Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

dimanche 29 avril 2018

PLUM’HAÏKU

Être de mauvais poil ne donne pas une belle plume !

INCISIVES, LES MÉNINES SONT PARFOIS CANINES

Cycle toulousain
Petite fable affable

Volière chuchotante, sous le chêne
Qui les a vu naître, les ménines hélas
Et caquettent, et cancanent, à la chaîne ;
Babil, sous-entendus, galimatias
Et regards complices achèvent les phrases
Laissées en suspens. Ici naît la rumeur,
Les réputations meurent sans emphase
Ni compassion. selon la bonne humeur
De ces bigotes qui ragotent, commères
Qui sont veuves ou n’ont pas pu être mères.

À l’ordinaire c’est calomnie, on-dits,… ;
À l’occasion, babil et débinage,…
Pas ces vains clabaudages où, las, on médit,
Non, mais des bruits et autres bavardages
N’épargnant personne dans le patelin,
Beaucoup de bruit pour rien, pour qu’on jase
Dans les échoppes ou boutiques, où malin
Sera qui dénoue au détour d’une phrase
Le vrai du faux, pseudo-indiscrétion,
Mesquins qu’en dira-t-on et inventions…

Leur clairvoyance est moquée, elles le savent,
Critiquée même, au café tout en potins,
Causeries d’ivrognes, propos en conclave,
Vains bavardage, vils papotages, hautains
Propos et autres racontars de bonshommes.
Ils n’ont que ça à faire, eux, dire du mal
Des gens honnêtes et des croqueuses de pommes.
Alors qu’elles, elles ne sont que Vérité.
Et Tempérance. Et Sagesse. Et Probité.

Ici bas, toute malveillance est le propre
Des autres ne fassent-il, ni plus ni moins,
Que la même chose que vous néanmoins,
Vieilles peaux, petits saints ou gros malpropres !

vendredi 27 avril 2018

HAÏKU’KTAIL MONDAIN

Il n’est que le « Grand Monde » pour croire que les vieilles pies sont des V.I.P.

L’ESPRIT DE Ste AISE & LES LETTRES

Édito’ de Mars pour RueDesFables


          N’ayant pas d’esprit, je suis obligé d’en faire. Et du « mauvais » qui plus est. Voilà comment, art scénique et vieilles ficelles, je me retrouve à trousser des apologues qui n’ont pas plus l’esprit devin que celui de l’escalier. L’un d’eux pointe, parfois, le bout de ses vers sévères RuedesFables où je tiens boutique avec quelques beaux ou grands esprits qui n’ont rien de fantômes à tics. Or me trouvant à m’affairer à cette tâche en fable d’esprit, l’esprit moqueur - vive le mot « cœur » à  l’heure du moka ! - je me trouvais à proposer pour une autre échoppe de fables et attrapes, hors cette Rue que vous chérissez autant que moi, un objet de fiction promu, à ma grande stupeur, sujet de friction. Les tas d’esprits n’accouchent pas toujours de Raison !

     En effet, quoiqu’écrite avec une sagesse ne manquant pas d’esprit de sel, mon historiette choqua un quidam, dont seule une fracture du crâne pourrait ouvrir l’esprit ce qui ne paraissait pas l’empêcher de réfléchir aussi promptement que son miroir. L’olibrius, tout à plein de votre serviteur déconnu, ne l’entendit pas de cette oreille. Ni de l’autre. Et votre humble fabuliste se retrouva dans le rôle de l’insultant dénigreur, donc du dindon de la fable, accusé de mépriser, sans le nommer, le tiers en question qui fut touché par des mots qui ne le visaient même pas. S’en suivirent polémiques - Victor ! - et en bonnes moissons de surcroit, de celles où le grain est lourd et la paille belle. Il avait l’esprit à la consommation voire à la sommation tout court !

