Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

jeudi 31 août 2023

QUAND J’ÉTAIS ENFANT…

Quand j’étais enfant, besogneux, solitaire,
Ma vie n’avait que deux saisons sur la Terre ;
L’une, hélas, était, pourquoi donc vous le taire,
Un été sec d’ennui et désert de cours
Pour étancher, par l’écrit ou le discours,
 Ma toujours insatiable soif d’apprendre,
Mon envie de fruits à sentir ou à prendre.
Ce beau temps, complot ourdi contre l’esprit
Que je redoutais, ne méritait que mépris.

Quand j’étais enfant, silencieux, sédentaire,
Ma vie n’avait que deux saisons sur la Terre ;
L’autre, je la trouvais bien plus salutaire :
Le temps de l’école ! Pris en un cocon
Où s’évadait mon esprit curieux, fécond,
Vers d’autres horizons, vers le vaste monde
Un oeil toujours rivé sur la mappemonde :
Ses mystères et trésors valaient qu’or !…
Même si mes pairs n’étaient, lors, pas d’accord,

Donc, enfant j’espérais que l’été s’enterre
Pour faire germer cette brume au parterre
Qui lèverait le voile sur un nouvel inventaire
De beautés à savoir et que lèvent au sol,
Jonché de feuilles, pour renaître sans dol,
Des ombres qui m’annonçaient quelques nouvelles
Lumières, des moissons riches en javelles
De connaissances et au ciel de froides pluies
Qui me feraient, là, revenir à la vie…

Quand j’étais enfant, besogneux, solitaire,
Ma vie n’avait que deux saisons sur la Terre,
Et graine d’ortie dans vos champs, libertaire,
Me convenait mieux celle qui déplaisait,
Effrayant l’hirondelle des alizés
Et le martinet prêts alors à partir, lâches,
Pour un meilleur ailleurs, sans froid et sans tâche,
Vers ce Sud qui aux murs mettait des couleurs,
Qui ne fut jamais mien,… s’il était le leur.

mardi 29 août 2023

BRUMEUX…

Dame Brume, ballerine aux bras blancs,
Efface notre forêt à pas lent
Avec la fatigue de cette terre
Aux sillons nus, aux sentiers solitaires,…

Quand la nuit lisse glisse ainsi, toujours
À ce voile s’élime un fil de jour
Translucide. Elle fait une demeure,
Drap vaporeux comme seul l’est un leurre,
Au-dessus de tout, au-dessus de nous,
Suspendant le temps qui, lors, se dénoue
À ce linceul cru. Aussi, on oublie
Toute chose, les noires et les roses,
Dans ces évanescents draps d'outre lit,
Qui font un nid entre les nues moroses
Et nous. Ah, délices du temps perdu
Qui, soudain, nous semble comme suspendu !

Dame Brume, ballerine aux bras blancs,
Incite au songe loin des faux-semblants
Quand tout se devine, tout se dessine,
En esquisse, sans lueur assassine…



dimanche 27 août 2023

LOVELACE ?

Il est des traces tenaces,
Que l’on a miss en disgrâce,
Enfouies en quelque besace,
Sur lesquelles le temps passe,
Mais qui, las, refont surface,
Plus sagaces, plus salaces,
Vous reviennent à la face,
Rapaces
Pugnaces…

Ne vous vient nulle bonasse
Quand elles reviennent en place 
Fissurant nos carapaces,
Jamais assez efficaces,
Dévorant tout notre espace,
Envahissant votre glace,
Font le silence loquace,
Voraces
Impasses.

Car le Passé perspicace
Toujours, hélas, vous menace : 
Regrets faisant volte-face
Ou remords qui embarrassent,
Qui font naître une grimace,
Poussant la vie en postface,
La sérénité en nasse,
Vous agacent,
Coriaces…

Il est des traces vivaces,
Enfants d’une sale race,
Plus gluantes que limaces,
Revenant, tout en audaces
Sur l’Oubli, nos contumaces,
Et, jamais, en rien, fugaces,
Qui privent de toute grâce.
Embrassent.
Terrassent.

vendredi 25 août 2023

RIEN N’EST PLUS BEAU QUE LE NOUVEAU…

Rêveurs, pour quelque raison obscure,
L’aurore, à ses premières lueurs,
Invite à contempler la Nature,
Plus que la pâleur des ciels railleurs
D’un gris crépuscule,
Moment minuscule.

