Être un dur à cuire n’empêche pas de jouer avec le feu… soit-il sacré. Au contraire.
Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques
parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…
mardi 31 décembre 2019
GOUPIL EST PLUTÔT SUBTIL
Petite fable affable
Adossé aux lézardes moussues d’un mur branlant,
À moitié désempierré, mais de lierre
Richement habillé, Maître Renard, d’un œil lent,
Regardait le monde aller par champs et bruyères
À son train d’enfer de façon cavalière.
Il était, comme tous ces empressés, pourvu
Non seulement du nécessaire mais encore
De l’agréable ; or pour tous ces m’as-tu vu
Ce n’était pas suffisant, comme le croient pécores :
Ils se voulaient chasseurs, il n’étaient que proies
De leurs désirs, n’ayant jamais assez de tunes
À mettre en turne, de biens qu’envieraient les rois,…
Riches d’un superflu qu’ils appelaient « fortune ».
L’une de ces braves bêtes était un blaireau
Qui, pour arrondir un embonpoint qui n’en demande
Pas tant, remuait sans cesse terre et terreau
Et brassait l’air qu’il ne pompait pas, moue gourmande
Et regard à vide. Ce vil olibrius
Disait que voler un voleur était bien. Quel Gus !
Goupil voulait se jouer de ce grand malade
Qu’il soupçonnait d’avoir visité son poulailler,
Nuitamment. Il suffisait d’une guignolade.
À force de rêvasseries et de bailler
Des songes creux à son esprit, il imagine
Un stratagème pour confondre le fendard :
Il fit savoir qu’il rapinait force frangines
Pour étoffer son poulailler de viandard.
Le bruit se répand comme cocorico de l’aube.
Le blaireau, riant, se voit déjà ripaillant
De nombre de poulets rôtis, poules en daube,
Poussins à l’étouffé, œufs mouillettes larmoyants,…
S’en délectant à s’en dilater la bedaine,
Il ne lui restait plus qu’à attendre la bonne aubaine.
Chaque soir, Renard partait donc, pour revenir
Au matin avec une ou deux prises nouvelles.
Le rayé calcula que, s’il devait intervenir,
Ce serait au mitan de la nuit ; sa cervelle
Lui souffla qu’il n’aurait qu’une opportunité :
Gruger par deux fois un rusé, en ce bas monde,
Ne se pouvant ; aussi, sans ambiguïté,
Il lui faudrait prendre le plus possible à la ronde.
Ainsi fit-il. Mais ses bras trop chargés et ses mains
Occupés à tenir ses victimes l’empêchèrent
De sortir de leur enclos. « Pris comme un gamin,
L’ami ! fit le Renard au matin. Faisons chère,
Ajouta-t-il, le croquant : qui fait un pas plus long
Que sa jambe ne se plaint de choir comme plomb ! »
lundi 30 décembre 2019
V’HAÏKU LISE
On plie bagage quand on se fait la malle pas quand on tabasse quelqu’un qui est con comme une valise.
ENNUI DANS LA NUIT
Au chaud de ma chambre,
Au cœur de décembre,
Peu à peu, la nuit,
Ses ombres et sa suie,
Viennent à s’étendre
Caressantes, tendres.
Depuis longtemps
Je guettais « l’instant »,
Ce moment de trêve,
En suspens, où rêves,
Cauchemars,… se marient
Et font armoiries
De moments caresses,
Cent laps de tendresse,…
Vient « la » pensée,
Le souffle insensé
D’une idée nouvelle
Qui fera javelles
Des plumes endormies
Au champ à demi
Mort de mon Parnasse
Aux pléiades lasses.
L’été n’est pas mort.
Non : il bouge encor’
Aux landes d’Irlande,
Aux neiges d’Islande,
Où mon cœur s’endort,
Frissonnant condor
Au pays de l’Aigle,
Rapace espiègle.
Là, le craquement
Du vent inclément,
Fait frémir les branches
Nues qui flanchent :
Est-ce ration
D’inspiration
Que j’attends, réclame
Du fond de mon âme ?
La lune est fâchée,
Aux nues attachée.
Au mur, sans fin, passent
Mille heures crasses,
Sans grâce, sans mots,
Pour panser mes maux…
Drapée en sa brume
Et nimbée d’écume
Ma plume posée,
De vers reposée,
Se tait. Point d’errance,
De désespérance
- Vouloirs de velours,
Devoirs de toujours -
Ni de doux délire
À muser en lyre.