     Cette mésaventure m’est advenue alors que j’oscillais entre l’esprit de gros (qui n’est pas le plus lourd) et l’esprit au détail (le plus tatillon). Plus d’un(e) de mes confrères fabulistes à l’esprit et aux phrases moins mal tournés que ceux de la plupart de leurs contemporains ont dû sans doute connaître pareille bévue. C’est l’esprit à payer T.T.C. (Toutes Tournures Comprises) quand on emboîte les pas d’Ésope ou que l’on marche à l’ombre du chantre de Château-Thierry. Mes fables ne sont pas toutes innocentes mais l’incriminée l’était, elle. Il est vrai qu’on peut me reprocher d’être plus volontiers conteur, conteur éclectique voire, à mes heures creuses, conteur à gages, que poète-pouêt ; on peut me lancer que mes bluettes sont tout sauf lyriques ou oniriques. On m’a aussi blâmé, reprenant ces esprits qui ne me furent pourtant point donnés ni prêtés, et on a déclaré que je faisais grand tort à Calliope en vêtant de ses habits de lumière une obscure prose qui ne s’assumait pas. Soit. Mais Ch. Baudelaire n’a-t-il pas montré qu’on pouvait faire des « Petits poèmes en prose » (Le spleen de Paris) ? Ma prose à moi, pour ne pas échauffer les esprits ni les marquer, ne voulant pas faire d’ombre à ce géant, rime. Pas à grand chose, je vous l’accorde et parfois sur le ton de « rime ailleurs ! » mais elle rime, richement ou chichement.
     Quant au fond, car dans le fond je ne suis moins bête qu’un autre, mon mépris ayant un prix je m’avisai de visu sur l’aviso que l’importun ne valait même pas la médiocrité de mon travail et donc ma patte qui n’est pas de velours ne fut pas mise ici dans le plat : je fais, avec humeur parfois, avec humour souvent, en poulets, une sorte de prosaïque poésie sans envolée lyrique ni métaphores ampoulées, sans paraboles mais pleines d’images et de sons pourtant. Fautive peut-être. Puérile sans doute. Imparfaite et maladroite - donc un peu gauche - sûrement. Mal intentionnée jamais car l’amorale gagne toujours même si écrire, comme tout art (je n’ai point l’esprit de sacrifice), est moins une vocation qu’une provocation. Elle gagne au moins à être connue comme son esprit f’ra peur. Faut apprendre à comparer plutôt qu’à discuter l’esprit !
     Aussi, quoiqu’époux comblé, me voilà marri et pair des plus grands malgré la modestie de mes œuvrettes et de mon propos car je suis obligé, au XXIe siècle, de prier qu’on me pardonne de faire de ces fables millénaires, ces mensonges en quête de vérité qui, non sans esprit critique je le concède, paillepoutrent le proche et titillent le prochain sur un mode parfois aussi léger que Fernand. Dieu et son saint Esprit merci, dans notre RuedesFables, avec un esprit qui tient plus de l’équipe - pas le quotidien mes parutions étant moins régulières ! - que de corps, de famille que du clocher ou de compétition, on peut se livrer sans crainte à ce délice des sens et du verbe sans craindre l’esprit de contradiction de certains. Ainsi, tous nous travaillons à ancrer un genre mal arrimé aux cieux de la Littérature qui, elle aussi, a ses limbes. Et ce n’est pas là vue de l’esprit. Esprit libre bien sûr. N’en déplaise à qui gravite en orbite autour de son nombril au risque de se frapper la tête au sol de leur do-mi-si-la-do-ré.
     Tant pis donc pour les mauvais coucheurs ayant l’esprit du marché : ici et ainsi les grands esprits se rencontrent pour damer le pion à tel esprit qui croyait pendre ou écraser l’esprit comme un vulgaire Mammouth des temps jadis, esprit au rabais devenu coûtant bien sûr et donc pesant.

     Fabuleusement vôtre… car votre esprit sera toujours le mien.

jeudi 26 avril 2018

HAÏKU’PEZ PAS !

Pourquoi notre télé ne prise-t-elle que les fictions pleines d’affliction ou emplies de frictions ?

mercredi 25 avril 2018

HAÏKU’M PLI

Couple ? Un team intime.

LA SAINTE-NITOUCHE

Petite fable affable
Chez nous, Mademoiselle Sainte Nitouche,
Sans plus de fard que fleur, attifée comme un pouche
Était devenue une beauté farouche :
Peur des rumeurs, de se retrouver en couches,
Elle refusait qu’on lui cause ou la touche,
Le geste prompt et le silence en bouche.
Et nous nous l’imaginions sous sa douche,
Rêvions de finir seuls en sa couche,
Pour fort l’embrasser à se faire mouche
Malgré ses simples et si sombres chatouches.

