Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mardi 31 mai 2011

HAÏKU PAIX COURT

Pourquoi les raseurs sont-ils
toujours barbants ?

PROPOS EN L'AIR

      Sur l’air des lampions, sans en avoir l’air, puisque je n’ai l’air de rien faute d’être dans celui du temps, je vais vous offrir une bouffée d’air frais de nos festives estives, même s’il n’est pire aîné qu’en nos montagnes. Gai, il peut se faire vif - certains disent piquant - voire grisant ou lancinant mais il reste toujours prêt pour qui veut y laisser traîner ses idées ou y faire vagabonder sa tête avant de tout y ficher ou, carrément, de s’y envoyer, les fesses à l’air. On peut le préférer sérieux voire austère, mais plus généreux que parole qui s’y envole, il est toujours prêt à se donner ou à se laisser prendre, même pour le Diable Vauvert, quand on a à l’humeur d’aller le humer. Avec son R final à faire pâmer un verbe du premier groupe, il peut se faire alangui comme ses filles qui, couchées sur son coussin, aiment à le prendre par pur plaisir, avec un air de deux airs, ou à s’en donner l’air, avec leurs escarpins de vair.
  Souvent plein quand il est grand, c’est un air qui, même mis en chanson, reste libre et frais, un éther rare qui refuse d’être comprimé malgré les pressions qu’il subit. C’est pourquoi les touristes, ces pauvres hères qui errent, toujours le pied et le nez en l’air, viennent le respirer au cul du diesel qui les précède, histoire de changer d’air (sic) ! Il est vrai que celui de leurs villes, désormais liquide ou volatil, est devenu pincé puis pluriel. Et, malgré ses grands airs, il s’est alors laissé conquérir par plus léger que lui, puis par plus lourd, malgré ses trous et ses courants qui peuvent vous donner un mal qui porte son nom.
  Parfois, moi aussi, le trouvère asthmatique qui ne manque pas d’air - ni même d’airbag - à force de le pomper à ses contemporains qui tant en brassent, je pars m’aérer l’esprit et les bronches près de l’aire qui m’a vu naître où il est plus sévère et vicié encore. Là, gare aux orages qui y traînent car cet éclectique sait se faire électrique aux grégaires récipiendaires, voire mauvais alors qu’à l’ordinaire il est si bel et bon et, plus souvent qu’à son tour, détaché et drôle.

Illustration : Élisa Satgé, 2016

L'ATTRAPE-SOURIS

Petite fable affable

Las, une trotte-menue laborieuse,
Croque-fromage rieuse et curieuse,
Apprend que le maître du lieu, un brin bilieux,
Lui en veut un peu. La voilà furieuse !
C’est vrai, c’est son Empire du milieu,
Qu’elle pille et razzie, la moue glorieuse,
Toujours en train, toujours industrieuse…

Ce soir, il est revenu du marché
Il a dit à sa femme, le vacher :
« Pour ce maudit rongeur, j’ai acheté un piège. »
Depuis la souris veut se revancher
Poussant toute bête à lever son cul du siège
Car cette arme faite pour amocher,
Pourrait la trancher ou bien l’embrocher.

Le vieux poulet qui vit dans la cuisine
Envoie paître la grisette : « Voisine,
Tu ne l’as pas volé car tu l’as tant spolié !
Que m’importe tant que j’ai de l’alsine ! »
Le bœuf et le cochon, aux langues bien déliées,
L’ont envoyé paître : « Tu ne lésines
Pas à lui nuire. Donc, tant pis, Cousine ! »…

Minuit, un bruit sec réveille le fermier.
Sa femme, heureuse, quitte le sommier,
Mais la trappe a happé la queue d’une vipère
Qui mord la tendre moitié du fermier.
Ici, pas de docteur. L’homme se désespère.
On lui conseille, bons soins infirmiers,
Quelques bouillons. De poulet, en premier.

Et le rustre, aussitôt, tranche à la hache
Le cou du poulet qui était si lâche.
La fièvre de l’épouse empire encor’. Malheur !
Tous les voisins la veillent sans relâche,
Aidant plus son mari qu’apaisant sa douleur.
On tue le cochon, ce gros poltron, pour qu’ils mâchent
Un bout avec l’homme qui pleure en sa moustache.