Mon encre, assagie,
Joue à l’« Ici-gît »,
Fige l’écritoire
Dans des crocs d’ivoire
Loin des horizons,
Papiers grisons,
Où pépient des phrases
Qui jazzent et jasent
Venues de ces songes
Que le sommeil ronge,
Brisant leurs échos,
Cahots en chaos.
Ce soir, pas un pas.
Je n’écrirai pas.
Mon destin m’ignore,
Rien ne phosphore
En mon esprit lourd ;
Et sous mes doigts gourds
Muets comme carpe
En quête de harpe,
Rien, las, ne court.
Et point de secours
Hélas, à attendre
Ni de lueurs tendres
Pour, là, espérer
Pouvoir opérer.
L’infini se ferme.
En frémit mon derme.
Alors je me tais,
Toute flamme ôtée
En mon cœur. Silence.
Tout d’insolence,
Vaincu et trahi,
Le noir m’envahit.
dimanche 29 décembre 2019
DÉRANGÉ PAR DES DÉRANGÉS…
Petite fable affable
Cette histoire-ci qu’en rimes je vais traiter
M’a été contée par une froide vertu
Qui professe en tout lieu la vérité
Plus qu’hélas ! il ne la cherche, m’en croiras-tu ?
Je serai heureux si je ne l’ai pas gâtée
Mettant en vers sa prose quelque peu tortue !
« En un lieu dont je ne souhaite
Pas, Dieu, me souvenir, des bêtes,
En bande, n’ayant goût à rien
Par dégoût de tout, se font chiens
Avec leurs pairs plus jeunes et faibles
Parmi épis et sureaux yèbles.
Il fuient ainsi, c’est pas bien !,
La tourbe de leur quotidien
Et le fourbe de leurs rêves,
En jeux cruels offrant une trêve
À ces jours sans fin ni intérêt
Qui les prennent toujours dans leurs rets…
Un guêpier gisant en son gîte,
Est la victime d’une suite
De tourments que causent tous ces gueux
Au motif que cet oiseau peu fougueux,
Est quand même un assassin d’insectes,
Les privant par trop dans leur collecte
De vrais délices à becqueter.
Le harcelant à tant caqueter,
Ils usent ses nerfs, à lui faire
Perdre le sommeil, la faim,… Affaire
De temps : ils espèrent en finir
Vite avec cet oiseau à honnir.
Mais las, plus ils multiplient les crasses
Moins l’oiseau, étant de bonne race,
Ne semble vouloir partir au loin
Ni aux importuns faire le groin.
D’imagination, ils redoublent…
Et échouent comme de vrais gras-double.
L’oiseau, hilare, en prend son pied !
Tout en superbe, le guêpier
Lance un jour aux as de la bassesse :
“Apprenez que ceux qui n’ont de cesse
D’enfumer prou le trou du renard
N’l’attrapent pas toujours : c’est un art !” »
samedi 28 décembre 2019
QU’IMPORTE L’AFFLICTION POURVU QU’ELLE SOIT LIVRESQUE…
Des fils invisibles s’attachent à nos vies,
Des fils de soie, parfois, des fils d’Ariane,
Souvent. Et, ces liens, plus forts que lianes,
Dans nos jours asservis, nos nuits assouvies,
Nous empêchent de tomber, nous funambules
Sans espoir qui avançons en somnambules.
Ces lacets, jamais lacs, enchaînent nos coeurs,
Sur une trame d’amour où se déroulent heures
Et minutes, de cordées d’instants qui pleurent
En moments où la fibre d’un vrai bonheur
Sur les ailes du vent, relient l’un à l’autre
Sans idéal, concept creux ni patenôtre.
C’est ainsi que ces fils enserrent nos vies,
Car, alors, ces fils fins deviennent câbles
Tendant aux nues si nues la voile agréable
Du rêve et de tous les possibles, à l’envie
Enchevêtrés au blanc filet des nuages
Effilés filant vers un nouveau bel âge.
Donne-moi un brin de ces fils, ces "soi"
De ces soirs obscurs où le noir et les ombres
Ont fui notre âme habituée à plus sombre
Et notre esprit encor’ sur son quant-à-soi,
Mêlons ces fils pour tenir, main dans la main,
Plus loin, plus longtemps sur ce chemin commun.
Ces fils invisibles attachent nos deux vies,
Fils de nous, ténus, tendus, fils d’Ariane
Pourtant, et ces liens, mieux que lianes,
Dans nos vies d'envie, nos nuits en lavis,
Nous empêchent de tomber, quand, funambules,
Nous allons par nos jours comme somnambules.
vendredi 27 décembre 2019
BLANCH’HAÏKU LOMBE
Ce n’est pas parce que l’on ne sait rien faire de ses dix doigts qu’on ne doit pas lever le plus petit de ceux-ci.
