Petite fable affable
Un épi de blé dodeline
De la tête, fort mécontent :
En robe d’un rouge éclatant,
Une fleur, petite orpheline ,
S’est invitée, là, dans son champ,
Celui où les siens se serrent.
Il l’interpelle, l’air méchant :
« Va pousser plus loin, Corsaire !
De rage je devrais rugir
Et toi, de honte, plus rougir :
Dénaturant le bel ensemble
Que nous formons, tous les miens
Et moi-même, tu me sembles
Déplacé avec ton air bohémien.
Retourne dans ton monde,
Ici tu ne fais que tâcher
Notre unité noble et féconde :
“Pour vivre heureux, vivons cachés”* !
Mais l’autre écarlate s’entête :
Plutôt que de rester discret,
Se haussant du col et du crêt,
Il plonge ses rougeurs, esthète,
Dans les doux filets du soleil,
À contre-courant de cette onde,
Uniforme jusqu’au sommeil,
Que font les épis à la ronde.
« Apprends donc à courber le dos
Sous le vent, infernal badaud,
Et aussi à baisser la tête
Sous la pluie,… comme nous tous.
Profite de nos tête-à-têtes
Pour t’instruire, pagaillous !
- J’ai compris ce que tu réclames. »
Fait le pavot, l’air très touché.
Et puis, dans un rire, il s’exclame :
« Pour vivre heureux,… vivons couchés ! »
Le coquelicot, perfide, ajoute :
« Riche de grains, tu vis vieux.
Plus que moi… Mais pas mieux !
Riche de riens, somme toute,
Qu’aurais-je, ici-bas, contrefait ?
Vivant au vent mes vœux et rêves,
Alors que toi t’auras fait
Ce qu’on attendait, mais sans trêve
Et sans jamais en profiter,
T’oubliant à tant t’agiter.
De mon sang, va me naître
De beaux fils dont l’ambition
Sera de fuir le paraître
Social, les conventions,…
Quoi qu’en disent même les nôtres,
Pour vivre heureux, vivons fauchés,
Loin des désirs de tous ces autres
Qui te font vivre à l’ébauchée ! »
De la tête, fort mécontent :
En robe d’un rouge éclatant,
Une fleur, petite orpheline ,
S’est invitée, là, dans son champ,
Celui où les siens se serrent.
Il l’interpelle, l’air méchant :
« Va pousser plus loin, Corsaire !
De rage je devrais rugir
Et toi, de honte, plus rougir :
Dénaturant le bel ensemble
Que nous formons, tous les miens
Et moi-même, tu me sembles
Déplacé avec ton air bohémien.
Retourne dans ton monde,
Ici tu ne fais que tâcher
Notre unité noble et féconde :
“Pour vivre heureux, vivons cachés”* !
Mais l’autre écarlate s’entête :
Plutôt que de rester discret,
Se haussant du col et du crêt,
Il plonge ses rougeurs, esthète,
Dans les doux filets du soleil,
À contre-courant de cette onde,
Uniforme jusqu’au sommeil,
Que font les épis à la ronde.
« Apprends donc à courber le dos
Sous le vent, infernal badaud,
Et aussi à baisser la tête
Sous la pluie,… comme nous tous.
Profite de nos tête-à-têtes
Pour t’instruire, pagaillous !
- J’ai compris ce que tu réclames. »
Fait le pavot, l’air très touché.
Et puis, dans un rire, il s’exclame :
« Pour vivre heureux,… vivons couchés ! »
Le coquelicot, perfide, ajoute :
« Riche de grains, tu vis vieux.
Plus que moi… Mais pas mieux !
Riche de riens, somme toute,
Qu’aurais-je, ici-bas, contrefait ?
Vivant au vent mes vœux et rêves,
Alors que toi t’auras fait
Ce qu’on attendait, mais sans trêve
Et sans jamais en profiter,
T’oubliant à tant t’agiter.
De mon sang, va me naître
De beaux fils dont l’ambition
Sera de fuir le paraître
Social, les conventions,…
Quoi qu’en disent même les nôtres,
Pour vivre heureux, vivons fauchés,
Loin des désirs de tous ces autres
Qui te font vivre à l’ébauchée ! »
* Jean-Pierre Claris de Florian, Le Grillon in Fables, Livre II, 15 (1792).
Illustration : Camille Lesterle, 15 septembre 2014
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