Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

dimanche 29 avril 2012

HAÏKU D'BOULE

Eh, pauv’ cloche, pour espérer toucher le gros lot :
‘faut avoir un sacré grelot !

FANFARON OU AFFABULATEUR ?

Au pépi Jean

Amis, enivrons-nous toute la vie
Des vers des grands Anciens les moins myopes !
Que stances et saynètes soient varlope
Ou ciseau à l’envie
Pour donner quelque relief à l’enfance
Pour sculpter tous les âges d’exigences,
Amis, je vous convie
Contre la médiocrité à l’étude
De leur vers qui garantit plénitude
Et vieillesse ravie !

Dépoussiérons vertus,
Art et sapience avec une insolence
Constante. Semons leurs mots, en silence,
Aux âmes dévêtues
Qu’excuses et indigence empoisonnent,
Que des raisons indignes emprisonnent.
Loin des sentiers battus,
Moissonnons un idéal d’annaliste,
Ni moraliste ni paternaliste.
Conteur n’est point obtus !

En nos cœurs affaiblis,
Au temps des dogmatiques certitudes,
Notre fabuliste, en désuétude,
Condamné à l’oubli
Voit sa sagesse amène qui s’ensable.
Restent pourtant quelques fables affables,
En langue anoblie,
Offrant une éthique non la morale
Figée que l’on dit, sainte et doctorale.
Voilà faits rétablis !

Dans un style ajouré
Reprenons le flambeau peu formaliste
De Jeannot, le fabuleux fabuliste !
La terre labourée
Par lui, cultivons-la, en épigones
De l’honnête homme rieur qui bougonne
Sentences savourées
Et mots sentis aux travers dont écope
L’Homme - et son temps - depuis Phèdre ou Ésope…
Sans cesse à se gourer !

DÉBAT AU BAS DE LA TOUR DE BABEL

Cycle historique


Les Hommes d’Antan ont été présomptueux
Pour aller déloger un Dieu impétueux
Il érigèrent une tour haute à Babylone
Pour atteindre de leur sol sec les cieux ocieux.
Le Très Haut, plutôt que la peste ou un cyclone,
Leur envoie les langues. C’était choix judicieux
Pour qui ne voulait que coupoles et colonnes.
Ne se comprenant plus, ses indignes enfants
Cessent l’érection de ce bel édifice
Pourtant sacrilège, de cet ébouriffant
Ouvrage d’impiété, sans plus de bénéfice.
Ces Hommes-là furent fort irrespectueux,
Dieu devint, dès lors, pour les leurs, tempétueux !

Tutoyer l’Olympe ou les nuages célestes
Fût le fil conducteur de toute notre geste…

Leur Dieu devenant plus lointain et plus hautain
Sacristains, Puritains et mieux, Samaritains,
Inventèrent alors cent cultes et milles rites,
En un mot comme en cent, toutes les religions
Diviser l’Unique en lois gravées, inscrites
Aux bornes de régions, au marbre de légions.
Ô dieu odieux tu ne compris plus tes enfants
Qui ne te comprenaient pas plus, ma foi, de temples
En guerres, faits en Ton nom pour chacun précieux.
Que de sang versé, de brûlés en robes amples,…
Ce, pour Ta seule gloire,… et aux plus audacieux
D’incessants procès, de punitions pour l’exemple.
Les Hommes d’Hier ont été présomptueux
Pour aller déloger un Dieu impétueux !

Rudoyer l’Olympe et les nuages célestes
Est le fil éternel qui nuit à notre geste…

TÊTE-À-TÊTE IMPROMPTU

Comment pourrai-je lui dire
De mon cœur tous les tourments
Tous ces tendres sentiments
Autrement que par ouï-dire
Ou par quelque truchement
Sans vraiment risquer son ire
Le rudoiement du maudire

Comment pourrai-je lui dire
Lui faire du boniment
Sujet verbe et compliment
Sans craindre d’elle le pire 
Souffrir les maux des romans 
Le châtiment de son rire
Ou le piment du médire

PROVERBES IRRÉGULIERS

Petites clauses, grands méfaits.

*

Commis n’est pas comme “i”.

**

Une abeille vaut rien mise sur la touche !