GAGEURE QU'UN ÂNE NAGEUR ?
Petite fable affable
Comme on n’attrape pas mouche avec du vinaigre
Malgré sa tête de mule, un âne voulut
Être le meilleur de sa race. Quoique maigre,
En apprenant à nager car il avait lu :
« Il faut se rendre indispensable et l’on vous aime ;
Sachez tout faire, on vous adore sans problème ! »
Il fallait donc surpasser ses pairs si balourds :
Sachant trotter, marcher, courir comme d’autres,
Il résolut d’aller à l’eau avant, un jour,
De conquérir les airs car quelque bon apôtre
Dit, matin, près de son oreille à un quidam
Que : « Rien n’est impossible ici-bas, goddam ! »
La nuit, notre équidé son idée rumine…
Ayant bon cœur et meilleur estomac encor’,
Dans une pénombre pire qu’en puits de mine,
Il s’entraîne au sol à la brasse, tête et corps
Il douche, l’eau n’étant qu’un péril en peinture,
Il douche, l’eau n’étant qu’un péril en peinture,
À ses doux yeux, c’est-à-dire sans pointure…
Et puis vint cette date où il s’était promis
De se jeter à l’eau de cette rivière
Qui court près de l’asile où son maître l’a mis.
Jà, le jour grisonnait à l’horizon, fière
L’aube allait poindre et l’aurore, tout doucement,
Ourlait de sang et d’ors la lande, tendrement.
Son courage s’évanouit avec les ombres
De la nuit, hélas : il recule l’instant
Du saut, le moment du plongeon et ce pour nombre
De bonnes raisons : le moment, le vent, le temps,…
Sans jamais douter, bêta, de son grand courage
De ses dons pour la nage ou craindre commérages…
Un crapaud qui le voit tant et plus hésiter
Se rit de lui devinant ses peurs fort justes.
Comme il supposait ses intentions, acuité
Propre à ces bêtes : « Qu’est-ce qui te tarabuste ?
Ce qui fait vivre l’un, las, fait souvent mourir
L’autre !… Il n’y a rien là, l’ami, qui soit injuste :
La nature veut qu’à chaque être son élément
Comme il serait à chaque âme son aliment ! »
jeudi 26 décembre 2019
QUESTIONS ANGOISSÉES D’UN GÉOGRAPHE DÉBOUSSOLÉ
Pourquoi le Tour de France ne passe jamais à Latour de France (66) ?
Peut-on sans mal être de Laon (02) et vivre à Wittes (62) ?
Peut-on sincèrement aller de Male (61) en Py (66) ?
Au grand Meaux (77) le grand Moyen (54) ?
Peut-on sans risque renier Père (17) et Mère (78) ?
Est-ce si perdu que cela Pomeys (69) ?
Peut-on jumeler sans danger Riscle (32) et Périlles (46) ?
À Jax (43) on va vous gnaquer ?
Peut-on, sans déplaire à notre cher président, jumeler Gilley (25) et Geaune (40) ?
Peut-on, sans qu’il nous en coûte, jumeler Espès (64), Monnaie (37) et Billé (35) ?
mercredi 25 décembre 2019
HAÏKU CHENUAGEUSE
Certains dessins vont sans commentaire alors qu’il n’est de commentaire sans dessein.
GRAND COURROUX ENVERS LE GRAND GOUROU
Petite fable affable
Prenant le succès pour du mérite,
Une bande de kangourous
En sa brousse, rendait un rite
À l’un des leurs, un très grand roux,
Qui passait pour avoir renarde
Ruse et n’être que tromperie
Duperie, rouerie, piperie,…
Même pour qui est sur ses gardes.
On aime suivre à se damner
Qui, en vent, en vain, vous en compte
Aimant les chimères, les contes
Qui le font, là, plus grand qu’il n’est…
Faisant ripaille et chère lie,
Carrousse, liesse et bombance,
Nos bêtes allaient en chienlit
Là où ils traînent leur errance,
Car ils avaient ce maître queue
Partout, pour seul chef et pour guide,
Patron bien plus sûr que guilde
De dieux, même belliqueux.
À croire que la vanité
Éloigne péril et décompte
Du temps chez les laissés-pour-compte
Du courage aimant s’agiter.
Prenant leur veule obéissance
Pour du respect, leurs flatteries
Pour affection, l’Excellence
Se crut, non sans afféterie,
Quoi qu’il en coûte ou advienne,
Au moins invincible, ici-bas.