L’éclosion de l’aube fait songer plus
Que le lourd tombé du rideau sombre
Qui forclot le brillant oculus,
Vous fait silhouette en la pénombre,
Frêle animacule,
Presque particule.

Quand la nuit s’estompe, en été,
Quand le jour renaît à la lumière
On se sent petit mais emporté
Comme quand s’exauce une prière,
Car le noir bascule
Et l’ombre recule…

Les yeux pleins d’ors et ambres beautés,
On se charme des flammes troublantes
Pendues aux nues, dès lors, déshantées,
S'ouvrant sur une journée alléchante,
Un temps minuscule
D’espoirs majuscules,…

mercredi 23 août 2023

ENCORE UN MATIN…

Sur une photo de Marc-Yvan Custeau (16 août 2022)

Les nues de l’aurore rosissent et rougissent
De s’être laissées trop tôt, trop vite, dévêtir 
De leur sombre manteau de nuit, comme complices
D’une aube, pressée comme une orange, d’en finir…

Et le dernier voile qui nous cachait si mal 
Les contours et les atours de cette mâtine
Glisse sur la terre, comme un satin brumal,
Une mousseline qui, aux bois, s’ouatine…

Les premières heures du jour entre impudeur
Et candeur invitent à ce quotidien miracle,
Celui qui échauffe les sangs de sa grandeur,
Celui qui étourdit les sens comme un oracle…



lundi 21 août 2023

VUE DU CIEL

D'après une photo de Marc-Yvan Custeau (août 2022)

En profondeur, quelques sillons d’azur labourent
Les nues désilunées que les vents frais parcourent.
Entre les traits des raies s’attardent des amas
De graphite stériles, alors qu’au creux de ces rides
Germent jà des couleurs safran et curcuma
D’où fleurira une aube qui, lâchant sa bride,
Nous offrira alors une aurore épicée
Préface d’un nouveau jour torride à souhait…




samedi 19 août 2023

CROYANTS… MAIS PAS TROP !

Depuis qu’on a enterré Dieu
Dans des cathédrales et oppressé
Les saints de pèlerinages, les Cieux
Pestent et grondent qu’ils en ont assez
De ces fidèles qui tant leur quémandent
Du beau soleil pour leurs vacances à Mende
Mais qu’une bonne canicule effraie ;
Qui veulent de l’eau pour faire leur blé, Dame !,
Mais pour qui les averses n’ont d’attrait
Que si, là, elles éteignent les flammes
Des incendies qui les mettent aux abois 
Même s’il faut faire feu de tout bois…

Depuis qu’on a enterré Dieu
Dans des cathédrales et oppressé
Les saints de pèlerinages, les Cieux
De cent prières et reproches harassés
N’écoutent plus tous ces dévots du dimanche
Et ces convertis cons comme des manches
Qui font d’ici-bas ce qu’il est, hélas,
Et qui mécontents de leurs anciens maîtres
Se cherchent des idoles, des Atlas,…
Plus à l’écoute, plus aptes à reconnaître
Qu’il faut de la patience, ma foi,
Pour supporter un Ciel si sot parfois…

jeudi 17 août 2023

GITANO SOY,… VIAJERO ME QUEDO !

À Philippe LoupZen, mon compadre

Ami, je suis le fils du Vent et de la Terre :
Mon père m’a porté ici et là souvent ;
Ma mère m’a laissé moins seul que solitaire,
Moi qui m’en suis allé, poussière soulevant,
Me faire voir ailleurs quand d’autres hélas s’enterrent.

Ami, je suis le fils du Vent et de la Terre
J’ai tracé ma voie de vie, de là arrivant
Par routes buissonnières hors des inventaires
En chemins de traverse, jamais dérivant :
De tous les horizons, je suis propriétaire !

Ami, je suis le fils du Vent et de la Terre,
Toujours plus loin partant comme tous ceux d’Avant
Qui ont le périple en leur sang, ces planétaires
Pérégrinations qui naissent au jour levant,
Ces tribulations toujours communautaires.

Ami, je suis le fils du Vent et de la Terre,
Frugale fringale du neuf au cœur devant
Vos normes si mornes, je vais mais jamais n’erre,
Fuyant fort vos stupides disputes éprouvant
Mon cœur d’homme libre et à jamais réfractaire…

Ami, je suis le fils du Vent et de la Terre,
Je sais l’étreinte de l’éternité à l’évent.
Refusant d’enterrer l’espoir, je te suis mystères.
Rôdeur vanné. Œil fané. Cuir tanné. Vivant.
L’échine du soir ploie. Mais moi pas. Volontaire.