Ses yeux nous étaient toujours des cartouches,
Pleins du mépris qu’on aurait pour les Manouches
Ou, chez d’aucuns, pour les porteurs de babouches.
On n’allait pas très loin et donc l’escarmouche
Ne viendrait pas. Puis elle devint louche
Aux autres filles, celles qui, ayant fait souche,
Trouvaient factice cette pudeur qui touche
Jusqu’à leurs hommes et leur humeur retouche,
Car ils ont l’esprit qui se fait fertile ouche
Face à des charmes qui ne sont sur piedouche.

Les épouses se sentent amuse-bouches,
Quand « la réserve » de l’autre est attrape-mouches,
Laissant supposer le vair de croquembouches,
Des appâts plus doux que poils de polatouche,…
Wouche !… Il faut agir, et vite, Tabarnouche !
Et c’est ainsi que cette sainte si louche,
Jeune comme la rosée, fraîche comme rouche
Avec qui nul ici-bas ne fit bidouche
Finit sous les roues lasses d’une barouche
Dont la conductrice avait, las, la biglouche.

On punit souvent moins vice que vertu,
Chez les jalouses et, pire, chez les panouches,
Non pour ce qu’elle est mais, et c’est fort tortu,
Pour ce qu’elle pourrait, un jour, faire mouche…

lundi 23 avril 2018

HAÏKU’LPRIMAIRE

Avant d’apprendre cherche à comprendre !

LE TIGRE & L’ÉLÉPHANT

Petite fable affable

Sa Majesté le Tigre ne craint rien
Ni personne, Rajah ou vaurien.
S’il effraie sans peine même le buffle,
Il respecte l’éléphant comme un pair,
Mais si l’un se conduit comme un mufle
Avec lui, même une fois, il appert
Que ce placide-là se fait fauve :
La fuite seule garantit la vie sauve.

Or, un pachyderme osa le moquer
Sur son cri et sa livrée de coquet
Couvrant cet Auguste d’injures,
Faisant courir de sales rumeurs,…
Donc de le saigner le Tigre jure.
Pour se protéger de telles humeurs,
L’Imposant s’enferma en une île 
Qu’il ceignit, pour l’heur, de très utiles

Marécages noirs d’ignominies,
De sables fort mouvants de mépris,
De boues et sanie humiliantes 
Et surtout d’une eau des plus croupies
Croyant que ce chat, plus que fiente,
Craint l’eau et que, malgré son dépit,
Il ne voudra souiller son pelage,
Meurtrir ses os qu’a érodés l’âge.

Mais la baderne fit là mauvais 
Calcul : le temps allait lui prouver
Qu’on châtie toujours l’insupportable
Quoi qu’il nous en coûte car ce Roi
Se jette à la fange détestable
Et sans éprouver nul désarroi
Lui fait goûter ses  crocs et ses griffes
Avec lesquels tout affront il tarife.

samedi 21 avril 2018

HAÏKU’PLET

La vie est vaine, toute en peines, chaînes, gênes et haines.
La vie est naine, toute en grandes scènes et petites laines.

EOLE & LA FUMÉE

Petite fable affable d’après  Le Vent et la Fumée 
de Joseph Poisle-Desgranges

Éole, la voix toute chargée de courroux,
Rugit et mugit contre les nombreux panaches
D’une fumée qui, hélas, trois fois hélas, gâche
Sa vue sur une plaine qu’il bat fort et roue
De rafales jusqu’à plus soif, comme un grand lâche.

« Ta vile vapeur m’est un écran occultant
Les beautés que je crée ou ta suie profane
Le décor de mes exploits depuis longtemps.
Étouffe-toi donc pas qu’un peu, espèce d’âne !,
Ou meurs au plus vite car mes jeux n’ont qu’un temps.

- Mais, Monseigneur Vent, qui attise ici mes braises ?
C’est vous qui m’indiquez mes sort et destinée
Car Moi, je devais décéder à peine né
Quand je ne suis que votre gré, tout votre aise,
Depuis votre réveil. Et vous me condamnez,

Alors que, comme Madame la girouette,
Je suis le sujet que vous voulez, à l’envie,
Que je sois. Êtes-vous de ces hommes bêtes
Qui trouvent piètre citoyens ou lavettes
Ceux à qui, sans vergogne, ils soufflent leur avis ? »

jeudi 19 avril 2018

HAÏKU M’PLISSEMENT

Je gêne car je suis différent mais vous vous me dérangez parce que vous êtes semblables.

