Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

jeudi 30 juin 2022

mercredi 29 juin 2022

HAÏKU VIDE

Qui tourne en rond a rarement de belles courbes.

POUR AVOIR LA PAIX

Petite fable affable

Pour avoir la paix, quelques brebis avisés,
Lassées d’être cible des lupines visées,
Employèrent des chiens pour monter la garde
Et là s’assurer une digne sauvegarde :
C’est quand même bonnard
De paître enfin peinard !

 On vit lors plus d’une forestière meute,
Et souffrir, et jeûner, au risque de l’émeute.
D’aucuns manquant d’élan,
D’autres n’ayant d’allant,
Un vieux loup, fort rusé, je le crois, décide
Avec malice, je le crains, qu’un canicide
N’y suffirait, las, pas
Pour repas sans trépas.
« Il faut, disait-il acide, être loups lucides :
Foin du suicide, devenons plus placides ! »

Pour avoir la paix, la bête va discuter
Avec cette brouteuse à clochette butée
Qui sert de cheffe à cette fort mauvaise troupe
Si bien préservée malgré ses belles croupes.

« Erreurs et errements
J’assume rarement,
Je l’avoue, mais je viens te proposer pacte
D’amitié éternelle, la fin des actes
Barbares des miens,
Devenus bohémiens
Avec tes chiens. Même si votre coutume
Nous prête défauts et nous vêt d’un noir costume,
Pas d’arrière-pensée.
Plus de guerre insensée
Entre nous. Envoie au plus loin tes gardiens,
Nous renonçons à la chair pour notre bien !

- Pour avoir la paix, répliqua cette brebis,
Avec de vils malfaisants de ton acabit,
Il faut que l'on renonce
À ceux qui vous annoncent,
Vous déboutent ou vous déroutent ? Vous raillez :
Pour avoir la paix, ce serait fort cher payer ! »

lundi 27 juin 2022

HAÏKU NOCTURNE EN MA TURNE

Je serais volontiers noctambule si je n’étais déjà insomniaque !

PARTITION

J’ai pris la clé des champs pour une clé de sol
Quand, sur la portée vide des cieux,
S’est assis un silence après un prompt envol.
Le vent n’y joue plus, lui si capricieux,
À triples croches l’air du printemps reverdi,
Sur la gamme des prés refleuris, engourdis.

Entre les soupirs d’un souffle bienvenu,
Le soleil plaque sans fin ses doux accords
Tendres sur le chœur gourd des oiseaux revenus :
La blanche d’une trille, en ce décor
Paisible, répond aux noires bienvenues
De sifflements qui nous mettent le cœur à nu.

Les temps de ma vie, entre bécarre et bémols,
Font ici une pause sous bourgeons
Nains et feuilles naissantes qui sont parasol
À mon corps perdu, là, parmi l’ombre des joncs 
J’ai déposé enfin mon joug et mon licol,
Oublie aux chants d’un rossignol jusqu’à mes dols.

Dans ce si paisible havre au calme entêtant,
J’ai aussi tari la source de tous mes pleurs
Auprès d’un ruisseau, bien sûr, chantant
Entre les pierres, mélodie du bonheur
Aux mots clairs, frais et transparents, tentant
Repos des âmes que tout va désenchantant.

dimanche 26 juin 2022

samedi 25 juin 2022

HAÏKU D’AUJOURD’HUI

Les gens, l’outrageant n’est pas l’argent, souci affligeant :
on est plus vite indigent quand on n’a point d’entregent !

LA DÉMONSTRATION

Petite fable affable d’après un conte de Han Fei (IIIe s. Av.J.C.)

Sûr de son rang, lassé du banal du bambou
Et voulant brûler la chandelle par les deux bouts,
Un jeune prince se fit faire dans l’ivoire
Du plus bel éléphant qui fut ces accessoires
Simples, que l’on nomme des baguettes chez nous.
Son père, homme de sagesse et de bagou
Vint lors à lui et le sermonna sans tabou.

« Renonce à ce luxe, mon fils, il amorce ta perte
Et las, celle des terres qui te seront offertes  !

- Vous déraisonnez, mon Père tant vénéré.
Comment pouvez-vous donc de cela augurer ?