***

Tel épris qui se croyait tendre.

vendredi 27 avril 2012

GLANDE DANS L'HAÏKU

J’ai toujours mauvais esprit…
mais bonne conscience !

UN PÉQUIN À PÉKIN

Ah, Pékin,
Capitale macrocéphale
À la police triomphale !

Oui, Pékin,
Toi, l’olympique métropole,
De l’argent fou la métapole,
Des bouquins,
Des liberté la nécropole
Et d'un parti vieux et mesquin
Monopole !

Dieu, Pékin,
Où tous les interdits rafalent
En oppression philosophale !

Ah, Pékin,
Entreprises en oligopoles,
Toi, l’inhumaine mégapole
Des requins,
Qui se rêve en mégalopole,
Mettant paroles et faquins
Sous coupole !

Oui, Pékin, 
Je te salue, ville acéphale,
Devant qui le Monde s’affale !

L'OISELEUR & SA FILLE

Petite fable affable 


Un oiseleur, connu pour son habileté
À traquer le pigeon, n’avait eu qu’une fille
Pour lui servir, à son vieil âge, de béquille.
Il entreprit de former la décolletée
À son si dur métier, où c’est l’expérience
Qui fait la fortune et non le sort, le destin,…
Pourvu qu’on la marie à une vraie patience.
À ce prix, les pigeons pouvaient faire un festin !


Docile, la fille apprend toutes les ficelles
Qui firent le succès de son bon géniteur.
Mais la Belle gardait un œil inquisiteur,
Faisant des remarques de fort bon sens qu’icelle
Ne taisait pas, sans peur pour l’immense savoir
De son père traqueur qui trappait, en une heure,
Une pleine couvée d’oiseaux encore au bavoir,
Par rets et par ruses. C’était une gageure !


Elle dit à l’Ancien que l’on pourrait, autrement,
Agir et mieux remplir office et gibecière.
Haussant les épaules, il maudit un bon moment,
Sa défunte femme, qu’on disait prou sorcière,
De lui avoir donné non le fils espéré
Mais une raisonneuse, une irrespectueuse  !
« Montre-moi donc, fille indigne à désespérer
Le meilleur des pères, combien tu es tueuse ! »


Au matin, la donzelle, parée de couleurs
Et de plumes partit. Qu’étaient donc ces fadaises ?
Son père la suivit en forêt, à son aise,
Sans se montrer, troublé. Puis, l’habile oiseleur
La vit choir à l’orée dorée d’une clairière
Après avoir lâché de-ci, de-là, du grain.
Alors, elle joua du flutiau, la Rosière.
Couplets frais aux notes fluides, aux gais refrains !


On vit venir, comme charmés, sottes caillettes,
Vieilles chouettes, butors et perdreaux de l’année,
Faisans et vielles pies en leur carré, fanées,
Bécasses et canards boiteux, oies grassouillettes,
Linottes, coucous, oies et poules - d’eau  ! - mouillées,
Et, bien, sûr des pigeons, une buse demoiselle
Plus quelques grues. Toutes, et tous, s’agenouillaient
Pour becqueter le grain, pour écouter l’oiselle…


 C’était un spectacle pour l’ouïe comme la vue.
Le bec mieux que cloué, le regard dans la brume,
Jamais notre chasseur n’avait vu tant de plumes
Rassemblées en un lieu. Par peur d’une bévue,
Il restait silencieux. Puis soudain s’abattit,
Venu d’on ne sait où, un filet dont les mailles
Prirent cette assemblée, ailes et abattis,
Avant le moindre envol. Un bon tour de canaille !


« Nous voilà, Mon Père, fort bien achalandé
Pour le mois à venir ! dit cette jeune fille
Sans se retourner mie. Ce fut une broutille
Qui ne m’aura coûté qu’une heure, ici, à glander
En jouant du pipeau et cinq deniers de graines.
Avenant et masqué, le chasseur est plus fort ;
Des dehors innocents, des promesses,… l’entraînent
Plus loin que violence ou visibles efforts.
La maxime me vient de tous ceux qui espèrent
D’autrui quelque renfort pour avoir, tout confort,
Faveur, place ou vote,… De forts sages compères ! »