Pourtant il refusa un combat
Contre un dingo, moins que hyène.
On bafoue la fatuité
De ce pleutre proclamé ponte
Quand sa propre crédulité
Devrait faire rougir de honte…
Humilié, il disparut
Du pays, laissant nus ses frères
Et leurs mères, filles et brus
Désespérées sur cette terre
Surtout quand, avec l’air marlou,
Quelque walibi, esprit libre,
Leur dit : « Agneau en peau de tigre
Craindra, hélas, toujours le Loup ! »
Une bande de kangourous
En sa brousse, rendait un rite
À l’un des leurs, un très grand roux,
Qui passait pour avoir renarde
Ruse et n’être que tromperie
Duperie, rouerie, piperie,…
Même pour qui est sur ses gardes.
On aime suivre à se damner
Qui, en vent, en vain, vous en compte
Aimant les chimères, les contes
Qui le font, là, plus grand qu’il n’est…
Faisant ripaille et chère lie,
Carrousse, liesse et bombance,
Nos bêtes allaient en chienlit
Là où ils traînent leur errance,
Car ils avaient ce maître queue
Partout, pour seul chef et pour guide,
Patron bien plus sûr que guilde
De dieux, même belliqueux.
À croire que la vanité
Éloigne péril et décompte
Du temps chez les laissés-pour-compte
Du courage aimant s’agiter.
Prenant leur veule obéissance
Pour du respect, leurs flatteries
Pour affection, l’Excellence
Se crut, non sans afféterie,
Quoi qu’il en coûte ou advienne,
Au moins invincible, ici-bas.
Pourtant il refusa un combat
Contre un dingo, moins que hyène.
On bafoue la fatuité
De ce pleutre proclamé ponte
Quand sa propre crédulité
Devrait faire rougir de honte…
Humilié, il disparut
Du pays, laissant nus ses frères
Et leurs mères, filles et brus
Désespérées sur cette terre
Surtout quand, avec l’air marlou,
Quelque walibi, esprit libre,
Leur dit : « Agneau en peau de tigre
Craindra, hélas, toujours le Loup ! »
Illustration : Élisa Satgé, été 2019
mardi 24 décembre 2019
À MUSER DANS L’ANTIQUE GALERIE
Le long d’un corridor laissé, à dessein, dans l’ombre,
Une théorie de portraits de famille sans nombre,
Qu’on ne verra jamais aux cimaises des musées,
Dort en enfilade, alternant avec des massacres
De cerfs supportant les hamacs poudreux, usés,
D’aragnes défuntes et des trophées à l’odeur âcre,
Rappelant chasses oubliées, temps disparus,…
Dans la pénombre, je côtoie ces inconnus.
Le port trop raidi et grimaçant des sourires
De convenance, ces gens prêteraient à rire.
Sur ces toiles brunies aux couleurs ternies,
Figés un jour, ils restent immobiles, impassibles
Face à une éternité qui, sous un vernis
Qui les fait briller comme suerai l’irascible
Laboureur, n’a, hélas !, pour eux que trop duré,
Toute emblasonnée que fut leur vie, ici murée.
Ce ne sont là que douairières livides
Habillées aux modes d’antan, le regard vide,
Soldats prou engalonnés aux tenues chamarrées,
Un évêque altier parfois à la mine modeste,
Témoins d’une race d’hier, éteinte, amarrée
Aux « traditions », indifférente du reste
Au temps qui passe mais qui, pourtant, lui a pris
Sa superbe et sa splendeur, tout ce qui avait prix.
Cette file sans fin de terrifiants fantômes,
Souvenirs aux noms effacés baigne dans l’arôme
Des fleurs de moisissures qui, ici ou là,
Ont poussé sur les châssis chancis que saupoudre
La poussière à l’orée des ors de gala.
Fanés ou noircis, tous ces cadres ont à découdre
Avec des vers qui, au fil des années endormies,
Ont sapé ces supports au-delà du permis…
Seul, parmi ces figures bel et bien mortes
Posant sur moi des regards toujours vifs, je porte
Le poids de leur tristesse, abandonnées dans un froid
Noir et humide qui les tue une seconde
Fois et frissonne à leur sort quoique, sans effroi,
Ne craignant ni esprits ni revenants qui fécondent
Des âmes plus tourmentées que celle qu’a donnée
À mon art cette visite un brin brouillonnée.