- Pour aller avec ces baguettes notre vaisselle
De grès te paraîtra pire que la faisselle
Dont usent, pour le lait de buffle, les donzelles.
Tu voudras assiettes et bols de jade ou d’or
Lesquels ne pourront accueillir, de prime abord,
Que les mets le plus raffinés, la plus goûteuse
Des cuisines… choses rares sont honéreuses.
Et quand on a table si fine et recherchée
On ne saurait, las, se contenter de crécher
Dans un tel palais, vieux, aux murs ébréchés,…
Ni de nos bons et beaux habits qui pourtant fleurent 
Trop la simplicité pour qu’œil aguerri ne se leurre
Sur nos richesses et sur notre notre prospérité.
Il faudra les impôts et les taxes augmenter,
Pour tout ce luxe ostentatoire t’acheter.
Ton gouvernement pressurera nos campagnes
Alors, et dans ce brave pays de cocagne,
La révolte, jusques à ses confins, grondera
Et ta couronne de la sorte tu perdras.
Le désir est le pire des maux : c’est un vice.
À peine assouvi, vient un autre caprice ;
Et ainsi de suite jusqu’aux noires abysses… ! »

jeudi 23 juin 2022

HAÏKU D’EN HAUT

Un ministre reste homme de cabinet tant qu’il n’est pas au bout du rouleau.

RETOURNER À GARONNE

Cycle toulousain

Avec l’Autan qui mord et se noie en ses vagues
Et ses flots qui courent comme l’on divague,
Mon fleuve ne va jamais droit,
Simple détroit, las, par endroit.
Entre ses hautes rives et ses berges basses
Où nichent le héron, le canard et l’agasse,
Sous ses nues limpides où on aime revenir,
Des moissons d’hiers aux vendanges à venir,
Je veux retourner à Garonne,
Qui ronronne autant qu’elle rone.

Mon fleuve en ses campagnes est roi,
On en use comme un charroi
Où les briques rouges défient les nuages.
Partout son fil de l’eau vous invite au voyage,
Tissant ses océans sur trame d’horizon,
Brodés de fils espoirs, bordés de déraisons,…
Je veux retourner à Garonne,
Souvent matrone, parfois mignonne
Avec ses remous nés de montagnes de par ici
Et sa bonté qui crée pays de cocagne aussi.

Avec un cours qui croit à crues au printemps qui pleure
Un lit qui louvoie en bois, s’y love, nous leurre,…
Mon fleuve ne va jamais droit,
Simple détroit, las, par endroit.
Entre des étés lourds à assommer un somme
Et des hivers si doux qu’ils font chanter les hommes
Qui lors, en leurs soirées, d’agapes en veillées
Faisaient morte saison tant plus ensoleillée,
Je veux retourner à Garonne,
Qui nous luronne et qu'on larronne.

Mon fleuve court les champs, adroit,
Et, dans nos villes, oublie l’octroi,
Avec l’Autan qui mord et se noie en ses vagues
Et ses flots qui courent comme l’on divague,
Tissant ses océans sur trame d’horizon,
Brodés de fils espoirs, bordés de déraisons,…
Je veux retourner à Garonne,
Aux eaux vaironnes qui maronnent
Qui, dans mes nuits, sans agapes ni veillées
Revient me hanter ou me désommeiller…

mercredi 22 juin 2022

mardi 21 juin 2022

HAÏKU DE À-TU-ET-À-TOI

Le jeu ruine moins que le « je ».

LE SANS-GÊNE DE DIOGÈNE

Petite fable affable

Le grand Diogène, philosophe des rues,
Vivait ainsi loin des Hommes et de leurs richesses
Tout en étant auprès d’eux, et de leur bassesse.
Un jour qu’il mangeait des lentilles, ce bourru
Fut accosté par son bon confrère Aristippe
Qui courtisait, lui, l’élite ; un de ces types
Qui mènent l’existence dorée des courtisans,
Pique-assiette, avec tout un chacun méprisant.

« Si tu savais ramper ou seulement l’échine
Courber, tu n’aurais pas, sot, à te contenter
De ce plat frugal qui ne saurait tenter
La plus affamée des plus minables fouines.

- Et si tu savais te contenter de ce plat frugal,
Tu n’aurais plus à ployer le dos, Animal ;
Ni à ramper comme le fait la plus étique
Des fouines affamées, bêtes sans éthique. »

dimanche 19 juin 2022

HAÏKU DE COACH

Tant de sportifs du dimanche s’épuisent au prétexte que c’est un jour fait pour se reposer !