FAMILIÈRES FOURMILIÈRES

Petite fable affable

Deux fourmilières entrent en conflit,
Une de ces guerres qu’on dit « totales »,
Où toute action se doit d’être létale,
Où tout ce qui par ailleurs est délit
Devient héroïque : on éradique,
On extermine, on devient sadique,…

C’est une simple querelle d’ego,
- Préséance ou primauté ? - entre reines
Des deux peuples insectes qui entraîne
Ainsi ceux-ci, sans aucun distinguo,
Dans le sang, et la sueur, et les larmes ;
Pousse, illico, tout-un-chacun aux armes.

Aucune souveraine ne voulant,
Plier devant l’autre c’est le massacre
De leurs sujets, qui servira au sacre
Du seul vainqueur : c’est de ce noeud coulant
Que viendra la paix car la plus vaillante,
Et la moins touchée sera la gagnante !

Un pangolin passant là par hasard
Déclare : « Si à la paix on aspire,
Je vais vous l’offrir avant que le pire
N’advienne de ce vil bazar ! »
Puis il happe, d’un coup, les souveraines
Avec leurs peuples venant à la traine.

Chez les Hommes, nombre de différends
N’ont pas plus noble origine qu’icelle,
Tournant,  hélas, aussi mal que chez celles 
Qui vivent en terre, vont en deux rangs,
Et sans meilleure issue qu’une hécatombe
Signant la fin de mondes, vaux ou combes.

mardi 17 avril 2018

HAÏKU’MBIA

Les grandes portes m’étant fermées je me contenterais des petites, même entrouvertes.

BOIS AUX ABOIS

Petite fable affable

Les faunes et sylvains s’inquiètent :
Une nuée couvre la forêt.
Les ménades, filles peu quiètes,
S’en ouvrent à ce bon et gras goret
De Pan qui règne sur ce bas monde.
Le pire est donc à venir, l’immonde
Serait ici à craindre selon 
Le chèvre-pied. Oc les dryades
L’augurent au vol droit des frelons ;
Point de fredaine en la triade.

Aegipan ne peut pas plus calmer
Ces bacchantes ni tous les satyres,
Éternels amants de ces almées
Que tant d’Hommes pensent hétaïres
Ou simples furies. Si ce n’est pis…

La malebête, tout de dépit,
Hurle à la mort. C’est hélas présage
Sinistre et annonce de tourments
Se dit l’ogre grincheux. C’est l’usage,
En ce lieu, là si peu clément,
De se fier à qui jà tourmente
L’être humain en ces fort alarmantes
Heures. Aussi, on s’agite en ce bois,
On s’affole en bosquet, on se trouble
Aux hautes branches : on est aux abois,
Vain croquemitaine ou vil gras-double.

La nuée passe… Et, là, revient
Le soleil. Et la joie. Et Les rires.
Quelle leçon pour ces Sylviens ?
Prépare-toi donc toujours au pire
Ainsi, la vie te sera toujours 
Bonne surprise… et chaque jour.


Illustration : Élisa Satgé, 2016

dimanche 15 avril 2018

HAÏKU’R DU TEMPS

Face au Temps, vieux roublard, toute vie est jeune naïveté.

