Petite fable affable
Il fut des temps où, pour soigner maux et Mal,
Chez les hommes, tout comme chez l’animal,
On comptait plus sur le bon vouloir des saints
Que sur le vaste savoir des médecins :
Car si les seconds rendaient gras et bossu
Même un cimetière des plus ossus,
Les premiers, eux, parfois, vous guérissaient
À leur bon gré par leur simple intercession…
Et s’il arrivait, las, que vous mouriez
C’était ma foi avec leur bénédiction !
Ainsi notre monde tournait et pensait…
Mais je vois bien qu’à ces mots vous souriez :
Voici donc une histoire vraie, inventée
Pour vous, qui expliquera ça sans vanité :
Un vieux milan, roi des airs en sa contrée,
Refusant de vivre toujours en cloîtré,
Un bien méchant courant d’air attrapa
Faisant craindre à sa Cour un fort prompt trépas.
Appelé vite à son chevet, son docteur
Fait tout ce qu’il peut, comme tout prédateur,
C’est-à-dire très peu, non sans oublier,
Là, de se faire régler déplacement,
Frais et honoraires avant que de venir
Exercer son art, attitude à honnir !
En pestant contre le peu d’empressement
Que son malade mettait, sans brandiller,
À guérir, il décréta, tout en fatuité,
Qu’il est sot de mourir en bonne santé.
On appela des moines méprisant l’or
Qui pillèrent donc tout autant le Trésor,
Afin de confier au Dieu créateur
Amulettes, prières de sectateurs,
Mystique propitiatoire inconnue,
Sacrifice expiatoire méconnu,
Offrandes rapaces et inutiles dons,
Alors que les bons pères se répandaient
En lamentations sur le règne d’un roi
Luxurieux et dépensier de surcroit.
Le peuple crut que le mal correspondait
À des crimes - inventés - mais sans pardon.
Ainsi le milan mourut, abandonné
Par tous ceux à qui il avait tout donné…
Si de cette histoire tu veux Vérité
À toi de la tirer. Mais fais-le bientôt,
Car à de tels vautours on est confronté,
Crois-moi, bien trop vite et, surtout, bien trop tôt !