Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

lundi 31 octobre 2011

HAÏKU'M PRÉHENSION

Pourquoi tant de gens refusent d’être pareils à leur voisin,
Tout en détestant tout ce qui est différent d’eux ?!

LE TEMPLE D'AMOUR

Érigeons donc un temple
Aux modernes amours
Qui soit, à tous, exemple
Et trésor pour toujours,
À nul autre pareil. Donnons-lui piliers
Verbeux, tout d’inconstance,
Murs en pierres de foi, par promesses liées,
Chaulés d’inconséquence.

Puis d’âmes tourmentées,
De cœurs lourds, pavons-le.
Enfin pour augmenter
Son charme, couvrons-le
De plaisirs qu’on consomme,
De pensers volages, de désirs avoués,…
Ce toit n’est qu’une somme
D’espoirs jamais déçus et d’attentes rouées.

Ornons notre édifice
D’idoles à aimer
Que l’on peut, par caprice,
Briser et blasphémer
Comme on les a noyées, un temps, de pleurs en pluie.
Qu’un feu éternel brûle
En son sein, de temps à autre, pour que son huis
Brille sous sa férule.

Qu’il y ait des chapelles
Pour l’icône du jour
Et celle qu’on appelle
Pour la nuit, sans détour.
Partout, des cierges de faux soupirs dévoués
Honoreront les stances,
Les repentirs tardifs, les regrets bien joués,…
Remords de circonstance.

Surtout ce lieu de culte
Honorera Vénus
De sciences occultes
Et son fils, en bonus :
La fidélité en fumées s’élèvera
Aux nues et aux nuages, 
Comme le sang des faux-semblants abreuvera
Cette terre sans âge…

Érigeons-le ce temple
Aux modernes amours.
Qu’il soit haut, qu’il soit ample
Pour que chacun, toujours,
Y fasse son doux nid et n’y mettons jamais
Les pieds, seuls ou ensemble.
Laissons-le à tous ceux qui ne savent qu’aimer,…
Ou à ce qu’il leur semble.

LE CORBEAU & LE LAPIN

Petite fable affable d'après un texte courant « sur la toile »
Connaissant ce Siècle, Jean de La Fontaine,
Aurait pu y jouer les croque-mitaines.
Il n’aurait pas pris de gants ni, sûr, de mitaines,
Pour railler les oisons que l’on prend en pantenne :

Maître Corbeau sur un arbre perché,
Quelque vieux fromager sans doute, n’en fichait
Pas une ramée, le bec béant et l’œil vide.
Un lapin qui avait avisé l’impavide,
Lui tint à peu près ce langage : Mon ami,
Puis-je m’asseoir, ne rien faire, même à demi,
Comme tu le fais si bien, depuis tant de lustres ?
Mais bien sûr, répondit-il, je ne suis point rustre !
Dans cette ombre et sur cette herbe, paresse ou dors,
Assois-toi où te sied, profite du décor :
En ce bas monde, il n’y a rien de mieux à faire !
Ainsi fut fait, chacun vacant à ses affaires,
Jusqu’à ce que l’envie de la sieste cloue au sol
Notre lapin, sous son tout nouveau parasol.
Maître renard, par le clabaudage alléché,
L’a vu, assommé de sommeil, ainsi couché.
Il s’est approché et, dans un prudent silence,
D’une bouchée en fit, ce jour-là, sa pitance.

Larrons, lurons, pour rester assis, tout le jour,
Oisif et oiseux dans le terrestre séjour,
Sans jamais languir ni s’en inquiéter toujours,
Il vaut mieux être haut placé. Sur ce, bon jour !

AU FIL D'UN FILET D'EAU

Cycle pyrénéen

Murmure éternel et monotone,
Cette source enfante, à sa façon,
Une douce litanie de sons
Pour la grenouille, pour le poisson.
Enfouie sous les buis, elle chantonne,
Claire et cristalline, à l’unisson ;
De bruits enfuis, elle fait moisson,
Les mêle au vent qui joue du basson,
Murmures éternels et monotones.

Murmure éternel et monotone,
Le ruisseau susurre ses frissons,
Chuchotant sa fraîche chanson
Qui berce bruyères et buissons,
Sereine sérénade à l’automne ;
Carrousel où complaintent les sons,
Il coule et court au creux des cressons
Qui bruissent de soupirs d’enfançons,
Murmures éternels et monotones.