LA PLUS BELLE EAU DE LA FONTAINE

Texte pour le nouveau blog de RuedesFables


          On me rappelle, obligeamment sans pour autant y être obligé, pour obliger sans doute l’humble fabuliste que je m’essaie à être, abreuvé aux vers consignés du « bon-homme » de Château-Thierry et rassasié des vers salutaires du « neveu par ricochets » de Voltaire, que Jean de La Fontaine (1621-1695) est le plus connu des poètes français du XVIIe siècle. Je m’inscris en faux plutôt qu’en fac’ : Pourquoi ce Géant de la Littérature de notre pré carré que l’on baptise parfois hexagone, fabuliste fabuleux, « agagadémicien » de surcroît, virtuose du verbe à césure - césure trente - serait-il seulement le plus grand poète d’un seul siècle alors qu’il a anobli un genre universel qui le rend lui-même intemporel (dont le bal faisait chanter Guy Béart) ?
     Pauvre rimeur solidaire et modeste écriveur d’écrits vains, je suis persuadé que le papy Jean l’est sans restriction en ces verbaux écrits, jamais verbeux, et le défends bec et griffe comme tous ceux qui ont suivi ses chemins de traverse ou ceux qui ont suivi les sentiers bucoliques de la littérature pastorale en vers et contre tous. Jean-Baptiste Claris de Florian (1755-1794), conteur éclectique et auteur du célébrissime « Plaisir d’amour », dans la préface de son recueil (Fables, 1792), se met en scène en tant que jeune auteur en quête d’une approbation, pour ne pas dire d’une bénédiction, auprès d’un vieux bibliophile qui « n’avait que le bonheur d’être sourd ». Féru de fables antiques, domaine dans lequel il semble ferré (Léo ?), il l’est plus encore que ce diable d’homme au nom clair comme celui d’une source, et révéré comme la référence absolue en la matière, qui ne fit son entrée à l’Oratoire que pour mieux le quitter, préférant le frac et le fric au froc, la rêverie à la théologie, le spectacle de la nature aux prières,… après un passage aussi aussi peu remarquable que remarqué, du côté du théâtre et les (vaut le vit)contes libertins. Sacré Jeannot !
     Le bref texte auquel je me réfère, appelé « De la fable » de Florian, autre mécontent du rôle qu’on voulait lui faire jouer - celui de militaire ! - cherche à la fois les tenants et aboutissants du genre fort ancien comme à présenter les grandes étapes de son histoire. Il porte au pinacle, conjuguant  verbe et verve, ses prédécesseurs - et maîtres - dont A. Houdar de La Motte (1672-731) et bien évidemment place sur un piédestal himalayen le plus grand selon lui, J. de la Fontaine, qu’encensait déjà, sans rime mais avec beaucoup de Raison, son contemporain J.-F. Marmontel (1723-1799), autre Lumière. N’étant point piètre ni pataud à l’exercice de l’apologue, celui qu’on n’appelle plus désormais que Florian fait dire à l’aimable vieillard, érudit bibliophile et lecteur assidu, ainsi mis en scène : « La Fontaine est si divin, que beaucoup de places infiniment au-dessous de la sienne sont encore très-belles. » et « que tout fabuliste qui réunira ces deux qualités (dont faisait preuve l’honnête homme du Grand Siècle, à savoir d’être tout à la fois conteur et poète) pourra se flatter, non pour être l’égal de La Fontaine, mais d’être souffert après lui. »
     Pour le vieux monsieur qu’il dit un sien oncle incarné (Voltaire ?) qu’importent les Bidpaï, Lokhman, Ésope, Phèdre, Faërne, Abstémius, Caménarius et autres, tous les pionniers du conte à morale qui nous agrée et force notre admiration par son antique modernité et son éternel renouvellement. L’orfèvre-joailler de Château-Thierry a taillé la pierre brute léguée par ce passé, façonné ses facettes sur les attitudes et habitudes de son temps et polit ses vers comme on le ferait d’un diamant ; nos mémoires - et la reconnaissance qui va avec - lui ont conservé tout leur éclat. C’est ainsi que devant un jeune écrivant à prime âge, qui se rêvait écrivain qu’est le Florian de ces primes pages, l’ancêtre qui goûtait tant aux apologues et chérissait leurs facteurs, résume : « Cent ans après (Hégémon, premier fabuliste en vers français), La Fontaine parut ; et La Fontaine fit oublier toutes les fables passées (quoique s’en inspirant), et, je tremble de vous le dire, vraisemblablement toutes les fables futures. Cependant M. de la Motte et quelques autres fabulistes très-estimables de notre temps ont eu, depuis La Fontaine, des succès mérités. Je ne les juge pas devant vous, parce que ce sont vos rivaux ; je me borne à vous souhaiter de les valoir. » Et J.-B. Florian de Claris, élève ne voulant pas surpasser le maître, dans ses récits le vaut bien…
     Aussi nous chanterons dans ce blog, entre amis du genre fabula, les louanges de ce chantre et bon ange de Monsieur de La Fontaine, notre papy Jean à tous, nous ses arrière-arrière-petits fils en écriture, encenserons ou analyserons son œuvre - protéiforme - comme nous évoquerons sa vie, côté Cour et côté jardin. La postérité ayant fait sa prospérité, et dans ces eaux-là mon bon Émile il y a tant à boire, que nous chercherons l’avis de ses contempteurs perdus comme l’avis de ses détracteurs comme on dit chez les ruraux les plus urbains.