La femme mourut. Donc, sans grimacer,
Le veuf occit le bœuf à l’œil glacé,
Le servit au repas, qui n’a rien d’une fête,
À la fin des funérailles placé.
Quelle sagesse auraient dû avoir ces trois bêtes ?…
Quand l’un de nous, quiconque, est menacé,
On est tous au risque de trépasser !

LA RAGE DE L'ORAGE

Cycle toulousain


Les nues, sans nombre, se nouent et se voilent d’ombre :
Ce ciel de cendre va descendre sur la ville
Pour ensevelir dessous son pesant hourdi
Les rires des enfants qui aussitôt s’exilent
Dans des bras tout frissonnants de peurs puériles.
Ainsi ce jour d’été, sous ces auspices, sombre.
Les nuages balourds, se bousculent, alourdis
Par ce deuil si soudain qui nous laisse interdit.
L’averse hallebarde la soudaine pénombre.

Tout d’un coup, le vent mêle à l’ondée son épice.
Un éclair aveuglant, frappe comme une fronde
Ce lent cortège aussi funèbre qu’impérieux.
Pareilles au canon, les huées des nuées grondent ;
L’écho rugi de leur refrain roule à la ronde
Emplissant l’air rougi de vibrations complices
Jusqu’aux replis froissés de ce linceul furieux.
La chandelle à la main, chacun attend, anxieux,
Que, leur rage assouvie, les cieux s’assoupissent.

LES JALOUX

Dans la forêt de houx,
Deux vieux et gros hiboux,
Natifs du mont Ventoux
- Ou bien de Châteauroux ! -
Pourtant plus laids que poux,
Tombant à mes genoux,
Après des billets doux,
M’offrirent des bijoux…

Envoyés dans les choux
Par mes mots aigres-doux,
Ces ex-futurs époux
Au plumage brun-roux,
Dont le cruel courroux
Suait fort le saindoux,
Reprirent leurs joujoux
 Qu’ornaient de gros cailloux !

dimanche 29 mai 2011

HAÏKU DES TAS

Pour que les barrières tombent,
il faut parfois que des barricades s'élèvent !

ELLE A FRIT, ELLE A TOUT COMPRIS !

Cycle historique
À celle qui s'est éteinte longtemps après sa mot !
Les filles d’Ève en font, aujourd’hui, tout un drame
Car « la moitié du ciel » aux yeux des Historiens,
« Est de peu d’intérêt » sinon, pis, « bonne à rien » !
Il fut des femmes qui étaient tout feu tout flamme,
N’ayant pas froid aux yeux, non plus qu’au restant, Dame !
Ainsi Jeanne d’Arc, la bergère sans renom,
Fragile comme le cristal du même nom,
Qui rêvait, frêle enfant, d’un jour brûler les planches
Et s’enflammait à l’idée que la France flanche
Sous les coups des Anglois, butors sans foi ni loi,
Et des bœufs bourguignons de si mauvais aloi.
Aussi l’oiselle, loin de ses bestiaux, se taille
En chantant haut et fort, prête à livrer bataille :

« Quittons nos blancs moutons et boutons, oui, boutons
Ces avortons d’Anglons au-delà des pontons.
De Dieu c’est le dicton : “Boutons, battons, mettons
À croupetons Saxons et Grand-Bretons, ton, ton !” »

Sûre de sa geste, fort preste et le pas leste,
Elle alla à Chinon, y dénicher un roi,
Puis china, sans chichi ni chignon, les Anglois
Et avec force gnons, les secoue, les moleste
Parce qu’elle avait ouï la requête céleste
D’un vieux barbu ventru, amateur d’ingénues.
On l’avait prévenue : « Parl’  pas aux inconnus ! »
Faisant feu de tout bois, elle se taille sa route
Et met l’envahisseur, aux abois, en déroute,
Attisant la foi des siens, toujours droite et debout !
Brûlant la chandelle, dit-on, par les deux bouts,
Toujours elle entonnait ce qui devint son hymne
Que reprenaient en chœur ses soldats, unanimes :

« Quittons nos blancs moutons et boutons, oui, boutons
Ces avortons d’Anglons au-delà des pontons.
De Dieu c’est le dicton : “Boutons, battons, mettons
À croupetons Saxons et Grand-Bretons, ton, ton !” »

