou on est condamné à subir
                Ou souffrir les diktats et le sabir
                Indigeste d’un poseur à maudire,
                Sultan qu'il serait fort bon de proscrire…



TRAVERSÉE

Franchir la vie comme on le ferait
D'un océan, courants et vagues,
Droit vers l'horizon espéré
Plus chaud, plus beau, loin de la schlague,
Du knout, de l'injustice aussi.

Franchir la vie qu'on vit ici
Avant que de se rendre compte,
La pagaie figée, pas très class
Que, quoi que les dieux racontent,
Ce n'est qu'un grand fleuve, hélas !

jeudi 11 juillet 2024

COBAYES SANS MÉDAILLES

Quand avril était poiscaille et passacailles,
Nous étions de la marmaille à chamailles,
Pourvu que notre sabaye un peu trop baille,
Dessous nos trop vieux pulls à grosses mailles,
De la piétaille toujours en batailles,
Ces semailles de limaille que je rimaille,
Pour racaille tout en rocaille et quincaille…
Des fauteurs de pagaille entre deux boustifailles.

Quand avril était accordailles pour la gradaille,
Nous ne côtoyions que cailles à écailles
À qui bouffes on baye ou que, pis, bouffons raillent,
Que toisent fort depuis leur haute taille,
Canailles qui ne sont qu’entailles et grenaille
Dans leurs moissons de mouscaille qu’on rimaille
Et chansonne prou jusque dans la flicaille…
Car elle est fort duraille, ici, la volaille

Côté représailles. Z’ont de ces trouvailles :
Quand la poulaille saisit la valetaille,
 Finies sonnailles en broussailles et mangeailles.
On Condamne aux murailles et à la pierraille !
Ce sont là funérailles, vaille que vaille,
À moins qu’un surin las ne vous charcutaille
La tripaille ou pis qu’une main tenaille
Un cou, que saignent entrailles qu’on ferraille,…

La Loi c’est la faille : adieu les ripailles,
Bonjour la paille !… Alors ce sont fiançailles
Avec le bagne, entre chiourme et grisaille,
N’espère jamais, l’Ami, de reposailles
Et encore moins, hélas, de relevailles.
De cet enfer vert personne ne se taille :
On se souvient poiscaille et passacailles,
Quand nous étions la marmaille à chamailles…

mardi 9 juillet 2024

PRÉMICES DE PRINTEMPS

Une source sourd dans le sous-bois, 
Fatiguée par l’effort,
Déjà usée par le sort :
Aux vents doux qui jouent du hautbois,
À deux jets de nous,
Elle se perdra en boue.

Le ciel, de souffles, sillonné
Attise le vert neuf
D’un pré encore veuf
De de ces troupeaux aiguillonnés
Qui, sans faim, y paitront
Ou, sans fin, passeront.

Emmaillotées en bourgeons, feuilles
Et fleurs pointent leur nez
A ce printemps qui nait,
Lui promettant du chèvrefeuille
Les capiteux parfums
Dès les frimas défunts.

dimanche 7 juillet 2024

LES BOHÉMIENS

Gueux dépenaillés dont cahote,
Grince et geint l’antique roulotte,
Tirée par la jument qui trotte,
Les Boumians courent nos chemins
Hères sans hier ni demain…

Un frisson court alors la plaine :
Peurs d’antan et futures peines
Saisissent jà femmes et marmots ;
Les hommes sortent les flingots :
Ces chemineaux désentripaillent
La poulaille et vendent, pour ripaille,
Gerbes de blé, meules de paille
Au mitan de la noire nuit.
Ces loups-là t’amènent qu’ennuis !

Ces claque-faim qui vont sans bottes,
Sans foi ni loi, peuple en ribote,
Qui mêle aux géants des nabotes,
Les Boumians passent leur chemin,
Seuls, vers un autre lendemain…

On compte et recompte volaille
Ainsi que les plumes des cailles,
Et jsuqu'aux poissons les écailles
Et tant pis si c’est la mi-nuit,
Ces loups-là, toujours, ça te nuit !