Une théorie de portraits de famille sans nombre,
Qu’on ne verra jamais aux cimaises des musées,
Dort en enfilade, alternant avec des massacres
De cerfs supportant les hamacs poudreux, usés,
D’aragnes défuntes et des trophées à l’odeur âcre,
Rappelant chasses oubliées, temps disparus,…
Dans la pénombre, je côtoie ces inconnus.
Le port trop raidi et grimaçant des sourires
De convenance, ces gens prêteraient à rire.
Sur ces toiles brunies aux couleurs ternies,
Figés un jour, ils restent immobiles, impassibles
Face à une éternité qui, sous un vernis
Qui les fait briller comme suerai l’irascible
Laboureur, n’a, hélas !, pour eux que trop duré,
Toute emblasonnée que fut leur vie, ici murée.
Ce ne sont là que douairières livides
Habillées aux modes d’antan, le regard vide,
Soldats prou engalonnés aux tenues chamarrées,
Un évêque altier parfois à la mine modeste,
Témoins d’une race d’hier, éteinte, amarrée
Aux « traditions », indifférente du reste
Au temps qui passe mais qui, pourtant, lui a pris
Sa superbe et sa splendeur, tout ce qui avait prix.
Cette file sans fin de terrifiants fantômes,
Souvenirs aux noms effacés baigne dans l’arôme
Des fleurs de moisissures qui, ici ou là,
Ont poussé sur les châssis chancis que saupoudre
La poussière à l’orée des ors de gala.
Fanés ou noircis, tous ces cadres ont à découdre
Avec des vers qui, au fil des années endormies,
Ont sapé ces supports au-delà du permis…
Seul, parmi ces figures bel et bien mortes
Posant sur moi des regards toujours vifs, je porte
Le poids de leur tristesse, abandonnées dans un froid
Noir et humide qui les tue une seconde
Fois et frissonne à leur sort quoique, sans effroi,
Ne craignant ni esprits ni revenants qui fécondent
Des âmes plus tourmentées que celle qu’a donnée
À mon art cette visite un brin brouillonnée.
lundi 23 décembre 2019
LES MILLE & UN ENNUIS
Petite fable affable
Dans l’atelier du maître artisan,
Le doigts des cousettes courent comme alezans,
Car cet ours à demi léché, l’humeur sanglière
N’est fort généreux qu’en fait d’étrivières,
Saillies cruelles au ton qui ébaubit,…
Il est, las, force gens de cet acabit
Qui aiment que l’on se tienne à « sa place »
C’est-à-dire coi et clos, soumis jusqu’à l’angoisse.
Il se disait patron de profession
Mais se savait poltron de complexion.
Il gagnait, comme affamé de fortune,
Sans dol et sans mal, son pain et sa thune
Non au front dur d’habiles ouvriers
Mais de sages ouvrières vrillées,
Sans fin, jusqu’à plus faim, à leur aiguille
Et qu’il houspillait fort pour des broutilles.
Esclaves n’étaient pas plus mal traités,
Mal payés ni moins baguettés,
Que filandières et tisserandes
Qui n’avaient pour salaire que l’offrande
D’un pichet d’eau et d’un clair brouet
Pour jouer du métier, du rouet,…
Toujours à se dépêcher, en silence,
De peur d’être dépêchées pour insolence.
Ces modernes Parques au destin tramé,
N’étaient pourtant hélas guère à blâmer,
Mais cet éclopé du cœur, l’air maussade,
Rechigné, sourcil farouche en façade
N’avait pour elles en bouche, chartier,
Qu’invectives de Grève et l’entier
Lexique des Halles. J’avoue qu’un homme,
Ici, eut mis poing final à la somme !
Si pour celles qui tant lui garnissaient
L’éventaire et l’étal sans bruisser
Des mâchoires, il n’avait rien à dire
Ni redire, il aimait donc à médire
Et maudire, pour attirer chaland
Et conserver pratique, le mot lent,
Il adonise son vocabulaire
Et courbe le dos à sa grammaire.
Or passe le ratichon du lieu,
Alerté par un atrabilieux
De ses paroissiens que manières
Du singe, indigne de crapaudière,
Incommode quoiqu’il soit païen…
Et, pour lui hélas, son mitoyen.
Le cureton interpelle, sans frousse,
Le malotru que tout courrouce :
« Maître artisan que sont ces mots qu’on oit
Céans aux dires de forts bons bourgeois ?
- Le fruit de l’ire que ces fainéantes,
Restant tout le jour la bouche béante
Et les doigts désoccupés font venir
Au plus honnête des croyants, Mon Père.
- Offense le Très-Haut qui vitupère !
- Mais c’est qu’elles ne font que malfaçons,
Salissures et gâchis à l’unisson
Pour tout ouvrage que, bénin, je donne.