AUBE BLONDE

D'après une photo de Marc-Yvan (Montréal, mai 2020)

Le soleil s’élève fort tôt ce matin,
Et il ambre et il vermeille les lointaines
Olympes, réveille les arbres mâtins
Encore nus, où la neige joue les mitaines. 

De ses rayons d’or, il roule un matelas 
De nues épaisses, tout en torsades cotonneuses,
Sur l’horizon qui fait, à nos réveils las,
Une couverture ouateuse et crâneuse.
Ils surveillent la brume encore assoupie,
Qui, oripeau en lambeaux, gagne les limbes,
S’accrochant à l’épine d’ombres tapies.

Fatiguées, elles s’estompent et se nimbent
D’ocres et de safran, de cuivre flapi,
Alors que l’air se paillette sans répit…



vendredi 17 juin 2022

SAL’HAÏKU DU TAON

Je préfère le temps qui reste à celui qui passe.

L’AFFAIRE EST DANS LES SACS

Petite fable affable d’après un conte moyen-oriental

Je crois sur les berges du Tigre, ou les rives
De l’Euphrate, deux frères, comme il arrive
Ailleurs, exploitaient ensemble des arpents
Bien irrigués, donc fertiles, s’occupant
Des semailles et moissons, à parts égales,
Sans connaître ni disette ni fringale.

Au soir de leur prime récolte, l’un d’eux
S’était pris à réfléchir : « Ah ! quel hideux
Cadet, je fais : j’ai la moitié exacte
De nos grains par notre solidaire pacte
Quand mon aîné doit nourrir enfants et femmes
Alors que moi je vais seul, sans brame ni blâme. »

Il se leva et engrangea, sans un bruit, 
Au fraternel grenier, deux sacs déduits
De son écot. Il se recoucha, ensuite,
L’esprit et le cœur en paix car sa conduite
Lui paraissait juste et bonne. Peu après,
Son frère s’éveilla l’âme chagrinée :
« Mon benjamin n’a pas encore trouvé femme
Comment le peut-il si, malgré sa bonne fame ;
Il n’est point prospère. Ne soyons point rat :
Je vais lui octroyer deux sacs de plus, ras-
Bord de semences, sur la familiale
Portion, c’est là pratique cordiale.
Son avenir, plus que le mien, en dépend ! »
Ce qu’il fit tout aussitôt, clopin-clopant, 
Sans en parler mie et surtout pas, misère,
Au principal intéressé, son cher frère.

Ainsi, au matin, chacun se retrouve avec
Autant de sacs que la veille et bée du bec.
 « Bah ! ainsi le voulut le Très haut, sans doute ! »
Pensèrent nos frangins, l’esprit fort en déroute.
Or chaque année, et pour les mêmes raisons,
Le même manège agite leurs deux maisons…
Avec le même résultat sans qu’ils comprennent
Mieux le pourquoi de ce prodige pérenne.

À ce conte-ci, quelle moralité ?
Ces deux-là prouvaient, je crois, qu’en ce bas monde
La solidarité, la vraie fraternité,
N’ont pas besoin de se claironner à la ronde
Pas plus, sûr, que la foi ou la piété…
Et qu’on en a récompense méritée.

mercredi 15 juin 2022

HAÏKU DE SITES À SION

Qui veut railler point ne ménage sa posture.

BRUME DE PRINTEMPS

À l’encre noire, sur mes nuits blanches
J’égratigne, en vers, mon esprit qui flanche
Avant que l’aube qui, enfin, blêmit, 
Et l’aurore qui rosit, en amie,
Las, ne déflorent les ombres en bleus-noirs 
Du nocturne rideau et, pis, n’éteignent
Les étoiles enfuies vers d’autres soirs…
Et le jour allume alors son enseigne.

La brume estompe parfois le vitrail 
Du ciel vainqueur qui met au travail
Les éclats d’émail de ses lueurs ocres,
Où le soleil naissant se fait médiocre.
Prises dans l’esquisse du vaporeux 
De ce tulle, nos heures, translucides
Aussi, tamisent d’or cet air poreux
Écumant d’argent ce matin placide.