Car gens de bien à large hotte -
Le curé mégotant ses bottes,
Le seigneur qui tout nous barbote,
Le gabelou aux larges mains… -
Misère !, nous viennent, demain…

vendredi 5 juillet 2024

CLAPPER APRÈS LA BRUNE ?

La tête posée sur son coussin de lune,
Dans la couverture d’étoiles drapés,
Là, sous l’édredon d’une nuit opportune,
Mes songes enfin mettent à la voile, encapés…

Le vide du sommeil fuit - Quelle infortune ? -
Pour un monde où la plume épelle les maux
Et où son encre appelle, à elle, les mots…

Lors l’éveil les fait voyager, sans rancune,
Pour rimer quelques souvenirs rattrapés
Ou pour chanter l'instant qui s’est échappé,
Le moment qu’on ne voit plus - Quelle lacune ! -

Là, pour moi, pensent et parlent les animaux,
La nature en beauté brille comme émaux,…
En ces heures importunes est ma fortune.

PETIT JEU DE MAUX

À Muriel Batave-Matton, 21 avril 2023

J’ai là, seul, à scèner et à pandiculer,
Ruminant sans fin quelques idée inarticulée,
Alors qu’on sentait félir et mugir la tempête
Des colères unies qui casserolaient qui s’entête
Et jaspine devant des élus soumis n’osant plus blézimarder,
Préférant naqueter, lézarder et bobarder.

Que d’heures infécondes et que de propos hasardés…
À quoi bon adoniser encor' ce pauvre monde,
Mugueter à la brune avec les Muses quand s’émonde
Tout ce qui a compté, un beau jour d’hier, pour toi,
Renâcler et renasquer, âme en berne, cœur pantois,
Contre l’écornifleur qui oublie et la glèbe et la plèbe
Et qu’ « à vivre têtu, on meurt buté ! » comme on dit à Thèbes ?!

mercredi 3 juillet 2024

AZURS EN LASURE

Sur une photo de Marc-Yvan Custeau
en date du 4 février 2023

La neige écrase tout sous son étreinte,
Embrasse un tronc qui se refuse à faillir,
Enlace des sapins qu’elle a fait vieillir,
Sous le ciel alangui d’où sourd une plainte.

La nuit ferme les yeux sur l’immensité
Quiète et coite d’un temp encore arrêté.
Les beaux jours en allés, la vie s’est blottie
Au vallonné bleui d’un lointain qui s’éveille,
Dans les courbes d’un décor mort qui s’orseille,
Dans un coin d’horizon qui appelle l’oubli,
Qu’une sérénité s’un autre âge anobli.




lundi 1 juillet 2024

INTRODUCTION

Lecteur, d’abord merci d’avoir entrouvert
Ces pages qui mettent notre monde en vers
Mais sois indulgent, mon ami, à ce livre
Si, par malheur, il ne t’aide pas à vivre.
Réserve la sévérité ou le rejet
À de bien plus conséquents et nobles objets.

Le mien compte peu : œuvre sans conséquence
D’un rimeur fait pour rester un inconnu,
Ignoré des Moires, méprisé des nues,
Il ne devrait susciter qu’indifférence.
Il fut édité sans nulle vanité,
À peine lu, si d’aventure on le goûte
On le jettera dans l’oubli sans nul doute…
Et il l’aura, je le crains, bien mérité
Quelque amour, sur ma foi, j’ai mis à le faire
Et quelque effort ai-je produit en l’affaire !

Il ne témoigne que de ces fols instants
Que j’ai volés à ma vie et à mon temps,
Croyant fuir l’hiver qui jà coule en mes veines,
Blanchit mes tempes de douleurs et de peines.
Pour fleurir mes jours à l’encre de mes mots,
Epanouir mes nuits à l’âcre de mes maux.