Il n’y rien là qui ne se pardonne.
- Pas aux yeux des clients, malcontents
De tout, même de prix près du néant.
- Alors pourquoi ne pas faire toi-même
Ce beau travail que tant elles malmènent ?
- C’est qu’hélas, je l’avoue sans passion,
Sous sceau de sainte confession,
Je n’saurais le faire qu’à la diable…
-Tu les juges mais tu es un incapable
De les égaler ?!… Aveu qui déplaît
Aux cieux, voilà donc où est la plaie !
N’exige plus d’autrui, Scolopendre,
Que des services qu’il peut vraiment rendre ! »
Le doigts des cousettes courent comme alezans,
Car cet ours à demi léché, l’humeur sanglière
N’est fort généreux qu’en fait d’étrivières,
Saillies cruelles au ton qui ébaubit,…
Il est, las, force gens de cet acabit
Qui aiment que l’on se tienne à « sa place »
C’est-à-dire coi et clos, soumis jusqu’à l’angoisse.
Il se disait patron de profession
Mais se savait poltron de complexion.
Il gagnait, comme affamé de fortune,
Sans dol et sans mal, son pain et sa thune
Non au front dur d’habiles ouvriers
Mais de sages ouvrières vrillées,
Sans fin, jusqu’à plus faim, à leur aiguille
Et qu’il houspillait fort pour des broutilles.
Esclaves n’étaient pas plus mal traités,
Mal payés ni moins baguettés,
Que filandières et tisserandes
Qui n’avaient pour salaire que l’offrande
D’un pichet d’eau et d’un clair brouet
Pour jouer du métier, du rouet,…
Toujours à se dépêcher, en silence,
De peur d’être dépêchées pour insolence.
Ces modernes Parques au destin tramé,
N’étaient pourtant hélas guère à blâmer,
Mais cet éclopé du cœur, l’air maussade,
Rechigné, sourcil farouche en façade
N’avait pour elles en bouche, chartier,
Qu’invectives de Grève et l’entier
Lexique des Halles. J’avoue qu’un homme,
Ici, eut mis poing final à la somme !
Si pour celles qui tant lui garnissaient
L’éventaire et l’étal sans bruisser
Des mâchoires, il n’avait rien à dire
Ni redire, il aimait donc à médire
Et maudire, pour attirer chaland
Et conserver pratique, le mot lent,
Il adonise son vocabulaire
Et courbe le dos à sa grammaire.
Or passe le ratichon du lieu,
Alerté par un atrabilieux
De ses paroissiens que manières
Du singe, indigne de crapaudière,
Incommode quoiqu’il soit païen…
Et, pour lui hélas, son mitoyen.
Le cureton interpelle, sans frousse,
Le malotru que tout courrouce :
« Maître artisan que sont ces mots qu’on oit
Céans aux dires de forts bons bourgeois ?
- Le fruit de l’ire que ces fainéantes,
Restant tout le jour la bouche béante
Et les doigts désoccupés font venir
Au plus honnête des croyants, Mon Père.
- Offense le Très-Haut qui vitupère !
- Mais c’est qu’elles ne font que malfaçons,
Salissures et gâchis à l’unisson
Pour tout ouvrage que, bénin, je donne.
Il n’y rien là qui ne se pardonne.
- Pas aux yeux des clients, malcontents
De tout, même de prix près du néant.
- Alors pourquoi ne pas faire toi-même
Ce beau travail que tant elles malmènent ?
- C’est qu’hélas, je l’avoue sans passion,
Sous sceau de sainte confession,
Je n’saurais le faire qu’à la diable…
-Tu les juges mais tu es un incapable
De les égaler ?!… Aveu qui déplaît
Aux cieux, voilà donc où est la plaie !
N’exige plus d’autrui, Scolopendre,
Que des services qu’il peut vraiment rendre ! »
dimanche 22 décembre 2019
VU DE LA VOITURE
Vivant à la belle toile, des âmes nues,
Errent dans la boue noire, sous de grises nues,
Aux visages pâlis nimbés d’oublis, corps fluets
Tout en pleurs fanés et en vains rires muets.
Parmi des chaumines confites en vétusté,
Des cabanes de fortune tarabustées
Par les vents, plus propres à loger quelque animal
Qu’à héberger, même fort coupable de Mal,
L’image du Dieu vivant, pas las, ils vont,
Ignorant le bien manger et le savon.
Ce sont des ombres au milieu de cet amas
De taudis qu’on ne voir plus, un anonymat
Fatigué de misère et rompu de cent maux
En un lieu qui n’est même pas un hameau.