Mais la gloire est feu d’paille qui jamais ne dure :
La vierge farouche fut jetée au cachot
À Rouen, où l’on sait tous qu’il ne fait pas chaud
Car les Rosbifs voulaient cette Arc pour la soudure 
- Et l’eurent ! - tant elle leur menait la vie dure.
Ell’ déclara n’agir que sur ordre divin,
 Aussi le vieux Cauchon dut en quitter son vin
Pour forcer l’oiselle, chrétienne de baptême,
À ne point blasphémer, sous peine d’anathème,
Et démontrer, aux yeux de tous, sa duperie.
Mais cette peste lui rit au nez et lui crie
Alors qu’les geôliers la questionnent de plus belle
S’attendant à c’que cett’ fille, paniquée, bêle :

« Quittons nos blancs moutons et boutons, oui, boutons
Ces avortons d’Anglons au-delà des pontons.
De Dieu c’est le dicton : “Boutons, battons, mettons
À croupetons Saxons et Grand-Bretons, ton, ton !” »

Pas près d’lui déclarer sa flamme, il va sans dire,
Le mitré réclama des cancres de couvent
Pour instruire en procès ce cas bien énervant.
La Têtue n’abjura ni sa foi, ni ses dires,
Au risque du bûcher, au péril du maudire
Douchant les moinillons tout de perplexité,
Aussi la rumeur mit en branle la cité.
 Le gros Cauchon fumait : « Attention, cénobites !
Une telle fille, par Dieu, Satan l’habite ! »
Alors ils la dirent et sorcière et catin,
Lui promirent la mort pour le petit matin
Mais Jeanne, confite en dévotion, en rajoute
« Mes Pères, oyez-moi : pour bien clore la joute,

Quittons nos blancs moutons et boutons, oui, boutons
Ces avortons d’Anglons au-delà des pontons.
De Dieu c’est le dicton : “Boutons, battons, mettons
À croupetons Saxons et Grand-Bretons, ton, ton !” »

Comme elle s’est grillée à jouer les mystiques,
On va donc l’allumer sans l’avoir ramonée ;
Ainsi, elle mourrait asphyxiée, condamnée
Et pis, damnée, par sa fin apocalyptique.
Voilà comment on fit rôtir cette hérétique :
La bleue fut saisie à point puis on l’a montée
Au poteau et lui mit le feu au fion, bonté !
Ainsi elle expia, dans l’état d’innocence
Qu’elle avait conservé du jour de sa naissance…
Elle voulut descendre - et elle en eut, l’Effrontée ! -
Alors qu’autour du feu, on dansait et chantait
Sur l’air qu’avait légué la martyre fortuite,
Celle qu’ils n’avaient pas crue et qu’ils ont donc cuite :
« Quittons nos blancs moutons et boutons, oui, boutons
Ces avortons d’Anglons au-delà des pontons.
De Dieu c’est le dicton : “Boutons, battons, mettons
À croupetons Saxons et Grand-Bretons, ton, ton !” »

La bergère en fumée, la paix et la quiétude
Revinrent à Rouen avec, en sus, nous dit-on
La guerre, les Anglais et tous leurs rejetons…
Une fois libérée de cette servitude,
Cette ville oublia ces vieilles turpitudes
Mais, toujours, Clio lui ressortait d’un carton
Comment s’éteignit, feue la Jeanne au blanc menton.
Puis, coup de théâtre, au siècle où coulait l’absinthe
Voilà la pucelle qui nous finit en sainte
Par la volonté d’un vieux pape apitoyé
Pour qui femme, à jamais, doit rester au foyer…
Quand, Jeanne, on l’oblige à bûcher ta fin amère
Le bellâtre allumé barytonne à sa mère :
« Quittons ces moutons qu’on tond, boudons et boutons
Coups de bâtons, coups de satons ; au loin, jetons
Baston, Anglons, Cauchon,… Pistons, chantons, fêtons
Les tendrons et les thons et puis fautons, tons, tons !
Quoi qu’en disent Pluton, Teutons, Caton, Platon,…
N’soyons pas des gitons mais fous et mirlitons :
Vivent les tétons, les boutons et les festons !
 Oui, par tout le canton, ôtons soies et cotons
Et pelotons les cons en peloton, ton, ton !
 À tâtons, en glouton, tâtons, goûtons, têtons
Jouvencell’ et croûtons à capitons, Tonton  ! »