Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

samedi 29 octobre 2011

LA LOUTRE PHILOSOPHE

Petite fable affable

Une loutre pêchait dans l’eau de l’onde pure.
Elle ramena, ce jour-là,
Trois beaux et gros poissons que le soleil azure
Incidemment passe par là,
Quelque raton laveur qui n’est pas indigène
Du lieu, pas plus que de ses us.
Notre voleur masqué interpelle sans gêne :

« Voilà, amie lustrée, une bien belle pêche !
Il a dû te falloir du temps
Pour réussir ainsi, et être sur la brèche
Sans répit. C’est bien éreintant !
- Pas du tout, Étranger, Il m’a fallu une heure !
- Alors pourquoi ne pas rester
Plus longtemps, prendre une quantité supérieure ?
- Cela suffit pour sustenter,
Aujourd’hui, tous les miens. À chaque jour sa peine !
- Mais que fais-tu de tes journées ?
- Je me prélasse au nid. Je nage, joue et pêche
Avec le petit qui m’est né,
Je fais une sieste avec ma mie. On se sèche
Sur les pierres que l’eau polit ;
Avec nos semblables, jusqu’à la nuit qui tombe,
On s’amuse, on rit. Puis au lit !
On a toujours vécu ainsi dans cette combe…
- Avec ce que je vois, de mes yeux,
Sur tes talents, Amie, à mieux tu peux prétendre
- Je ne suis guère prétentieux !
- Si tu ramènes plus,  au lieu de te détendre,
Tu vends le surplus alentour.
- Et après ? demande la loutre

- Tu t’enrichis, bâtis en dur - avec des tours -
Offres des serviteurs, en outre,
À ta femme sous peu et aux enfants l’école
Qui fera d’eux tes associés.
En quinze ans, au bas mot, tes affaires décollent :
C’est vous-mêmes qui négociez ;
Plus d’intermédiaire et aucune concurrence.
Vous vendez à l’international,
Dans dix, quinze ans, on te parle avec déférence :
Tu as une équipe au final,
Qui travaille pour toi ; on te côte à la bourse.
Tu ne comptes plus les millions.

- Tu me proposes là trente ans de folle course !
Et une fois que je suis lion ?!

- Tu te prélasses au nid. Tu nages, joues et pêches
Avec des petits-fils bien nés,
Tu fais une sieste avec ta femme, te sèches
Sur les pierres que l’eau polit ;
Avec tes semblables, jusqu’à la nuit qui tombe,
Tu t’amuses et ris. Puis au lit !
Tu seras un vrai roi, maître de cette combe…
- Dis-moi alors pourquoi, si je peux me permettre, 
Mon ami, me faut-il remettre
À un demain lointain, aux contours incertains,
Ce que je fais déjà, Crétin ?! »

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