Frère, je suis le fils du Vent et de la Terre.
J’ai tracé ma voie de vie, de là arrivant ;
J’ai le périple en mon sang, être planétaire
Fuyant loin de vos stupides disputes éprouvant
L’échine du soir qui ploie. Moi pas. Libertaire.

mardi 15 août 2023

AU LOIN, DES LUEURS…

Sur une photo de M.-Y. Custeau du 25 juillet 2022

Pris entre sable et or, un beau jour nouveau-né
Pointe, au-delà des feuillées, le bout de son nez
Et met en lumière une aube encore timide.

Dans l’air où flotte un parfum de rosée humide,
Un puzzle de nuages pressés, gris et cabrés,
Vêt vite, avec pudeur, les paillettes ombobrées 
De la nuit partie vers des cieux bien moins timides.

Lors, le soleil noie la lune, pépite ambrée
Qui mordorait mes rêves de pays numides
Et teintait des songes désormais apatrides,…

Dans ces clartés hâlées, jà désenténébrée,
L’ombre, écueil, semble avoir l'orgueil des pyramides.
Sous ce ciel d’un blond de blé, un peu surané,
Dans l’éclat safrané je vais, abandonné…



dimanche 13 août 2023

IL N’EST DE PETIT MATIN

Sur une photo de Marc-Yvan Custeau, Montréal (juin 2022)

Ah, qu’il fait bon songer à rêver 
Quand affleurent les pleurs de l’aurore,
Quand les ombres enfin vont s’élever
Pour se perdre aux limbes qui phosphorent
En feux-follets, ou en brasier,
Inhumant nos rêves extasiés.

Là, l’espoir et l’illusion renaissent…
C’est l’heure sévère où le vent levant
Qui, dans l’agonie de sa jeunesse,
Dans les fronces de nuit, souvent
Fait naître un paradis fugace
Ou un enfer, plus pérenne lui,
Aux plissés de la pénombre enfuie.

Oui, le baiser du jour et l’étreinte
De l’aube accouchent d’un matin neuf
Où par rage, où par ruse, l’empreinte
Du purgatoire nous laisse veufs
Du doute, des larmes et de l’ennui
Pour quelques instants insaisissables,
Pour un moment qui n’a d’autre fruit
Que ceux inconsistants comme sable…



vendredi 11 août 2023

NOMADE, JE SUIS… ET RESTE

À mon frère de cœur Loupzen

Toi, tu me vois sinuer sur tes chemins
Et courir tes routes sans craindre demain.
Mais toutes tes voies ne me mènent pas, frère !
Elles me sont, d’aventure, qu’un repère
Pour aller bien plus loin que tes lieux communs.

Tu me vois vivre sans borne ni limite,
Allant par traverses, toujours de travers.
Fi des venelles et ruelles licites ;
Foin des trouées et passées sous les couverts,
Je m’arrache au convenu. Je suis un mythe.

Tu ne vois pas que je sillonne sur la voie
Lactée, par-delà le haut faîte des arbres.
Elle se pave d’étoiles, où je me fourvoie,
Les échelles de mes levants ; pieds de marbre,
Tu ne te mènes qu’à des couchants sans voix…

Ainsi, je suis ma route de briques jaunes, 
Comme tous les Fils du Vent, loin des orties
De ta vie si fade et des ronces qui trônent
Au détour de tes heures mal assorties,
Me moquant du prône et ignorant l’aumône.

Oui, moi, je suis libre et tu me crois errant ;
Je suis fort alors que tu me penses frêle ;
Pauvre quand je suis riche de temps, et grand
De mes pas de pèlerin,… intemporelle
Ritournelle du gitan et du boumian.

mercredi 9 août 2023

DANS LA NUDITÉ DE L’HIVER

D'après une photo de Marc-Yvan Custeau
en date du 30 mars 2023

Drap nacre et moire fait duvet de satin,
La grande plaine est devenue page blanche, 
Où le vent écrit, soufflant en sa anche,
L’histoire d’une vie morne aux jours éteints.