Ces cahutes abritent donc des yeux hagards
Et des teints hâves, blafards, qui sont tout égards
Pour leur hôtel des courants d’air, bâches percées
Et palettes cassées en plancher, déclassées
Comme ces cœurs aux espoirs recroquevillés.
Ces esprits brisés, mais à la vie chevillés.
En ces lugubres gîtes en tôle froissée
Et en bois pourri on boit, de fiel poissé,
À pleines gorgées la coupe ocre d’un sommeil
Sans repos, s’abreuvant de songes sans soleil.
L’aube, par bonheur, prend le soin de ne laisser
Aucune trace de ces bleues nuits blessées,
Où le noir s’habille de pénombre glacée
En ces pénates où aucun lare n’est placé
Mais où le cheveux long, hirsute et prou crasseux,
Cache de sautillants locataires pisseux.
Et dans leur enveloppe de délabrement,
Chrysalides qui ne seront pas papillons,
Vivent, le long du périph’ de contournement
De Paris, ces parias que nous fuyons…
Errent dans la boue noire, sous de grises nues,
Aux visages pâlis nimbés d’oublis, corps fluets
Tout en pleurs fanés et en vains rires muets.
Parmi des chaumines confites en vétusté,
Des cabanes de fortune tarabustées
Par les vents, plus propres à loger quelque animal
Qu’à héberger, même fort coupable de Mal,
L’image du Dieu vivant, pas las, ils vont,
Ignorant le bien manger et le savon.
Ce sont des ombres au milieu de cet amas
De taudis qu’on ne voir plus, un anonymat
Fatigué de misère et rompu de cent maux
En un lieu qui n’est même pas un hameau.
Ces cahutes abritent donc des yeux hagards
Et des teints hâves, blafards, qui sont tout égards
Pour leur hôtel des courants d’air, bâches percées
Et palettes cassées en plancher, déclassées
Comme ces cœurs aux espoirs recroquevillés.
Ces esprits brisés, mais à la vie chevillés.
En ces lugubres gîtes en tôle froissée
Et en bois pourri on boit, de fiel poissé,
À pleines gorgées la coupe ocre d’un sommeil
Sans repos, s’abreuvant de songes sans soleil.
L’aube, par bonheur, prend le soin de ne laisser
Aucune trace de ces bleues nuits blessées,
Où le noir s’habille de pénombre glacée
En ces pénates où aucun lare n’est placé
Mais où le cheveux long, hirsute et prou crasseux,
Cache de sautillants locataires pisseux.
Et dans leur enveloppe de délabrement,
Chrysalides qui ne seront pas papillons,
Vivent, le long du périph’ de contournement
De Paris, ces parias que nous fuyons…
samedi 21 décembre 2019
MISTER MONSTER ?
Édito' inédit pour Rue des Fables, septembre 2019
Vive notre langue, soit-elle bien pendue car elle « est le miroir et le portrait de l’âme » comme le dit un proverbe italien. Nous la célébrons, pâteuse ou noire, à chaque ver que nous voulons bien faire tinter sur les tables des terrasses de cette Rue qui nous est familière. C’est avec un fameux coup de langue que nous y lapons jusqu’à la dernière goutte de cet alcool que l’on nomme amitié et dont on ne saurait perdre une goutte en ce lieu sympathique. On se rappelle, une langue de chat en main, des strophes déversées en versets d’apostrophe que « l’Homme est un animal propre et délicat, par nature » (Sénèque). Même si pour les qualificatifs employés, on aurait pu appliquer à l’auteur sa propre maxime : « Errare humanum est, perseverare diabolicum ». L’idiome de Cicéron est une langue source qui ne saurait mourir… car « avec florin, langue et latin, partout on trouve son chemin » comme dit l’adage français. Tu parles !
Comme bien des hommes bêtement bestiaux qui jargonnent et patoisent, plus verte que rose, la mienne est chargée… d’ans et de dents car je me la mords souvent pour avoir trop mâché mes mots. Bref, parce que j’avais quelque chose sur le bout de la langue, pour l’avoir tournée sept fois dans ma bouche alors que je préférerais le faire dans celle, pulpeuse, d’une de ces chaudes beautés qu’on rencontre en page centrale sur papier glacé. Si je pouvais prendre langue avec elle, je n’aurais point, je vous l’assure, la langue liée et saurais délier la sienne au cas où, à me voir, elle l’aurait perdue… Ce ne sont pas là paroles en l’air mais crise de lèche-majesté d’un vieux prof verbeux qui fait court, sans jamais faire cours, surtout quand il recourt à ses vains discours, concours de chœurs venant au secours de ses parcours de « par cœur ». T’as suivis Audrey ?!