QUESTIONS ANGOISSÉES D'UN GÉOGRAPHE DÉBOUSSOLÉ

Doit-on continuer à chercher Poulx (30) à Toutlemonde (49) ?
Jumeler St Ours (63) et St Ovin (50), n’est-ce pas mal vu par les enfants de Bergères (10) ?
Qui hait Puceul (44) a trouvé Compains (63) ?
Est-ce bien d’être à Lez (31) ?
Vivre à La Coole (51) est-ce si bien que cela ?
Tout, tout, tout vous saurez tout sur les Eyzies (24) ?
Se bat-on plus à Rix (39) qu’à Riom (63) ?
Le jumelage entre Sausset-les-pins (13) et Mouilleron-le-Captif (85) ne risque-t-il de tomber à Llo (66) ?
La Tombe (77) est-ce aussi mortel que cela ?
Compiègne (60) qui pourra ?

samedi 29 octobre 2011

HAÏKU QUINE

Pourquoi le noyer est-il « l’arbre du pendu  » ?

QUESTIONS ANGOISSÉES D'UN GÉOGRAPHE DÉBOUSSOLÉ

Peut-on trouver une baignoire à Spa (Belgique) ?
Qu’advient-il lorsqu’on est à Crans (01) ?
Peut-on jumeler Mariol (03) et Folles (87) sans Dangers (28) ?
Qu’y a-t-il après Plurien (22) ?
Crevant (36), l’est-ce vraiment ?
À les entendre les Bayonnais ne le sont pas tant que cela !
Est-ce vrai qu’il est si chiant que ça, Monsieur le maire d’Eu (76) ?
Est-il vrai qu’on peut descendre à Lacave (46) sans risque ?
Que serait le Mississippi sans lit ?
Peut-on jumeler, avec l’accord de l’Élysée, Carlat (15) à Bruni (Italie) ?

LE LOURD BÂT DE L'ANNE

Anne est une petite vieille fripée
Qu’on a souvent froissée avec sa portée :
L’aîné a un popotin d’hippopotame
Et, triste cuistre, aime à laper des lampées ;
Son second, fêlé, lui ne sait qu’empester
Le propane et, crois-moi, c’est à rendre l’âme !

Anne est une petite vieille fripée
Qu’on a souvent froissée avec sa portée :
Son « Bout du nez boudiné », le troisième âne
De cette tribu, n’a appris qu’à japper ;
Et le suivant n’a, souvent, d’autre fierté
Que d’exhiber, à tout va, son bel organe !

Anne est une petite vieille fripée
Qu’on a souvent froissée avec sa portée
Car son cinquième, il parle comme on tam-tame
Et, nain gras ingrat, est toujours à souper ;
Le benjamin, vache, bravache et buté,
A toujours moins de pieds que d’oignons, Madame !

Ces lardons, en réunion, aiment la paix
D’un’ Nature qui ne les a pas gâtés
Et ont moins d’esprit qu’une poule faisane…
Mais qu’importe, puisque ces sots-ci sont d’Anne,
Ma sœur Anne, cette vieille fripée
Qu’on a souvent froissée avec sa portée !

LA LOUTRE PHILOSOPHE

Petite fable affable

Une loutre pêchait dans l’eau de l’onde pure.
Elle ramena, ce jour-là,
Trois beaux et gros poissons que le soleil azure
Incidemment passe par là,
Quelque raton laveur qui n’est pas indigène
Du lieu, pas plus que de ses us.
Notre voleur masqué interpelle sans gêne :

« Voilà, amie lustrée, une bien belle pêche !
Il a dû te falloir du temps
Pour réussir ainsi, et être sur la brèche
Sans répit. C’est bien éreintant !
- Pas du tout, Étranger, Il m’a fallu une heure !
- Alors pourquoi ne pas rester
Plus longtemps, prendre une quantité supérieure ?
- Cela suffit pour sustenter,
Aujourd’hui, tous les miens. À chaque jour sa peine !
- Mais que fais-tu de tes journées ?
- Je me prélasse au nid. Je nage, joue et pêche
Avec le petit qui m’est né,
Je fais une sieste avec ma mie. On se sèche
Sur les pierres que l’eau polit ;
Avec nos semblables, jusqu’à la nuit qui tombe,
On s’amuse, on rit. Puis au lit !
On a toujours vécu ainsi dans cette combe…
- Avec ce que je vois, de mes yeux,
Sur tes talents, Amie, à mieux tu peux prétendre
- Je ne suis guère prétentieux !
- Si tu ramènes plus,  au lieu de te détendre,
Tu vends le surplus alentour.
- Et après ? demande la loutre