À l’heure où les lacs sont des glaces sans tain,
Il dessine au sol gelé des airs de romances
Apaisées pour coeurs en sommeil. La semence
Des étoiles harassées qui enfin sommeillent
Dans une aurore dont le dais se fait treille,
Contre laquelle s’appuient les monts froissées,
Blessant d’ombres grises et bleues leurs blancs plissés.

lundi 7 août 2023

SOL Y SOMBRA

Ombre encagée entre quatre murs d’une cour
Où Râ cogne au crâne et aveugle l’oeil le jour,
Je tourne au manège de ma détention.
Les feux de la foi, fielleux, sont derrière
Moi comme les jeux, les joies de vaines prières,
Souvenirs ruinés de ces hiers qui ne sont plus,
Espoirs d’un demain qui ne viendra pas plus.


Là traînent mes déjà et rôdent mes encore,
Pour ne pas avoir su ma piètre vie aimer,
Pour ne pas avoir su me contenter d’être pécore
Là errent mes toujours et musent mes jamais,…

Ombre entre les quatre murs nus d’une cellule,
Où la pénombre sans frein et sans fin m’accule,
Je tourne attaché à la meule de la loi,
Qui broie ce qui fut ma voix, est ma seule voie,
Male mule moulant mes heures en poussière
De temps ne comptant pas plus vents en bruyères…

Là errent mes toujours et musent mes jamais,…
Là traînent mes déjà et rôdent mes encore, 
Pour ne pas avoir su me contenter d’être pécore,
Pour ne pas avoir su ma piètre vie aimer…

samedi 5 août 2023

LE JEUNE SAULE

Un saule encore étique pleure sa peine :
Larmes jaunies, sanglots verdis de printemps,
Il donne couleurs aux douleurs de la plaine,
Aux flots d'un ciel chagrin et suintant,
Et des formes au miroir de la rivière
Qui, sans se lamenter ni gémir, sans dormir,
File au loin sans regarder en arrière,
Loin des plaintes et des cris qui vont s’endormir…

jeudi 3 août 2023

LE BUSTE

Marianne, indépendante, et aux cheveux libres
Toi, égérie altière aux lèvres qui vibrent
Pour chanter les temps lépreux et les jours heureux…

Tu es l’image du fonds en rien poussiéreux
Né aux rives d’Égée ou sur les bord du Tibre
Dans un monde toujours en déséquilibre
Dans le chaos duquel tu nous conduis, en creux.

Marianne, parfois posée en coin ombreux,
Tu restes de ces gaillardes dont le calibre
Vaut plus et mieux que ceux qui arborent leur chibre.

Toi la Marie des mairies au sein généreux,
Jamais marbre n’a tant fait chanter les félibres
D’un peuple fou, foi unique et seul équilibre
Qu’il ait esprit fiévreux ou cœur miséreux.




« Son utilisation comme symbole de la République pourrait remonter à une chanson révolutionnaire du pays albigeois en occitan, la Garisou de Marianno (la Guérison de Marianne), composée par le cordonnier-poète Guillaume Lavabre, de Puylaurens. [dans le Tarn, 81(…)]
Bien que cette chanson date de 1792 et soit déjà mentionnée dans le dictionnaire Lou Tresor dóu Felibrige de Frédéric Mistral (Prix Nobel de Littérature, 1904), l’association de la chanson au symbole de la République n’a été faite qu'en 1976. Quoi qu'il en soit, le village de Puylaurens revendique désormais le titre de « berceau occitan de la Marianne républicaine » (Article « Marianne », Wikipédia)

mardi 1 août 2023

MADAME SOURIS

D’après un texte de Verlaine écrit en prison

Madame souris trotte
Se dandine ou tressaute,
Le nez au vent, l’œil peureux, le souffle haletant.
Boule de poils qui frise,
Frisson de cendres dans le jour qui jà se grise,
Courant ou hésitant
Suspendant mon temps à son pas pour un instant.
L’étain s’éteint aux mornes
Lueurs qui étendent leur emprise salicorne.

Madame souris trotte
S’arrête ici, là saute,
S’insinuant, en crissant dans un temps finissant.
Parfois très assurée et souvent fort surprise.
Souffle de liberté dans la nuit, noire sans méprise,
Ce murmure bruissant
Réveille les songes dans lesquels vais glissant,
Larve de capricorne,
Pris entre rets de limites et lacis de bornes.

Madame souris trotte
En me laissant ses crottes,
Preuve que je ne suis pas encore dément.
Ici pas de méprise :
L’éclair bis revenu dans le jour qui s’irise
Se cache un bon moment -
Quand le soleil vient au jour timidement -
Et file au trou qui orne
Le mien, tout en silence, loin de la vie qui corne…