     La Fontainement vôtre !

vendredi 13 avril 2018

HAÏKU’MPLICE

Si la vie est parfois triste quand on est deux ;
elle est souvent affligeante quand on est seul.

VITE FAIT…

Petite fable affable

Une veille araignée en un taillis du talus,
Tant grasse et grosse, ne peut plus tisser elle-même.
Elle requiert une toile pour son salut
Ce que ses sœurs et ses filles, de bon cœur quand même,
Lui proposent de faire sur l’heure : prédateur
Solitaire n’est pas moins aux siens solidaire !
« Une heure ! s’écrie, le ton fort désapprobateur
Et l’œil tout en courroux, notre doyenne atrabilaire.
Il vous faut œuvrer plus vite que cela : j’ai faim,
Moi, et vais mourir d’inanition à la fin.
Dix minutes seraient déjà bien trop attendre.

- Nous ferons de notre mieux dans ce laps de temps
Que vous nous donnez là ! » dirent en chœur les trois tendres
Bénévoles qui n’avaient pas fui entretemps.
Elles s’activèrent avec rage mais leur piège 
De soie maladroit, imparfait, las, ne captura
Ni moucheron ni mouche. Ainsi mourut comme un rat
La vieille aragne oublieuse, quel sacrilège,
Qu’il nous faut, pour que se fassent les choses, donner
Du temps au temps, et tout retard alors pardonner.

mercredi 11 avril 2018

HAÏKU DE PARAPLUIE

Déverser des versets n’a jamais renversé l’averse adverse qui, là, verse !

DÉCONCERTANT CONCERTO

Petite fable affable

La Mère Nature m’apprend, sans mot dire,
Que, pour plaire aux Grands, il faut rester petit.
C’est là la leçon des fourmis ; s’interdire,
Quel que que soit pourtant notre appétit,
De hurler avec les loups est un des autres
Bons enseignements reçus des animaux
Dont penchants et travers sont pareils aux nôtres
Car nous partageons même Terre et vils maux.

Une fauvette, pour égayer le souffle
Doux mais fatigué des voix de ce printemps,
Voulut chanter alors que deux cent maroufles
Du genre batracien, en même temps,
Coassaient à vous tympaniser leur mare
Et ses entours… Imaginez le tintamarre !

La fauvette pourtant, malgré tout, s’obstinait.
Donc toutes les grenouilles aux voix glapissantes
Redoublèrent fort d’ardeur pour bassiner,
Voyant que les bergères atendrissantes
Tendaient l’oreille aux mélodies de Fauvette,
Aux refrains marquants et aux couplets craquants,
Plutôt qu’au ramdam venant de la cuvette,
Qui n’était que bousin, barouf et boucan.

Qui fait le plus de bruit, comptant sur son nombre,
N’est pas plus ouï, ma foi, que l’esseulé
Car, même s’il provient de la pénombre,
Un seul chant harmonieux, certes isolé,
Qui s’élève peut changer non pas les choses
Mais la vision qu’on en a sans plus de glose.

lundi 9 avril 2018

HAÏKU RIEZ

Je reçois par trop de courriels du genre « De quoi je m’e-mail ?! »

LES TROIS DUCS

Petite fable affable

Dans le même vieux chêne cohabitaient
Trois rapaces cousins ne vivant qu’à la nuit
Le jour n’apportant à ceux-ci que de l’ennui.
Au faîte de l’arbre et des choses, ouhouhouhtait
Un Grand-Duc. Érudit, passant pour philosophe,
Il avait tout lu et, insolent comme un sot,
Citait ses lectures à la première apostrophe
De ses congénères en quête d’un vermisseau
Ou d’une réponse à leurs questions intrinsèques
Celles qui taraudent, las, jusqu’à vos obsèques.