- Tu t’enrichis, bâtis en dur - avec des tours -
Offres des serviteurs, en outre,
À ta femme sous peu et aux enfants l’école
Qui fera d’eux tes associés.
En quinze ans, au bas mot, tes affaires décollent :
C’est vous-mêmes qui négociez ;
Plus d’intermédiaire et aucune concurrence.
Vous vendez à l’international,
Dans dix, quinze ans, on te parle avec déférence :
Tu as une équipe au final,
Qui travaille pour toi ; on te côte à la bourse.
Tu ne comptes plus les millions.

- Tu me proposes là trente ans de folle course !
Et une fois que je suis lion ?!

- Tu te prélasses au nid. Tu nages, joues et pêches
Avec des petits-fils bien nés,
Tu fais une sieste avec ta femme, te sèches
Sur les pierres que l’eau polit ;
Avec tes semblables, jusqu’à la nuit qui tombe,
Tu t’amuses et ris. Puis au lit !
Tu seras un vrai roi, maître de cette combe…
- Dis-moi alors pourquoi, si je peux me permettre, 
Mon ami, me faut-il remettre
À un demain lointain, aux contours incertains,
Ce que je fais déjà, Crétin ?! »

AU SEIN DES JACOBINS

Cycle toulousain
Quoi, un palmier de pierre
Plante ses pieds dans ma paroisse ?
Dans un pays de lierre,
Un pays où tant de croix croissent !
Il trône au cœur d’un vieux jardin d’hiver,
S’élance au ciel, clairière de carrière,
Ceint d’une étole étoilée de lumières
Qui réchauffent, au jour, cet univers ;
Ocres. D’écarlates éclats solaires
Composent une mosaïque claire
Teintée, là, de bleu et, ici, de vert.
Couché sur le froid résonnant des dalles,
Formant mouvant et lumineux dédale,
Se peint une âme à la nef qu’ont couvert,
Les pas amassés d’un passé lassé,
Retracé, et ceux du passant pressé.

Poisse, un palmier de pierre,
Pointe et pousse dans ma paroisse !
Dans un pays de lierre,
Un pays où trop de foi froisse !
Dans le mystère de ce chœur ouvert,
De ce monastère aux hautes verrières,
Les voûtes, voies sacrées de nos prières,
S’accrochent et s’enrochent, à l’avers,
Au revers, de tes branches, arcs stellaires.
Loin, les échos du chaos séculaire
Meurent au parvis à la ville ouvert.
Pierre nue montant vers les nues étales
En faveur d’une foi fanée, fatale ;
Arbre aux racines recluses, glacées, 
Tu es voix sacrée d’un monde effacé.
De pied en cap, en pierre,
Un palmier campe en ma paroisse,
Dans un pays de lierre,
Sans qu’aucun Dieu ne s’en angoisse.

jeudi 27 octobre 2011

HAÏKU D'ŒIL

Les choses et les êtres ne valent que par le regard qu’on porte sur eux.

FUITE À L'ENCRE

Quand j’ai le cœur en berne et l’âme toute en deuil,
Dans le livre du ciel, sur une de ces pages
Que parfois l’automne arrache au flot des nuages,
Le vent, tout en soupirs, écrit ma plainte au seuil
D’une nuit blanchie à force d’encre en voyage.

Ne cherchez aucune larme au coin de mon œil
Quand le destin, crocs et griffes sort de sa cage 
Pour embarquer ma vie dans quelque chavirage ;
Les mots griffonnés, seuls, referment le cercueil
D’une nuit blanchie à force d’encre en voyage.

Ils colorent de gris ou de rose, en errant,
Ces sentiments qui font enjamber bastingage
Ou parapet, à plus d’un autre, au plus fringuant
D’une nuit blanchie à force d’encre en voyage.

Ils chantent en riant ou bien en implorant ;
Pluies et pleurs offrent un souvenir de sillage
À cent sensations qui s’estompent au mourant
D’une nuit blanchie à force d’encre en voyage.


Illustration : Camille Lesterle, 29-30 juin 2014