La gaze inerte invite le coeur las
Et le corps fatigué de ces falbalas
Impalpables à remettre, jà, les voiles
Loin d’un temps brouillé, en fort cordiale
Compagnie, pour le beau pays des songes 
Sur le blanc bateau du rêve éveillé,
Loin d’un éther drapant ses vils mensonges
Dans ce drap qui ne peut qu’émerveiller…

mardi 14 juin 2022

HAÏKU CRU

On nous fait croire que le bien public est la somme des intérêts particuliers comme la petite vertu serait l’addition de gros vices.

lundi 13 juin 2022

L’HAÏKU ÇA FAIT MAL

Finesse d’esprit prouve, paradoxalement, qu’on l’a large.

LES AIGLES QUI N’EN SONT PAS

Petite fable affable

Un aigle revint bredouille à son aire
Et confessa : « Il va falloir changer d’air,
Ma mie, car commence une nouvelle ère
Pour moi : las, je n’y vois plus assez clair
Pour chasser et nourrir notre famille.
Je me fais, je crains et crois, trop vieux
Pour razzier à dessein les cieux.

- Bah! fais-toi donc assister des pupilles
De mon frère. Il ne te dira pas non !

- Mais il est plus âgé que moi, Crénom !

- Et il a gardé une vue parfaite…
À vous deux, nul ne sera à la fête ! »

On fit donc ainsi dès le lendemain,
Les deux parents volant, main dans la main
Si je puis dire, en traque de quelque oie,
Lapin ou marmotte, bref d’une proie.
Soudain l’aigle s’écrie, plein d’espérances
« N’est-ce pas lièvre que je vois là !

- Fort bien ! répond alors son beau-frère.
C’est même bête apte à nourrir, cher roi,
Nos deux nids tant il me semble prospère.

- Aïe, l’Ami ! elle nous a éventé…

- Quoi ? Répond l’autre chasseur patenté.
Au fait que faisons-nous ici, cher Confrère ? »

Si tu veux réussir quoi que ce soit
Evite, Ami, plus éclopé que toi !

samedi 11 juin 2022

HAÏKU PERSO’

Certains sont habiles, d’autres agiles ; moi, je suis à moi.

QUAND LA CANICULE ACCULE

À travers les carreaux que l’été empoussière,
Le plaine se déroule sous un soleil camard,
La terre crevassée se brise au long des trimards,
Aux abords silicifiés se rêvant mouillères.

Le ciel nu est lourd et le vent sourd est las,
Partout ce ne sont que rus assoiffés, herbes sèches
Blés brûlés, tournesols grillés,… qui seront mèches
Du premier feu qui naîtra du moindre éclat.

Même l’ombre est étuve dans laquelle on se glisse :
Les peaux y rosissent, rougissent voire écrevissent.
La vie, comme calcinée, semble arrêtée.

Spectres figés, les arbres bruns bronze et dorés
Ont jà mis la livrée d’un automne qui porte
L’espoir de pluies pour que de l’enfer on sorte.

vendredi 10 juin 2022

MARIE HAÏKU RIT

Le travail du corps n’implique pas le repos de l’esprit alors que le travail de l’esprit exige le repos du corps.


jeudi 9 juin 2022

HAÏKU PAIX PLAINE

J’ai foi en mes qualités mais, en l’occurence, suis plus croyant que pratiquant.

LE SERPENT QUI S’EN REPENT

Petite fable affable librement inspirée d’un conte indien

La fortune est joueuse, le hasard capricieux.
Comment croire en un destin serein sous ces cieux ?
C’est ce que pensait le village
Quand s’installa, sans façon, un audacieux
Serpent à ses entours ; l’être mal gracieux
Ne fut, las, que mort et ravages.

On se plaignit de sa vile inconduite alors
Auprès d’un vieux brahmane qui parlait d’or
Et ce, aux hommes comme aux bêtes.
Tancé, le reptile promit de s’amender. Or,
Il garda ladite bourgade pour décor,
Courant par fougères et herbette,
Devenu pour tous inoffensif et passif.

Les villageois en devinrent des plus agressifs
Avec cette longue chiffe molle :
Les cailloux jetés, les quotidiens poncifs
Et les quolibets le rendaient fort dépressif :
Il fit peur,… il n’est qu’un mariole !

