Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

jeudi 31 mars 2011

DERRIÈRE LES APPÂTS RANCES

En club boite ou hangar
Ni Ulm ni Trafalgar
Pour qui me suit
Je désennuie
Car on sait qui je suis
Quand je suis de sortie la nuit
Mais sait-on bien qui je suis
Derrière tous mes rires qui essuient
Soucis pleurs qui sont tiens
Et bien des secrets miens

Du miroir d’un égard
Au mouroir d’un regard
Tout n’est que suie
Au fil des nuits
Où je sais qui je suis
Quand je suis des belles de nuit

Personne ne sait que je suis
 Un homme avec tout ce qui s’en suit
 Fort sans lien fier d’un rien
Ni beau ni bon ni bien

Les sourires hagards
Et les propos ringards
Tout me poursuit
Et tant m’ennuie
Moi qui sais qui je suis
Après qu’a sonné la minuit

Je suis ce « con d’Edgar »
Qui a l’accent du Gard
Celui qui suit
« L’oiseau de nuit »
Et tout ce qui s’ensuit
Cette image me nuit
Personne ici-bas ne sait qui je suis
La griserie enfuie
Je ne peux me montrer comme je suis
J’ai peur qu’on ne me fuie
Si vous tous saviez celui que je suis

HAÏKU VAIN

La chasse aux papillons n'est pas faite pour tuer le taon !


Dessin : David Sanjaume, 1 avril 2011

PIMPRENELLE, LA PÉRONNELLE

On te prendrait pour une « petite sœur des cœurs »
Avec tes nippes plus ajourées que des lettrines,
Vestale d’arrière-salle à l’œil vain et vainqueur.

Pourtant, la moue morgueuse, le mot fier et moqueur
Tu dis n’avoir rien à vendre… et mets tout en vitrine :
On te prendrait pour une « petite sœur des cœurs »  !?

Tu vas le dos cambré, la jupe en accroche-cœur,
Bas ombrés, fesses moulées, exhibant ta poitrine,…
Vestale d’arrière-salle à l’œil vain et vainqueur…

Et du crack crève-cœur à ces relents de liqueurs
Tes lèvres ocres, entre miel et fiel, fleurent la citrine,
 On te prendrait pour une « petite sœur des cœurs » !

 Puis, tu chavires du corps sans naufrager du cœur
Dans les débris d’ombre de quelques obscures latrines,
Vestale d’arrière-salle à l’œil vain et vainqueur.

 Dans tes vespérales bacchanales, sans rancœur,
L’envie est ton credo et le plaisir ta doctrine…
On te prendrait pour une « petite sœur des cœurs »,
Vestale d’arrière-salle à l’œil vain et vainqueur ?!

BLUETTE FLUETTE

C’est une fée très très affairée.
Une vraie fée qui, toujours, farfouille,
Pour un rien, dans ses coffres ferrés
Et, parmi ses boîtes carrées, fouille.

Non qu’elle soit désorganisée,
Mais la pauvre n’a pas de mémoire.
Ce qui en fait des fées la risée !
Dieux merci, elle a son gros grimoire !
Mais il lui arrive d’oublier…
Où cet animal parfois se cache !
Alors, remettant son tablier,
Tout’ sa maison elle déménage.

Près de son huis, un Prince passa,
Un de ses jours de grand balayage.
Or le Charmant, pour elle, en pinça ;
Aussitôt la demande en mariage.

Plongée dans ses pensées, elle acquiesce,
En se demandant c’qu’elle cherchait…
Averti, le Roi pesta sans cesse
Contre une fée Dieu-sait-où pêchée.
À force de mots et de passion,
Le Prince, jour et nuit, intercède
Pour saborder sa résolution.
Devant son feu, son vieux père cède.

Donc, on organise, en grand, les noces ;
Bans, préparatifs, et cætera…
Ceux qui, alentours, roulaient carrosse,
Furent invités avec l’Agora.

Mais la foule aimait dire et médire
Or notre Belle n’est point venue !
On vit maudire sans un mot dire
Des invités fort déconvenus…

En forêt, l’Aimée, quête et se musse :
Le rendez-vous où on l’attendait,
Elle, elle avait oublié. Gugusses
Que le Roi et ses pairs sous leur dais ;
Donc le Prince du palais on chasse !
Le monarque est ridiculisé…
L’éconduit retourna, l’humeur lasse,
Chez la fée sa colère attiser.

Mais sa mie l’accueillit tout sourire
Tant qu’il en oublia sa fureur.
Ils s’expliquèrent avec force rires
Et unirent leurs cœurs à cet heur…

Son esprit étant un pêle-mêle,
Son époux l’aida, sans se fâcher,
À tout lister, même sa gamelle ;
Son gros grimoire, il a attaché.
Puis, il lui offre de grandes pages
Où il écrit ce que, jusqu’au soir,
Elle doit faire dans son ménage…
Et elle pense à tout sans surseoir !

