« Nous sommes faits de l’étoffe de nos rêves » W. Shakespeare (1564-1616)
Ma plume glisse encore,
Sur l’âge où hier nous est sans reproche :
La vie et ses rêves accrochent
Des légions de souvenirs à l’ennui
Et tant de regrets à la nuit…
J’ai semé, derrière moi, des éclats de rire
Et des larmes comme des petits cailloux blancs
Esquissant un sentier que j’aime à vous décrire
Traçant, là, des signes sinueux et troublants
Ou laissant, ici, en faisceaux quelques souffrances
Dans le bûcher du temps, des aveux d’avenir
Qu’a couvert la mousse des remords les plus rances.
Sur tous ces pas perdus, j’ai voulu revenir,
De brindilles d’instants en fagots de moments,
Sur les errances, les erreurs et les blessures
Même si, malgré moi, ma mémoire me ment
Pour conjurer l’échec, le choix, la déchirure
Quand j’arrachais à la nuit ses folies, ses bruits,
Pour vêtir de chaleur des jours gris-vert d’hiver,
Quand, l’été revenu, la fleur fuyait le fruit
Ou quand peut m’importait que les raisins soit verts,…
Ma plume glisse encore,
Sur l’âge où l’on a du temps plein les poches,
Et des espoirs plein la caboche :
La vie écorche nos rêves à l’envie
Et nos genoux, tout à l’envi…
Les murs muets de silence de mon enfance
Aux bras ballants, pleine des palabres du vent
Brisant les murs murés de sentences, d’instances,
Fut comme un paradis perdu aux airs de couvent
Préservant ses rives des risques de dérive.
L’adolescence fut un gué traître et profond,
Où j’allongeais le pas pour qu’enfin il m’arrive,
Par chemin raccourcis, quelque profond typhon
Pour qu’il m’ouvre les yeux sur mon insignifiance,
Alors que je voulais tant agrandir le ciel
Béant. Oui, j’ai eu très tôt la pleine conscience
Du néant, abysses noirs du superficiel
D’une vie que, chaque jour, on peine à recoudre
Quand on voudrait faire naître un vaste horizon
À la force des mots plutôt qu’à coups de poudre,
Avec des silences féconds pour tout blason.
Ma plume glisse encore,
Sur l’âge où un jour d’école toujours s’approche,
Où le présent ne vous tourne pas à sa broche :
Ma vie était profonde comme un puits,
Noire des suies de ce conduit…
Sous des ciels de traîne ou bien sur un sol d’arène,
J’ai vécu, insouciant, entre hier et demain
Et erré sans gêne de guérets en garennes,
Seul, l’âme offerte aux rets du vent des vieux chemins,…
Tout cela m’a fait une espèce de jeunesse,
Un pays que j’arpentais, l’esprit s’accablant,
À l’ombre d’arbres augustes qui ne connaissent
De réponses qu’en faux-fuyants et faux-semblants
- Proverbes, adages, dictons,… - une sagesse
Dépassée pour vivre un avenir mesuré,
À l’aune d’une vie sans débords ni largesse.
Je me suis laissé porter par des jours clôturés
De pluie qui m’ont fait une espèce de jeunesse.
Ni vraiment vécue ni tout à fait inventée,
Et donc authentique, je veux qu’elle renaisse,
Ici, par la magie du verbe ornementé…
Ma plume glisse encore
Sur l’âge où demain n’est jamais trop proche,
Où toute montagne n’est qu’une roche :
Que la vie poursuit, au long de sa vis
Asservie, en rallye ravi…
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