Il alla au brave brahmane, à son tour,
Et reprocha au vieux sage sans détour,
Son nouveau sort, peu enviable.
Là, l’autre lui déclare : « Mais, sombre autour,
Je t’ai demandé de ne point mordre alentour,
Ni d’embrasser, impitoyable…
Pas d’arrêter de siffler ni de te dresser.
Il faut cela pour que l’autre t’estime assez !

- Mais à quoi servira, Grand Maître,
Qu’on se conduise ainsi, à se harasser,
Si “l’autre” sait que ce n’est que le menacer,
Que la Mort ne va pas paraître ? »

L’entelle les ouït, de la partie se mit :
« Sûr !… Si tu ne veux que ton aura s’anémie,
Ni périr de façon abjecte :
Ne frappe que pour te défendre, mon ami,
Jamais le premier et jamais à demi,
Mais cogne et, lors, on te respecte ! »

mardi 7 juin 2022

HAÏKU DU PASSÉ

Pardonner, peut-être. Oublier, jamais…

LAS HÉLAS

Il y a de cela quelques lustres
Au temps des hommes illustres
Le nôtre ne produisant, malheur,
Que pervers, menteurs et voleurs
On cherchait en choses publiques
Le bonheur… et la République.

Il y a de cela quelques lustres
Au temps des hommes illustres,
Le pays s'était préparé
Par tous ses maux, plus éclairé
Que par ces bonnes Lumières
Ignorant tout des chaumières.

Il y a de cela quelques lustres
Au temps des hommes illustres,
Tout le passé fut révoqué
En un été, fort évoqué :
Naissaient alors des espérances
Qui finirent désespérance.

De ces quelques anciens lustres
Du temps des hommes illustres,
Las, s’en souvient-on vraiment,
À choisir indéfiniment,
Pour vivre notre pauvre geste,
Entre le pas et le peu ?… Peste !

dimanche 5 juin 2022

DE BONNE HAÏKU’MPAGNIE

L’homme est le pire des animaux de compagnie pour l’Homme, animal sociable pourtant.


LES TIRE-LIRES & LES TIRELAINES

Petite fable affable

Si  « les bourgeois, c’est comme les cochons… »,
C’est que ces bêtes, en êtres ronchons
Se comportent en notables de la ferme,
Déprisant le poulet roturier
Qui leur sort des pores et de l’épiderme,
Le commun des troupeaux sans lauriers
Et les porteurs de bâts ou d’étriers.

Tout en brusqueries et moqueries fates, 
Porcs se flattent, sans rougir écarlates,
D’être les seuls, sans peine, à s’étoffer
Et à en porter gravement l’effet :
La réussite se porte sur les hanches,
Faire du gras sans avoir à travailler ;
C’est être rentier de bonne branche,
Le soit-on repu d’ordures bayées
Par des humains qu’on aime à railler.

L’animal à ventre mou a dent dure
Envers qui l’empâte à la soudure
Comme aux temps heureux, quitte à s’alléger :
Ils dédaignent et déprisent bergers 
Gardant des êtres bêtement à cornes
Qui sont plus chaudement vêtues qu’eux,  
Comme vilains qui labourent, sans borne,
Une glèbe qui paie mal ou si peu
L’effort qu’ils font et vont l’air guère heureux.

Car, hélas, les nourrains nantis nourrissent
Leur corps, leur superbe et leur avarice 
Ne laissant ni mie ni miette à leurs pairs
Ni aux Hommes qui, un jour, feront chair
De ceux qui pensent merde et font fiente,
Jeunes, vieux, sur qui n’a la décente
Bonne façon de vivre… donc la leur ;
Ils étronnent fort et trainent en bouse,
En étant plus rats que rongeurs qui, malheur,
Ose trouver à redire : on jalouse
Tant ce supplément d’âme qu’est le flouze !

Si beaucoup de gens méprisent l’argent,
Rares sont ceux qui vont le partageant…

vendredi 3 juin 2022

HAÏKU JOUFFLU

Le charme des filles est enchantement, celui des femmes tient du sortilège.