ODE À L'OMBRE DE CLAUDE


En marchant comme un passant,
Quand le Cerç va gémissant,
Ōc, écoute-la, ma Ville,
Bruire et puis rire d’accents :
Ceux du terroir, de Séville,
De Rabat ou d’Ouessant,…
Tous, ils jasent comme ils tonnent,
Jouent et joutent, comme antan,
Ou jazzent quand ils chantonnent
Aux souffles de cet Autan
Qui encore barytonne
Et qui, vent jamais atone,
S’en vient souvent débaucher
Les austères murs-clochers…

Ma Ville s’est proposée
À deux Mers comme une marge ;
Elle est comme un pont posé
Entre terres et grands larges…

Si tu veux en être instruit
Savoir ce qui la construit,
Ōc, touche-la donc, ma Ville :
Quand viennent la peur, le bruit,
Quand sonnent les heures viles,
Seule, elle offre en usufruit
Pour les consciences maronnes
Et les martyrs d’illusions,
Un asile ou une couronne.
De passions en effusions.
Ce cœur sis sur la Garonne
Cogne et jamais ne ronronne :
La ferveur a sa faveur,
Les rêveurs font sa saveur…

Ma Ville est si peu posée,
Prise entre castanhe et canhe ;
Elle est comme un pont posé
Entre Espagnes et Cocagne…

Pour voir son humeur doler
Ou sa rumeur s’affoler,
Ōc, respire-la, ma Ville,
Où vibrent, tout en volées,
Sans violences inciviles,
Des violettes envolées
Quand le Canal et le fleuve
S’enlacent pour mieux s’aimer,
Quand dans la lumière pleuvent
Les effluves nées de Mai,
Quand son pavé fait peau neuve
Sous la rosée qui l’abreuve,
Quand le rimeur, plein d’envol,
Crie : « Autan suspends ton vol ! »…

Ma Ville, sans opposer
Le lendemain à la veille,
À chacun veut proposer
Un espoir qui émerveille…

Quand l’hiver, sans jalousie,
Lui fait quelque courtoisie,
Ōc, regarde-la, ma Ville
Si féconde en hérésies.
Elle n’est jamais servile :
Folle de ses frénésies,
Cette belle fanfaronne
Résiste à qui, là, lui nuit
Ou croit qu’il la chaperonne ;
Tout le jour, loin dans la nuit,
Cette rebelle luronne,
Fière, jamais ne poltronne
Aux terrasses des cafés
Par les arcades coiffés…

Ma ville s’est imposée,
Âme rouge et idées noires,
Comme un pont qui osait
Et les rêves et la mémoire.

Fantaisie dans les atours
De ses coins et alentours,
Ōc, tu goûteras ma Ville
 Quand Febus embrasse un’ tour
Perchée, perdue, immobile,
Qu’s’embrase la tuile autour,…
L’astre offre à cette Cité
Son indocile sagesse
Et sa noble liberté ;
Elle donne ses largesses
À qui les a méritées
Sans chercher célébrité
Et son sang de sauvagesse
Plus intraitable que Gesse…

mardi 29 mars 2011

LA COUPABLE PASSE À TABLE






Oui, mon amie, j'avoue : c’est bel et bien moi,
Cette femme qu’il voit depuis plus d’un mois !
Tous les époux qui, un jour, se désarriment
Quand les poudres, les fards plus rien ne griment
Ne cherchent jamais bien loin ce fol émoi
Qu’ils donnent à leur cœur pour nouvelle rime…
C’est une prime offerte en plus de leur crime !

Pardonnes-moi, si ce n’est plus toi, mais moi,
La femme qu’il aime depuis plus d’un mois.
Il me quittera aussi le temps imprime
De trop sa marque à nos corps et les périme ;
Une autre le poussera à d’autres émois.
Je connaîtrais alors torpeur et déprime
Qui poussent, un jour, à ce qu’on se supprime…

HAÏKU LOIR

Vaut-il mieux volée de marche ou escalier dérobé ?

SPLEEN

« Pour ma douleur mourir il faut qu’elle me tue » J. Cocteau

Ce soir-là, il bruinait
Sur les lacis fangeux, maquis marécageux,
D’une mémoire où je m’emmure, abandonné.
Mon esprit ombrageux
Y a bâti un havre aux murs blancs de brouillard,
Sous un plafond de brume à jamais nuageux

J’ai ce malheur d’être un chante, presque un poète ;
J’ai ce mal des lettres que pleurent les tempêtes…

En tons de corbillard,
Mon sol, n’est que sables mouvants de vains regrets
Sur lesquels mon âme joue à colin-maillard.
Là, l’ennui tend ses rets ;
La corde du temps et le seau du souvenir
 Plongent dans le puits du passé sans simagrées…

Ils me font revenir,
Sur la margelle d’un présent sec, crevassé,
Avec l’eau amère des remords à honnir
Des vers pour effacer,
En strophes atrophiées, la détresse et l’ennui,
Noyer les vibrations nées d’une âme agacée…

J’ai ce malheur d’être un chante, presque un poète ;
J’ai ce mal des lettres que pleurent les tempêtes…

Dans mes jours, il fait nuit.
En tout lieu, même aride, il gèle tout l’été.
Et l’eau m’assoiffe et le pain m’affame à minuit.
Aussi j'ai tout quitté :
Joies et vigueurs du vin et, quand mal renaît
Je m'abîme en rimes tout de noir habitées.