LES YEUX DU PEINTRE

Alors que le temps las est là et tout défait,
Se retourner un peu sur ce que l’on a fait,
Inspiré par Dieu sait quoi, peut-être les Muses ;
Se retourner un peu sur ce  qu’on a été
L’espace d’un instant, sans doute un soir d’été,
Sur ce que l’on construit quand tant d’autres s’amusent,
Négligent, oublient, s’en moquent sans nuancer,
Sur ce que l’on a rêvé, souhaité ou pensé,
La conscience jouant un air de cornemuse…

À l’heure volage où le soleil s’offre en rais,
Se retourner un peu sur ce qui torturait,
Qu’une forme, qu’un ton incidemment dévoile ;
Se retourner un peu sur ces petits secrets
Qu’on est seuls à savoir et à voir, là, ancrés
Pour toujours au grand jour, sur quelque coin de toile
Et voyager dans ces instants endommagés,
Dans le fugitif d’un passé qu’on a figé,
Cette lueur tombée un beau soir des étoiles.

Sans envie ni raison, pour un non, pour un oui,
Se retourner sur un moment qu’on a enfoui,
Un sentiment peut-être inavoué qui sème
Questions et dilemmes en couleurs malaxées ;
Se retourner sur ce qu’enfin on a fixé
Et se retrouver seul, encor, face à soi-même
Quand le badaud cherche partout l’universel
Dans un ressenti et un parcours personnels
Faits d’insuffisances et de désaveux même…

Oser échapper aux poncifs, aux postulats,
Se retourner sur ses œuvres exposant, là,
Des craintes  fugaces ou quelque peur tenaces 
Des idées, des moments à tout jamais enfuis
Des fragilités, des lâchetés que l’on fuit
Se regarder vraiment quand tant d’autres finassent
Et se retrouver face à ce que l’on a fait
À ce qu’un jour l’on fut, de gauche et d’imparfait,
Et que l’on est resté car rien ne vous cuirasse…

Illustration : Camille Lesterle, 14 avril 2014

MADEMOISELLE TOUCOULEUR

En parures de petites pierres emperlées
Et colliers composés de cauris cannelés
Qui cliquettent souvent, s’entrechoquant sans cesse
Quand tu presses un peu ton pas souple de princesse,
Tu ennoblis ce petit marché ashanti,
Toi, fille déçue des rois déchus de Mopti.

Tu vas nu-pieds dans la poussière semée d’orge,
Un drapé flamboyant, ondoyant sur ta gorge.
Fière âme et corps félin, ta retenue tu gardes
Enflammant les yeux des hommes qui te regardent :
Tu sauras décevoir leurs avances et tancer
Ceux qui n’ont vu que tes hanches se balancer !

mercredi 25 avril 2012

HAÏKU DE MASSE SU

Peurs irraisonnées,
Haines déraisonnables,…
La pays de la Raison
la perd et s’en donne cent raisons,
sans raison !

APPAREILLAGE POUR L'ÉVASION

Îlot de solitude au cœur des habitudes,
Je me naufrage pour fuir mon âge et ses maux,
Robinson des sensations dans l’aube ébauchée,
Sombrant sur des rivages au rimage enroché.
Et puis, au fil des pages, en fier Nemo des mots,
Je pars à l’abordage d’autres latitudes.

Étrave au vent, j’écume des tropiques neufs ;
Sale caractère, je prends au mot, la mouche :
Je jette l’ancre pour un sonnet malsonnant
Et pis, bouillonnant, pour un seul son dissonant
M’embarque de conserve pour quelque escarmouche,
Croisant sans entrave sur des horizons veufs.

Même si je glisse vers de profonds abysses,
Flotte le pavillon du verbe aux mâts des mots,…
Et gonflant, au vent des muses qui se défilent,
Mes voiles vernissées de vers tissés, je file,
Cinglant au long cours, de vagues en lames, ou, des maux 
À l’âme, je cabote aux cahots qui s’esquissent.

Pour prendre aux épaves quelque rime arrimée,
Au phare de la métaphore, j’arraisonne :
La consonne qui sonne en bordées accordées,
La voyelle rebelle aux haubans encordée,
M’offrent un coffre : la phrase jase et résonne 
Au mètre près !… Puis, elle s’échoue, abîmée…

Illustration : Camille Lesterle, 01 décembre 2013