À mi chemin de la futaie et du pédant,
Nichait un Moyen-Duc qui savait ses Classiques,
Et jugeait cela fort suffisant cependant
Pour se promouvoir Grand Penseur. Ce narcissique
Faisant profiter tout un chacun dans ce bois,
Vaniteux comme un fat, de ses vains clabaudages.
Abrupt, il disait son fait à l’être aux abois
Comme au plus serein, et ce quel que fut son âge
Ou son rang sans même qu’on le lui demandât.
On ne goûtait guère aux mots de ce grand fada.

Sous ces Maîtres, plus bas, logeait, un Petit-Duc
Qui avait beaucoup vu et en tirait sagesses
Qu’il prodiguait à qui le voulait, par largesse.
Les étagés l’avait surnommé « le Trouduc »
Car on écoutait ce minus, plus qu’eux. Parole !
Ce vil ignorant se refusant à médire 
Et juger s’octroyait, sans fard, leur si beau rôle.
Les souris venaient à consulter - C’est vous dire ! -
L’aimable vieillard humble, toujours content,
Par caractère, non par vanité. Constant.

La dignité des plus outragés en posture,
Excédés, ses deux pairs, usant plus de raisons
Hélas, que de Raison, crièrent à l’imposture.
Ils voulurent donc le chasser de sa maison
Mais en forêt, le for intérieur des bêtes
Est mieux remparé, face à de tels assauts,
Que le nôtre : on se mobilisa, on tint tête
Aux chouineurs… « Pourquoi ? » firent-ils par sursaut.
« Mais parce qu’il est plus beau d’éclairer, chers confrères, 
Que de briller* ! » répond « le Trouduc » téméraire.

* Notre Petit-Duc avait donc au moins lu St Thomas d’Aquin… à moins qu’il ne l’ait inspiré !

samedi 7 avril 2018

HAÏKU’DELEVÉ

Étant donné le nombre de vignobles qu’elle traverse, je milite pour que la « Nationale 7 » devienne la « Nationale Ceps ! »

LE MAUVAIS SUJET REPENTI

Petite fable affable

Ma foi, « les sots sont un peuple nombreux »
Écrivait Florian, lucide.
Les crédules, sans être acide,
Le sont tout autant et bien heureux
Qui le sait pour ne se fiez à eux.

Un homme avait un ami très proche
Qui n’ayant pas d’oursin en poche
Jouait tout ce qu’il avait pu gagner.
Et même beaucoup plus. Et par poignées.
Cela lui coûta sa compagne,
Biens et maison de campagne…
Endetté pour deux générations,
Il annonce avoir eu sa ration
De problèmes et d’ennuis en somme.
« Je vais corriger une âme amollie 
Par le jeu, dit-il à notre homme.
Briser ces chaînes d’airain qui me lient
Au jeu, ma coupable faiblesse
Devenue indigne maîtresse.
Je renonce à la roulette, aux cartes et aux dés.

- Mais cela ne se peut sans se faire aider.
Cette addiction est terrible
Tout autant que sexe, drogue ou fumée.
L’ami, l’échec te guette. Programmé.

- Ne me crois-tu donc pas de force
À lutter et vaincre ce qui pourrit
Ma vie, m’a si profondément meurtri ?

- J’ai peur que non… et dès l’amorce. »

Là, l’autre fait : « Qu’est-ce que tu paries ? »

jeudi 5 avril 2018

HAÏKU’PLUNI

Il est plus de maris qui font fi d’elle, que d’époux qui soient fidèles !

LES NOUVEAUX ARRIVANTS

Petite fable affable
  
Une perruche et un serin, un cardinal,
Oiseaux certes mais ne faisant pas très « local »,
Un jour, en nos ramées, avaient trouvé refuge
Après avoir fui la misère et les rets
De leurs tristes tropiques où le malheur déluge.
Ils avaient dû, émaciés, en peu d’arrêts,
Traverser un désert où règnent les rapaces
Et affronter la mer, ses périls, son espace,…

Ils étaient tous là et las, le regard perdu, 
Claquant du bec, plumes abîmées, bien entendu.
Le linot n’avait, pour ces gueux, qu’indifférence ;
Le chardonneret en sa livrée, blâmant tout,
Méprisant le reste, les disait pestilence ;
Le pinson des haies craignait de ces risque-tout
L’assassinat et le vol : « Pensez donc, des bêtes
Qui crèvent la faim, c’est pire que Malebête ! »