RÊVES RIENT

Édito à la façon RuedesFables,
d’après « Perdu de vue » de Philippe X dit Loup-Zen

          J’ai une vie de trêve dans un pays de grèves et des rave party où l’autochtone potelé et cauteleux est adepte du velours côtelé couleur terre labourée parce que ça fait vraiment rural et de l'éternel chandail feuille-morte qui n’est pas à la mode pour ne pas avoir besoin de se démoder. Faut pas gaspiller. Ici, le rêve et la folie douce sont les indispensables échappatoires à l’équilibre précaire d’un caractère en or. Et, sur ce plan-là on ne prête pas qu’aux riches… bien au contraire : passent pour pauvres d’esprit les nantis de cette tare, bâtisseurs de châteaux en Espagne ou rêveurs sans trêve d’un Orient qui désormais crève. Seul le royaume des Cieux leur est promis. C’est le rêve au siècle des rêves partis !
     Dans ce pays de cocagne où je me cogne aux réalités dès mon réveil et qui vous laisse songeur, il est une sous-préfecture. Nul n’est parfait. Et dans cet Eldorado-là, aimable petit cimetière sent bon la poussière des habitudes usées et la cendre des souvenirs inutiles, portant en lui tous les désespoirs d’une nation en quête de résurrection, est sis une administration. Je sais : le cauchemar n’est pas loin ! Étant, ce jour-là, dans la lune, mais je ne sais plus de qui - une créature de rêve, sans doute - et n’ayant plus de nuage à attraper dans les profondeurs du ciel, je m’y rendis. Idée saugrenue, mais il faut aller jusqu’au bout de ses rêves. Coûte que coûte.
     Une file d’attente de doux rêveurs, lassés de faire de beaux rêves, gens du genre Sans Difficulté Financière - les S.D.F. du lieu - s’était formée au guichet. Exceptionnellement ce jour-là leur était réservé. Quel rêves venaient-ils caresser en ces lieux austères laissant de bois au lieu de cajoler leurs épouses et maîtresses ?… L’espoir d’une vie meilleure, prétendant à une quelconque manne distribuée par un plus riche qu’eux ou un État plus pauvre qu’œufs ?… Ce serait là rêver tout éveillé mais tant que ça ne coûte pas… Ils étaient logés, pour l’heure, à la même enseigne que les propriétaires d’intestins paresseux (les Sans-Papiers toilettes du coin) qui, en songes-creux qui n’ont pas le ventre du même tonneau, rêvent tout éveillés leur rêve américain en ce pays-ci.
     L’entrée de cette officine officielle, pavoisée aux couleurs tricolores tricotées main, se faisait par l’arrière boutique. Logique administrative, sûrement. Inventée par celui qui créa « la simplification » du même nom. Sur une pancarte, signalétique antique, on pouvait lire : 


« Rêves perdus :  Service ouvert tous les jours- sauf du lundi au samedi.
Rêves trouvés : Service ouvert en dehors des heures de fermeture.
Pour tout renseignement, contacter le service idoine, ouvert tous les jours de la semaine sauf les Lundi, mardi, mercredi, jeudi, et vendredi.
Les week-end, le service sera exceptionnellement fermé
Merci de votre compréhension. »

     Un malotru, pour réaliser un vieux rêve sans doute ou parce qu’il bayait à je ne sais quelle corneille dans une distraite file d’attente précédente, avait osé remplacé, à l’étourdi, le R du mot « Réception » par un D ce qui laissait à penser qu’il avait fini de rêver, lui, quand d’autres dormaient encore debout, penseurs pansus reniant chimères et pairs pour vivre des rêves aseptisés.
     Une fois entré dans ce haut lieu pénétrant, moi qui ai les pieds sur terre et la tête dans les étoiles, je croise nombre de personnes sombres qui semblaient être préoccupées par le fait de ne pas se marcher dessus, j’entends sur leur propre ombre. Or, il n’y avait plus de lumière dans le couloir. Restrictions budgétaires. Pardon, « louables économies en vue d’inciter au Développement Durable » et sauver une planète à laquelle on a refusé l’entrée au pavillon de soins palliatifs car son état était désespéré. Elles soliloquaient en regardant le sol, les mains dans le dos, courbées sous le poids des heures qui passent et vaincues par un temps perdu recherché en vain. Pis, elles feignaient de ne pas m’entendre leur poser la question qui dérange quand l’ouvrier de la onzième heure cherche midi à quatorze heures ou à sa porte : « Excusez-moi, je voudrais un renseignement ».
     Un retraité en vacances qui n’avait pas une minute à lui, comme nombre de ces gens-ci dans ce cas-là, me répliqua sur un un ton rogue qui me laissa songeur : « Vous voulez un renseignement ? Eh bien servez-vous ! »

- Oui mais :… où ? Répondis-je aussi paumé qu’une laitue d’antan.

