Petite fable affable d’après un conte moyen-oriental
Je crois sur les berges du Tigre, ou les rives
De l’Euphrate, deux frères, comme il arrive
Ailleurs, exploitaient ensemble des arpents
Bien irrigués, donc fertiles, s’occupant
Des semailles et moissons, à parts égales,
Sans connaître ni disette ni fringale.
Au soir de leur prime récolte, l’un d’eux
S’était pris à réfléchir : « Ah ! quel hideux
Cadet, je fais : j’ai la moitié exacte
De nos grains par notre solidaire pacte
Quand mon aîné doit nourrir enfants et femmes
Alors que moi je vais seul, sans brame ni blâme. »
Il se leva et engrangea, sans un bruit,
Au fraternel grenier, deux sacs déduits
De son écot. Il se recoucha, ensuite,
L’esprit et le cœur en paix car sa conduite
Lui paraissait juste et bonne. Peu après,
Son frère s’éveilla l’âme chagrinée :
« Mon benjamin n’a pas encore trouvé femme
Comment le peut-il si, malgré sa bonne fame ;
Il n’est point prospère. Ne soyons point rat :
Je vais lui octroyer deux sacs de plus, ras-
Bord de semences, sur la familiale
Portion, c’est là pratique cordiale.
Son avenir, plus que le mien, en dépend ! »
Ce qu’il fit tout aussitôt, clopin-clopant,
Sans en parler mie et surtout pas, misère,
Au principal intéressé, son cher frère.
Ainsi, au matin, chacun se retrouve avec
Autant de sacs que la veille et bée du bec.
« Bah ! ainsi le voulut le Très haut, sans doute ! »
Pensèrent nos frangins, l’esprit fort en déroute.
Or chaque année, et pour les mêmes raisons,
Le même manège agite leurs deux maisons…
Avec le même résultat sans qu’ils comprennent
Mieux le pourquoi de ce prodige pérenne.
À ce conte-ci, quelle moralité ?
Ces deux-là prouvaient, je crois, qu’en ce bas monde
La solidarité, la vraie fraternité,
N’ont pas besoin de se claironner à la ronde
Pas plus, sûr, que la foi ou la piété…
Et qu’on en a récompense méritée.
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