Vivante et pas vraiment trop longue, ma langue que je n’ai jamais fourrée dans la poche, va bon train c’est vrai même si « quand la langue file la soie, le travail n'avance pas » (dicton libyen). La ravaler m’est difficile tant elle me démange. Mais, argotant ou ergotant, elle se refuse à être mauvaise - les malappris disent langue de p… - quand d’aucuns ont la leur qui n’est que de bois et d’autres, pachas et donc un peu chiens, la donnent aux chats à tout va comme si c’était une simple langue morte, ou pire une quelconque langue de vipère ; voire de belle-mère. Ce qui est, ceci vous paraisse sec comme la langue du diable, tout un dans ma langue maternelle qui n’aime guère à fourcher sur certains sujets familiaux. Ah, les charmes de la langue de Molière - face à ce sabir véhiculaire et vernaculaire qu’est celle de Shakespeare - qui sont bien supérieurs aux appâts d’une langue de terre ou de glacier… J’espère que cet édito’ vous aura fait retrouver votre langue que vous savez, d’ordinaire, quelques langues bien effilées me l’ont dit, mieux tenir que je ne le fais de la mienne que je tire à tout propos n’ayant pas de cheveu qui ici y soit sis. Comme on dit à « Langues O » où l’on apprend vite que « de langue double, maint trouble » (aphorisme gaulois) et plus sûrement que « qui garde sa langue garde sa tête » (sentence turque) !
Fabuleusement vôtre… comme ne dit jamais Jack - Lang, bien sûr ! - et comme le prétend une maxime teutonne « Gardez-vous des langues sucrées et des cœurs poivrés ! » car si on en croit une formule persane que je fais axiome personnel : « L’homme est caché sous sa langue ».
Comme bien des hommes bêtement bestiaux qui jargonnent et patoisent, plus verte que rose, la mienne est chargée… d’ans et de dents car je me la mords souvent pour avoir trop mâché mes mots. Bref, parce que j’avais quelque chose sur le bout de la langue, pour l’avoir tournée sept fois dans ma bouche alors que je préférerais le faire dans celle, pulpeuse, d’une de ces chaudes beautés qu’on rencontre en page centrale sur papier glacé. Si je pouvais prendre langue avec elle, je n’aurais point, je vous l’assure, la langue liée et saurais délier la sienne au cas où, à me voir, elle l’aurait perdue… Ce ne sont pas là paroles en l’air mais crise de lèche-majesté d’un vieux prof verbeux qui fait court, sans jamais faire cours, surtout quand il recourt à ses vains discours, concours de chœurs venant au secours de ses parcours de « par cœur ». T’as suivis Audrey ?!
Vivante et pas vraiment trop longue, ma langue que je n’ai jamais fourrée dans la poche, va bon train c’est vrai même si « quand la langue file la soie, le travail n'avance pas » (dicton libyen). La ravaler m’est difficile tant elle me démange. Mais, argotant ou ergotant, elle se refuse à être mauvaise - les malappris disent langue de p… - quand d’aucuns ont la leur qui n’est que de bois et d’autres, pachas et donc un peu chiens, la donnent aux chats à tout va comme si c’était une simple langue morte, ou pire une quelconque langue de vipère ; voire de belle-mère. Ce qui est, ceci vous paraisse sec comme la langue du diable, tout un dans ma langue maternelle qui n’aime guère à fourcher sur certains sujets familiaux. Ah, les charmes de la langue de Molière - face à ce sabir véhiculaire et vernaculaire qu’est celle de Shakespeare - qui sont bien supérieurs aux appâts d’une langue de terre ou de glacier… J’espère que cet édito’ vous aura fait retrouver votre langue que vous savez, d’ordinaire, quelques langues bien effilées me l’ont dit, mieux tenir que je ne le fais de la mienne que je tire à tout propos n’ayant pas de cheveu qui ici y soit sis. Comme on dit à « Langues O » où l’on apprend vite que « de langue double, maint trouble » (aphorisme gaulois) et plus sûrement que « qui garde sa langue garde sa tête » (sentence turque) !
Fabuleusement vôtre… comme ne dit jamais Jack - Lang, bien sûr ! - et comme le prétend une maxime teutonne « Gardez-vous des langues sucrées et des cœurs poivrés ! » car si on en croit une formule persane que je fais axiome personnel : « L’homme est caché sous sa langue ».
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