- Au service des renseignements des rêves retrouvés. Fermez bien la porte en sortant : il y a des rêves enfuis qu’on ne voudrait pas avoir à chercher. On n’a pas que ça à faire, monsieur ! » fit mon péremptoire interlocuteur qui avait tout l’air d’un exécuteur. Et pas testamentaire.
     Sur un présentoir qui présentait mal, il y avait pèle-mêle toutes sortes de formulaires, correspondant à ce que l’on peut faire quand on a le monde à refaire ne pouvant défaire celui-ci : retrouver les rêves partis en fumée, vivre ses rêves, lutter contre les rêves irréalisables, l’interprétation des rêves, vivre ses rêves de jeunesse,…. Je me dis sans passer par la Lorraine avec mes sabots parce que c’est à l’autre bout du pays vu à travers le plus petit bout de ma propre lorgnette, le nez en l’air et respirant à grandes goulées le temps qui passe, que tout cela était aussi illusoire : administration et administrés confondaient « rêver » et « rêvasser » ce que seuls savent peuvent faire les poètes - et les marchands de fables - sans que cela ne mène à rien… sauf à la maison de ses rêves. J’y retourne donc !

Rêveusement vôtre…

jeudi 2 juin 2022

PENSÉE HAÏKU’LTE

La piété n’a plus plus besoin de dévotion que la sincérité de paroles : les actes parlent d’eux-mêmes, toute démonstration est orgueil ou vanité.

mercredi 1 juin 2022

HAÏKU DU SORT

Médiocrité et bassesse sont les plus grands talents de certains !

CAUSETTE AVEC UNE COSETTE COUSETTE

Petite fable affable

Fripier fripon étant d’une corpulence
N’ayant, ma foi, d’égale que son opulence,
Un bon bourgeois voisinait, par le haut du pavé,
Avec une modeste modiste, qui avait
Le tort de posséder une riche clientèle,
De celle qui paie peu, mal et tard ses dentelles,
Et, pis, s’enorgueillit par la ville d’agir
Sans fard de la sorte sans jamais s’assagir.

Aussi, cette pauvrette alla crier famine
Chez ce brave marchand, fourgueur de fausse hermine,
Qui trouverait, lui, “moyen de moyenner”
Étant étoffé, honnête et affable aîné.
Hélas, pétri de boue et d’ordure, notre homme
Pratiquait, par chrétienne charité, en somme,
L’usure à qui manquait toujours d’un denier 
Pour faire un sol alors que, pourquoi le nier,
On se faisait souvent suer à deux sous l’heure.
La donzelle implore le vendeur, tant et plus pleure.

 « S’il ne te manque que deux sous pour faire un franc,
Petite, tu vas trouver chez moi un garant… 
Y’a toujours “moyen de moyenner” ! » ajoute
Ce goujat dont la main part, jà, au casse-croûte
Vers les jupons de la jouvencelle apeurée.
Elle rétice à ses avances, à peine effleurée
Et il récalcitre au prêt si elle ne cède :
« Petite, Il y a deux façons de s’élever :
Soit par grand talent et travail à en crever
Mais tu vivras, toujours, moins de blé que d’épeautre ;
Soit, comme moi, par la grand’ bêtise des autres.
En ce monde tout a un prix, même pour toi… »
Et repartent à l’assaut les doigts de ce matois.

Sortant de sa poche ses ciseaux de couture,
Elle crie : « Arrêtez, immonde caricature,
Où je bistouris !… Sûr, sur vos us j’en sais assez
Et vous trouverez d’autres corsets à délacer
Avec cette morale de vie qui rend prospères,
À l’évidence, les mufles et leurs compères :
Si j'ai pu être abaissé par quelque fatalité
Ou des fats qui m’ont acculée, sans plus de probité
Vous êtes et pourriez être rabaissé, vite,
Par mes lames qui sauront couper court à votre invite ! »

Un peu de courage, mêlé de gageure,
Et la loi du plus fort n’est plus la meilleure !