Le rossignol voulut aider ces étrangers,
Il fut fort houspillé et non point louangé
Par la fauvette, le coucou, le rouge-gorge,…
Il n’y eut guère que le pic-vert qui, malgré
Tous, eut pitié leur offrant quelques grains d’orge
Et son amitié sans plus de simagrées.
Tant pis pour les perdrix qui encore commèrent
Ou ces bons perdreaux de l’année valant leurs mères…

À tous, notre toqueur, qui passe pour frappé,
Répond : « Ici-bas, le malheur n’est pas un crime 
Pas plus que leur pauvreté ne va vous happer…
Mais vous pourriez être de ceux qu’on opprime ! »

mercredi 4 avril 2018

L’HAIKU’PLE MENT

L’amour vient du latin Amare, or les amants cherchent moins un port où s’ancrer qu’à voguer de conserve !

mardi 3 avril 2018

HAÏKU DE BOUTEILLE

Bordeaux est vraiment la ville du vain : plus elle prend de la bouteille plus ses bouchons s’allongent.

CHEVREUILS VS DAIMS

Petite fable affable

En forêt, chevreuils et daims polémiquaient.
Les premiers tenaient, avec dédain, que harde
Est mieux sans un chef pour la cornaquer ;
Les seconds prétendaient qu’idée si jobarde
Ne pouvait accoucher que de grands malheurs.
Le débat tournait à la dispute, aux heurts,…
Car on sait rester civil quand on discute
En nos jolis bois et tout aussi courtois
Que l’homme des villes quand il persécute
De ses idées qui n’est à tu et à toi
Avec lui. Ainsi va le monde animal
Quand il est, ma foi, on ne peut plus normal !

Rien ne rapprochait ces deux bandes d’apôtres
Mais la chasse mit un terme aux vains discours
Des uns, forts sûrs de leur fait, comme des autres
Certains de l’erreur de ceux-ci… Faisons court.
Chaque troupe, aussitôt, de son côté, s’égaille
Pour fuir la mort qui, par tout le bois, vous daille.

Les chevreuils s’éparpillaient à tous vents,
Se gênant, se bousculant,… Cibles faciles ;
Les daims suivirent leur guide, droit devant,
Sur un rang. Disciplinés. Proies imbéciles.
Chaque groupe y perdit autant des siens.
Cruelle égalité face aux balles et aux chiens.

Et, trois jours plus tard, dans une clairière, 
Quand nos deux bandes se trouvent à nouveau,
C’est pour reprendre leur discussion. Fière
Rencontre que celle de ces grands rivaux
Pareillement décimés. Les chevreuils arguent
Pourtant que leur bonne anarchie, toujours, nargue 
L’ennemi, le déroute et préserve, au moins,
La moitié d’entre eux ; les daims, eux, affirment
Que leur organisation, très au point, 
Fait qu’ils ne perdent, valides et infirmes,
Que cinquante pour cent des leurs. Résultat :
Chacun reste sur ses positions. Là !
Et pas une larme versée pour les bêtes
Qui ne sont, las, plus là pour s’en faire fête.

La vanité se nourrit de tout à l’excès :

D’un demi échec ou d’un terne succès,
Elle se repait toute aussi satisfaite
Que de victoire, sans s’en faire procès.

lundi 2 avril 2018

dimanche 1 avril 2018

HAÏKU PÉLA

Pourquoi « tout attaché » s’écrit-il séparément, alors que « séparément » s’écrit tout attaché ?

LE CHAMP DU GUÉPARD

Petite fable affable

Grand, racé, rapide comme le vent,
Le guépard, toujours au loin, part et trace
Comme une flèche, un carreau. Droit devant.
Sans faiblir ni mollir le plus souvent.
Et avec une inimitable grâce.

Or, à courir plus vite que d’aucuns,
Il se croyait un être invulnérable,
Et, las, un animal hors du commun :
Coursant le temps le plus inopportun,
Même enfui, même irrécupérable,…

Vitesse et précipitation
Étaient ses lois, martingale et timbale.
Mais un chasseur, et d’une pression,
Lui rappela, sans agitation,
Que nul n’est plus rapide qu’une balle !